Construction d'une expérience esthétique : musique, philosophie, poésie (1907-1922)
Comment devient-on poète ? Pour explorer cette question, Ioulia Podoroga suit l'itinéraire esthétique de Boris Pasternak (1890-1960) à travers ses différentes expériences créatives et intellectuelles, ruptures et hésitations.L'écrivain et poète russe, futur prix Nobel de littérature, a longuement réfléchi sur son propre parcours et sur le poids de quelques événements clé, comme sa rencontre avec le compositeur Alexandre Scriabine, ou son apprentissage de la philosophie à Marbourg auprès de Hermann Cohen et Paul Natorp.À la lumière des recherches actuelles, l'ouvrage interroge les rapports entretenus dans son œuvre entre musique, philosophie et poésie, afin de retracer les étapes de la construction du " sujet lyrique ".
La critique immanente désigne une opération critique qui se veut intérieure et non extérieure à l'objet critiqué, qu'il s'agisse de textes, d'œuvres, de pratiques et d'institutions et même de sociétés dans leur globalité. Aujourd'hui, c'est le plus souvent en rapport avec la critique sociale que ce concept est discuté, notamment par la théorie critique francfortoise. Les contributions réunies dans ce volume s'attachent d'une part à l'histoire du concept (Hegel, Marx, Benjamin, Adorno), d'autre part aux discussions les plus contemporaines sur les modèles de la critique sociale qui exigent de partir de normes ayant validité sociale dans les sociétés critiquées (Walzer, Habermas, Honneth).
Schelling demandait: "Pourquoi y a-t-il du sens, non du non-sens au lieu du sens?" Dans cette question, la notion n'est pas un signe renvoyant à quelque chose, pas plus que lorsque l'on dit communément non pas d'un énoncé, mais d'une chose, d'un état de fait, qu'ils "ont un sens" ou non. Comment aborder philosophiquement cette version du sens? Notre ouvrage part d'une conviction: la structure philosophique sous-tendant l'idée du sens s'ouvre avec Kant, dans la mesure où on peut le définir, pour commencer, comme le renvoi d'une réalité donnée à l'horizon d'une réalité (ou d'une idéalité) simplement postulée, que l'on peut certes nommer, mais pas directement connaître. Ainsi par exemple de Dieu. On cherche ainsi à cerner comment le sens est devenu une catégorie directrice de la philosophie, constamment au travail dans les variations de l'idéalisme, l'émergence de la phénoménologie, des philosophies de la vie, de l'existence, de la culture, de la psychanalyse.
Parmi les œuvres qui inaugurent le "tournant linguistique" de la pensée contemporaine, l'Herméneutique de Schleiermacher (1768-1834), théologien, philosophe, philologue, selon les catégories de l'époque, tient une place essentielle. Conçue en pleine expansion de l'idéalisme allemand, mais pour une large part contre lui, elle développe la première théorie du discours individuel et définit les méthodes de compréhension qui lui sont appropriées. L'observation minutieuse des mécanismes du langage y va de pair avec une analyse étonnamment actuelle de leurs incidences sur le processus de la formation subjective.Entièrement revue et augmentée de deux textes sur la critique philologique, cette traduction intègre les corrections philologiques et chronologiques de l'édition critique.
Hans Lipps, Georg Misch, Josef König, Martin Heidegger
La connaissance est une forme de vie, relative à la situation contingente de celui qui la produit. La logique herméneutique étudie cette relativité, non pour la dénoncer, mais pour y voir au contraire la source de la véritable valeur qui s'attache à la connaissance. Cette étude fut menée au début du XXe siècle par Hans Lipps, Georg Misch, Josef König et Martin Heidegger.Si la logique classique tente de comprendre comment le langage peut décrire l'expérience dont il parle, et appelle "signification" et "vérité" cette relation de description, la logique herméneutique élargit la recherche logique, en examinant non seulement comment on doit parler de l'expérience, mais également comment l'expérience nous fait parler. Ainsi déploie-t-elle un relativisme optimiste, en découvrant la source du sens (logos) de nos paroles et de nos connaissances dans l'interprétation que chacun fait de la situation dans laquelle il vit.
Savons-nous ce que nous faisons quand nous lisons des textes? Savons-nous ce que nous comprenons quand nous devenons des lecteurs? Ces questions iconoclastes sont rarement posées car elles dérangent et viennent perturber nos rapports aux œuvres, aux arts et à la pensée tels qu'ils s'expriment dans les textes. C'est donc bien le problème du sens d'un texte qui se pose alors même qu'il passe comme allant de soi parce que ne faisant que très rarement l'objet d'une interrogation de la part des lecteurs que nous sommes. Nous lisons donc comme si la signification des œuvres n'était pas la question centrale. L'œuvre du philologue Jean Bollack n'hésite pas à poser ces questions encore et toujours nouvelles dans notre modernité. Lors d'échanges approfondis avec le philosophe Patrick Llored sur ce que lire veut dire, il livre son discours de la méthode philologique en explicitant les enjeux de son travail d'interprétation d'une multitude d'œuvres appartenant à de nombreux genres littéraires tout comme à la pensée lorsqu'elle prend la forme universelle de la philosophie. Littérature, théâtre, poésie et philosophie font dans ce volume unique l'objet de cette nouvelle manière de déchiffrer les œuvres. C'est toute notre culture qui prend ainsi un sens nouveau, toujours ancré dans l'histoire, sens partageable avec l'humanité qui peut s'approprier les œuvres de manière rationnelle.
Établir l'art de l'interprétation comme science, tel est l'objectif de l'Essai de G. Fr. Meier, publié à Halle en 1757. Il s'agit du traité systématique d'herméneutique le plus abouti du rationalisme des Lumières dans son effort pour dégager des principes généraux de l'interprétation, dont le principe d'équité est le cœur. Les règles méthodologiques dégagées permettent de justifier la prétention de l'interprétation à être une connaissance, favorisant ainsi tant la culture que la lutte contre la superstition.La traduction de l'Essai en français permet d'introduire l'herméneutique des Lumières, sa prétention à l'objectivité, son rapport avec la logique et la théorie du langage, dans un paysage marqué par la philosophie herméneutique de Heidegger et Gadamer.
Après avoir présenté l'anthropologie philosophique de Wilhelm von Humboldt, il nous a paru éclairant, pour enrichir la compréhension de sa pensée, de la mettre en perspective avec les diverses études qui lui ont été consacrées, dans le but de capter ainsi l'image qu'il a laissée dans la postérité, tant philosophique que linguistique.On rencontre ainsi de grands noms de ces deux disciplines, notamment Cassirer et Heidegger d'une part, Chomsky et Whorf de l'autre, qui nous donnent à penser que, pour atteindre en sa vérité une pensée aussi complexe, il faut quitter la plaine du commentaire et s'élever à une certaine hauteur de pensée. Se comprend ainsi alors que Humboldt ait pu être à la fois méconnu par les plus nombreux, mais reconnu par les plus grands.L'image, au terme du parcours, se révèle multiple. Ses reflets diversifiés sont la projection éclatée d'un projet fondamental, celui d'une anthropologie qui trouve son parachèvement dans le Kawi-Werk, l'œuvre dernière. Dans celle-ci se déploie cette idée directrice que le langage est le foyer unifiant de la théorie et de la culture de l'homme, idée qui permet d'éclairer enfin la seule question qui vaille: Qu'est-ce que l'homme?
L'intelligence de la compréhension des textes littéraires a pour présupposé l'intelligence à l'œuvre dans les textes eux-mêmes.Comment lire des œuvres de Schiller, Friedrich Schlegel, Uhland, Rilke, Kafka et Celan ? s'interroge Christoph König. La réflexion kantienne sur les conditions de possibilité d'une connaissance littéraire trouve un prolongement dans une herméneutique critique moderne.Les lectures proposées portent sur de grandes œuvres de la littérature allemande, depuis l'époque du classicisme de Weimar jusqu'à la modernité où la tradition symboliste de Paul Valéry est revisitée. Le livre traite aussi de la rivalité entre des philosophes lecteurs de littérature et des philologues qui travaillent à une théorie de leur pratique. Les lectures philosophiques de Wilhelm von Humboldt et Wittgenstein et la démarche théologique de Walter Benjamin sont ainsi évoquées, ainsi que les lectures toujours neuves de poèmes de Celan par son ami le comparatiste Peter Szondi.
La calomnie est la falsification volontaire du discours d'autrui : elle fait dire à quelqu'un ce qu'il n'a pas dit. À la Renaissance, lorsque la grammaire se transforma en philologie, la calomnie devint un " philosophème ", l'unité focale d'un réseau de notions et de problèmes, exprimant la nouvelle conscience des écarts entre la pensée, son expression dans une langue historique et sa communication. Contre les lectures fautives, le philologue rétablit le sens authentique des œuvres du passé. Par son pouvoir de miner la crédibilité d'autrui, la calomnie fut également un objet de réflexion politique et religieuse, incitant même Botticelli à en donner une représentation picturale.Cet essai se propose d'analyser les dispositifs de la calomnie, ainsi que ses effets et ses remèdes, dans ses lieux historiques d'apparition. Ainsi, après avoir examiné l'émergence de la calomnie à la Renaissance, on en étudiera la réélaboration dans la défense de Descartes contre ceux qui l'accusaient d'hérésie. Le problème humaniste de la communication se transforme ici dans celui de la juste compréhension des idées et dans l'examen des passions négatives et les vertus qui les contrecarrent, notamment la générosité. Si ces éléments constituent la préhistoire de l'herméneutique, l'étude de l'herméneutique générale du XVIIe-XVIIIe siècle, visant à contrer les calomnies de l'interprète malicieux, en représente sa première forme. On verra enfin comment la calomnie fut réduite ensuite à la médisance.
Manuscrits relatifs à une suite de l'édification du monde historique dans les sciences de l'esprit
" Auparavant, on cherchait à saisir la vie à partir du monde. Mais il n'y a que la voie qui mène de l'interprétation de la vie au monde. Et la vie n'est là que dans l'expérience vécue, la compréhension et l'appréhension historique. Nous n'importons pas de sens du monde dans la vie. Nous sommes ouverts à la possibilité que le sens et la signification ne naissent qu'en l'homme et dans son histoire. Pas dans l'homme singulier, mais dans l'homme historique. Car l'homme est un (être) historique. "Wilhelm Dilthey
L'histoire de la pensée occidentale est jalonnée de grandes " querelles ", comme celle des universaux ou celle des anciens et des modernes. C'est à travers de tels débats, comme ceux qui, durant la seconde moitié du XXe siècle, ont opposé en France Gueroult et Alquié ou Foucault et Derrida, que, à notre époque, elle reste vivante. En prenant en considération certains aspects surprenants de sa réception, on mesure à quel point une doctrine comme celle de Descartes, qu'aucune entreprise académique n'est parvenue à momifier, appelle des engagements de pensée pratiqués au présent, et répugne à une appréhension objective ou prétendue telle, qui, en la considérant à distance, la relèguerait dans un passé révolu. L'œuvre de Descartes reste pour nous encore en grande part une énigme, et ainsi elle constitue une invitation ou une provocation à penser, en nous tenant à l'écart des idées touts faites : c'est par là, et non par les certitudes acquises dont elle serait porteuse, qu'elle se révèle incontournable pour qui s'intéresse à la philosophie.