La végétalité est ici pensée comme un phénomène de représentation qui travaille les formes de l'Art Brut. La végétalité s'entend comme modalité d'apparaître d'une multiplicité de féminins et œuvre à l'incarnation des corps créateurs mus par un désir d'existence. Ce concept se déploie dans la diversité de notions et de formes – dimension ornementale, parure, matière, dessin, textile, rhizome – qui rythment les créations textiles de Jeanne Tripier et de Juliette Élisa Bataille, les robes créées par Marguerite Sirvins, Jeanne Laporte-Fromage et Madge Gill et l'œuvre dessinée d'Aloïse Corbaz. La poussée végétale qui bruisse en chacune de ces œuvres nous amène alors à imaginer et rencontrer les corps en situation de création et soumis à la clôture de l'espace asilaire européen au XXe siècle.
Le sel est un minéral indispensable à l'existence humaine, voire à la vie tout court. Il est aussi un ingrédient indispensable de la création artistique, verbale et figurée. Des recueils d'épigrammes de l'Antiquité à la chanson contemporaine, le sel est là, entre rire et larmes. Que dit-il de notre monde ou de nous aujourd'hui? Ou que permet-il d'exprimer à ce sujet? Cet ouvrage offre des éléments de réponse en faisant dialoguer des œuvres d'artistes contemporaines – Ariane Carmignac, Marie Cosnay, Ilanit Illouz – et les "éclats de sel" écrits par des enseignantes-chercheuses et des étudiant·e·s guidés par Marie Cosnay.Ce livre prend place au nombre des travaux de l'atelier interdisciplinaire sur la culture du sel copiloté par Christine Hoët-van Cauwenberghe, Arnaud Gauthier et Armelle Masse. Il est le fruit d'un programme développé spécifiquement pendant un an sur les "mots du sel".
Tomber en syncope, telle est l'invitation de l'ouvrage Vertige de l'art. Syncopes et extases (XVIe siècle – XXIe siècles). Ces états de vacatio propices à la création artistique à la Renaissance perdurent et entraînent les auteures à mettre en regard des œuvres modernes et contemporaines. Une syncope insaisissable et cependant présente dans des domaines à la fois scientifiques, littéraires et philosophiques. Le concept de syncope-extase permet de déconstruire les perceptions de faiblesse ou de non-action apparentes et d'affirmer une échappée paradoxale, un contre-pouvoir.Hiatus, faille ou encore disjonction, que l'artiste des différentes époques de l'art provoque. L'ouvrage donne ainsi à voir ou à éprouver ce moment syncopal, un hors-temps de l'histoire.
Le travail xenakien pose la question des frontières et de leur franchissement. De l'architecture à la musique, de la théorie à la pratique, de l'art à la science, Iannis Xenakis montra l'exemple d'une libre circulation, toujours guidé par les lois de la Nature, si ce n'est par une visée universelle de la création. Musique environnementale / architecture immatérielle, concepts et symboles dans l'Œuvre xenakienne, dialectique architecture / musique: trois volets du présent ouvrage, articulés autour de la thématique entre les mondes, visent à définir et mettre en perspective un "entre les mondes" dans le travail de conception, d'invention, de création, de composition, non seulement de Iannis Xenakis, mais aussi de toutes celles et tous ceux pour lesquels ce citoyen des mondes peut constituer une référence.
Anthony Mann. Arpenter l'image est le premier ouvrage en français qui propose une analyse des films majeurs de l'un des plus importants réalisateurs hollywoodiens classiques, Anthony Mann (1906-1967). Celui-ci s'est investi dans les genres les plus importants de l'art cinématographique: film noir, western, film de guerre, péplum. Les auteurs visent, à travers ces analyses, à réfléchir l'image cinématographique et à contribuer à une philosophie de l'image.C'est que l'ambition de Mann est bien réelle : il s'obstine, tout au long de sa carrière, à comprendre ce qu'est l'image et l'action qu'elle donne à voir. Mann raconte et s'efforce de comprendre en même temps, à même ses images, ce que c'est que de narrer en image, ce qu'est une action qui est de part en part image. Mann arpente les images qu'il compose.
La chorégraphe flamande Anne Teresa de Keersmaeker a toujours tenu à distance l'idée selon laquelle, en danse contemporaine, musique et chorégraphie étaient indépendantes. Elle a noué, tout au long de sa déjà longue carrière artistique, de savants échanges avec l'art musical que ce livre tente de mettre en évidence. Ainsi, l'auteur a voulu donner une suite à son ouvrage Les Fils d'un entrelacs sans fin (Presses universitaires du Septentrion, 2008) qui proposait une approche esthétique de la danse dans l'œuvre de Keersmaeker entre 1982 et 2005. Le présent volume prend la forme d'un essai qui rend compte des pièces les plus récentes (2005-2015) et re-périodise l'ensemble de son travail sous un angle que le premier livre avait un peu délaissé, à savoir les figures du dialogue entre danse et musique.
Quel type d'expérience faisons-nous quand nous " regardons un film " ? Bien que cette formule consacrée ne prenne pas en compte la complexité du voir/entendre spectatoriel, elle souligne néanmoins une forme d'équivocité à propos de ce qu'on " regarde ", comme de ce qui est ainsi mis en jeu. Le présent essai s'efforce de rendre compte des différentes modalités d'appréhension de l'image filmique par le spectateur.L'auteure a choisi de travailler au plus près de la texture filmique en analysant précisément de courts extraits de films. Il s'agit d'entrer dans l'expérience que proposent Caché, de M. Haneke, Mulholland Drive et Lost Highway, de D. Lynch, Eût-elle été criminelle…, de J.G. Périot, Valse avec Bachir, d'A. Folman, et Le mystère Picasso, de H.G. Clouzot, afin de comprendre tant ce qu'un film fait au spectateur, que ce que le spectateur fait de ce qu'il perçoit.
Il n'existait pas jusqu'à présent d'ouvrage de synthèse portant sur les regroupements et les collaborations entre artistes au cours de la période allant de la Renaissance au milieu du XXe siècle. Ce livre comble cette lacune et invente ainsi un nouvel objet, qui met en perspective les pratiques coopératives et collaboratives des artistes d'hier et d'aujourd'hui et étudie diverses formes de sociabilité élaborées avant les actuels duos ou collectifs d'artistes : ateliers de production et de reproduction, académies et contre-académies, confréries, villages et colonies, sociétés d'artistes, coopératives, communautés, clubs, écoles, mouvements. Il fait également apparaître les gestes et les activités qui opèrent au cœur de certaines œuvres collaboratives (le don, le jeu ou la fête) et montre comment nombre des artistes concernés ont conçu de nouvelles modalités du travail à plusieurs qui trouvent des échos dans les récents appels au travail collaboratif. Œuvrer à plusieurs, en effet, dans le champ de l'art et en dehors, interroge notre temps, questionne les relations entre individu et groupe, entre petite et grande société, et suggère plusieurs modèles – fusionnel, économique et coopératif, politique et critique, expérimental – pour définir les relations entre les membres de ces regroupements. Situé entre histoire de l'art, histoire culturelle et anthropologie, critique à l'égard d'une histoire qui privilégie le devenir autonome de l'art, le présent ouvrage tente d'ouvrir une réflexion sur les pratiques collaboratives contemporaines et sur leurs postulats souvent demeurés implicites.
Que se joue-t-il dans l'espace psychique de l'échange entre soignant et patient, qui ouvre à la création ? Quelles formes différentes les œuvres qui en sont issues peuvent-elles prendre ? Quelles significations leur donner ? Ce livre interroge les frontières entre art et thérapie au travers d'une réflexion globale, mobilisant différentes disciplines : littérature, histoire et histoire de l'art, psychologie et arts plastiques.Cet espace de questionnement est ouvert par la rencontre entre Henry Bauchau, écrivain et thérapeute, et Lionel, patient et artiste. La relation qui les unit qui se déplaça, au cours des années, du champ thérapeutique à l'espace artistique : encouragé par Henry Bauchau, Lionel a commencé à dessiner, peindre et sculpter, tandis que l'écrivain mûrissait lentement le roman L'Enfant bleu.La notion de rencontre conduit à repenser l'art-thérapie, ainsi que le concept d'art brut. Comme l'œuvre de Lionel se révèle inclassable, échappant aux catégories communément admises que sont l'art naïf, l'art brut, l'art académique ou l'art contemporain, les parcours entrecroisés de Lionel et de Bauchau bouleversent les frontières entre les genres et les pratiques. Ils révèlent l'essentielle richesse de la rencontre thérapeutique et ouvrent une réflexion sur d'autres histoires, d'autres époques, d'autres artistes, d'autres œuvres et d'autres méthodes.De la création littéraire au travail collectif en atelier en passant par le travail analytique, du XIXe au XXIe siècle, de la France à la Suède, on explorera donc différentes modalités d'échanges et de confrontations dans ces pratiques de création.
Il y a aujourd'hui une crise de la description des images du cinéma, si l'on en croit une déclaration de Jean-Luc Godard pour qui les cinéphiles devraient s'inspirer du quotidien de sport L'Équipe : " Dans le compte-rendu que je lis, je retrouve vraiment ce qui s'est passé la veille ", dans la mesure où les journalistes sportifs décrivent toujours finement les gestes et les actions qu'ils ont vus auparavant au stade.L'ironie du propos doit nous conduire à dépasser la plainte qui l'enveloppe, et à examiner dans le détail les manières dont la fonction descriptive se développe devant un film ou une séquence filmique : pour l'analyste, le théoricien des images, l'historien du cinéma, le philosophe cinéphile. Dans une époque où le discours sur le cinéma est confronté à d'importantes mutations (critique frontale et indifférenciée de la circulation des images, profusion des commentaires via les blogs internet), cet ouvrage répond à la nécessité de penser les protocoles contemporains de la description filmique. L'idée est de faire appel à des spécialistes de l'image pour apprécier avec eux comment s'est construite leur pensée du cinéma depuis une pluralité d'opérations descriptives. L'articulation entre l'objet et la méthode de description est constamment interrogée, à travers des contributions sur des réalisateurs très variés (de Hitchcock à Pasolini, d'Orson Welles à Gus Van Sant) et des objets filmiques spécifiques : fictions, remploi d'images, gestuelle des corps en action, dimension sonore du cinéma, etc. pour défendre une pratique descriptive toujours singulière et jamais définitive.
À partir des notions de " mythologie individuelle " et de " mythe individuel ", il s'agit d'interroger les caractéristiques prêtées à l'art brut, renouvelées par leur extension ou déplacement dans le champ de la création moderne et contemporaine, ainsi que leur rapport à l'histoire.Ce qu'on nomme " l'art brut ", en incluant ses extensions dans l'Outsider Art, mérite une considération nouvelle. On doit se garder de réifier ou d'essentialiser cette notion : l'art brut, en vérité, est une question. Le point de départ de la recherche se trouve dans l'intitulé " Mythologie individuelle ", désignation par Harald Szeemann d'une section de la Dokumenta 5 de Kassel en 1972, réunissant des œuvres d'artistes contemporains dont Étienne-Martin ; dans leur immédiate proximité étaient exposées des œuvres principalement issues du contexte asilaire. C'est ce sens initial qui s'est vu enrichi, déployé et déplacé d'une manière qui rencontre les champs de l'histoire et de la critique de l'art, de la psychanalyse, de l'anthropologie et de la philosophie.L'objectif général de la démarche est de questionner les déterminations profondes des œuvres : l'histoire, la fable et l'intrigue, selon une orientation susceptible de dialectiser les rapports entre l'individuel et le collectif, entre la structure et l'activité dynamique, entre l'écrit/dessin et l'oral. C'est non seulement la catégorie d'art brut mais le concept d'art, inclus le statut des processus créatifs, qui sont mis à l'épreuve.
La critique a chez Benjamin une double dimension : celle de la reconstruction méthodique de l'objet signifiant et celle de l'instauration d'un écart qui, préparé déjà par la distance historique, fait éclater son unité de sens. Ce geste, qui se fonde sur la philosophie du langage du jeune Benjamin, renvoie également à la théorie de l'histoire de sa maturité. Mais c'est dans la réflexion sur le concept de critique d'art qu'il élabore le paradigme intellectuel qui, au sein même de l'œuvre, prend appui sur la conception romantique d'une critique immanente à l'objet qu'elle achève.Loin des célébrations empathiques et des réactualisations superficielles qui ont souvent caractérisé la première réception française de Benjamin, l'objectif commun des textes ici rassemblés, est de réfléchir aux fondements théoriques du geste critique chez l'auteur, en revenant sur les sources littéraires et philosophiques de sa pensée.