En 1689, la France est en guerre contre la Ligue d'Augsbourg. Depuis la mort de Colbert, le Trésor est vide. Afin de proposer aux épargnants un produit novateur, un projet présenté 36 ans plus tôt à Mazarin, mais refusé par le Parlement, est alors exhumé : l'emprunt tontinier. Les souscripteurs y sont groupés par classes d'âge qui se partagent les arrérages des prédécédés, jusqu'à ce que le décès du dernier tontinier éteigne la dette de l'État.Malgré le succès populaire de cette émission, c'est pourtant un échec pour l'État émetteur qui ne collecte que 18 % de ce qu'il attendait. Des calculs actuariels utilisant la Table de Mortalité de Deparcieux permettent d'expliquer les raisons de cet échec.Cet emprunt est, en effet, coûteux pour l'émetteur, alors qu'il est peu rentable pour le souscripteur individuel. Celui-ci doit survivre de longues années (42 ans pour une souscription à sept ans, par exemple) pour que son " revenant de bon " lui permette seulement d'obtenir le rendement habituel des rentes perpétuelles, 5 %.Une synthèse d'histoire politique et d'analyse financière présente ensuite les neuf emprunts tontiniers qui suivent celui de 1689. Leurs variantes techniques sont souvent très originales. Alors que les deux autres emprunts tontiniers de Louis XIV sont des échecs, ceux de Louis XV sont des succès autant financiers que politiques. En 1733 et 1734, ces emprunts " achètent la Lorraine " et, ceux de 1743, 1744 et 1745 participent au financement de la victoire de Fontenoy. En 1759, un énorme emprunt collecte, à lui seul, autant que les neuf précédents.Mais, en 1770, la banqueroute de l'abbé Terray les emporte ! Ils sont alors transformés en emprunts purement viagers : les tontiniers ne bénéficient plus des arrérages des prédécédés. C'est ainsi que ces montages sophistiqués, pleins d'imagination, disparaissent de notre paysage financier.