La calomnie est la falsification volontaire du discours d'autrui : elle fait dire à quelqu'un ce qu'il n'a pas dit. À la Renaissance, lorsque la grammaire se transforma en philologie, la calomnie devint un " philosophème ", l'unité focale d'un réseau de notions et de problèmes, exprimant la nouvelle conscience des écarts entre la pensée, son expression dans une langue historique et sa communication. Contre les lectures fautives, le philologue rétablit le sens authentique des œuvres du passé. Par son pouvoir de miner la crédibilité d'autrui, la calomnie fut également un objet de réflexion politique et religieuse, incitant même Botticelli à en donner une représentation picturale.Cet essai se propose d'analyser les dispositifs de la calomnie, ainsi que ses effets et ses re ...
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Introduction Mensonge et calomnie La calomnie comme philosophème humaniste
Chapitre 1 La calomnie humaniste : la falsification des œuvres Valla : langue et falsification La restauration de l'elegantia latine La preuve philologique Calomnie, mensonge et crédulité Le grammairien calomnié : invective et apologie La Donation de Constantin : la crédibilité d'un faux Poliziano : grammaire et philosophie Contre les calomniateurs de Cicéron : la querelle sur l'endéléchie L'art de l'emendatio Problèmes philosophiques résolus par la philologie
Chapitre 2 L'art de la calomnie : peindre le faux La représentation de la calomnie : politique et peinture Parler dans l'oreille, prêter l'oreille L'héritage de Lucien La crédulité du prince Voir les passions de l'âme Botticelli : quand médire, c'est voir Irrésolution La solitude de la vérité Apelle rediuiuus L'impuissance du Remords L'histoire illustrée de la galerie Statues muettes (Annexe : images : La Calomnie de Botticelli)
Chapitre 3 Malice et équité Descartes : le désarroi du philosophe Des difficultés à se faire comprendre Les règles de la controverse La maîtrise des passions Mauvaise et bonne volonté Admiration et générosité Herméneutique et logique L'héritage humaniste Chercher le vrai sens du faux Les obstacles de la communication : l'équité herméneutique (hermeneutische Billigkeit)
Conclusion Bibliographie Index nominum
La calomnie est la falsification volontaire du discours d'autrui : elle fait dire à quelqu'un ce qu'il n'a pas dit. À la Renaissance, lorsque la grammaire se transforma en philologie, la calomnie devint un " philosophème ", l'unité focale d'un réseau de notions et de problèmes, exprimant la nouvelle conscience des écarts entre la pensée, son expression dans une langue historique et sa communication. Contre les lectures fautives, le philologue rétablit le sens authentique des œuvres du passé. Par son pouvoir de miner la crédibilité d'autrui, la calomnie fut également un objet de réflexion politique et religieuse, incitant même Botticelli à en donner une représentation picturale.Cet essai se propose d'analyser les dispositifs de la calomnie, ainsi que ses effets et ses remèdes, dans ses lieux historiques d'apparition. Ainsi, après avoir examiné l'émergence de la calomnie à la Renaissance, on en étudiera la réélaboration dans la défense de Descartes contre ceux qui l'accusaient d'hérésie. Le problème humaniste de la communication se transforme ici dans celui de la juste compréhension des idées et dans l'examen des passions négatives et les vertus qui les contrecarrent, notamment la générosité. Si ces éléments constituent la préhistoire de l'herméneutique, l'étude de l'herméneutique générale du XVIIe-XVIIIe siècle, visant à contrer les calomnies de l'interprète malicieux, en représente sa première forme. On verra enfin comment la calomnie fut réduite ensuite à la médisance.