Comment et quand le monde a-t-il basculé dans ce système que l'on appelle " capitalisme " ? C'est dans cette discussion que s'inscrit le Brenner Debate, du nom de l'historien américain Robert Brenner. À l'origine de ce débat important parmi les historiennes et historiens du capitalisme, les travaux de Robert Brenner ont exercé une influence majeure sur le développement de la pensée marxiste à partir des années 1970.Dans une première partie, François Allisson et Nicolas Brisset retracent et contextualisent les principales étapes de ce débat ayant mené aux travaux de Robert Brenner. Les auteurs montrent ainsi que la manière d'aborder l'histoire du capitalisme est intimement liée au regard que l'on porte sur ce système économique. Une seconde partie propose la traduction inédite d'un article de Robert Brenner paru en 2007, " Propriété et progrès : quand Adam Smith faisait fausse route ", qui constitue, de l'aveu même de son auteur, la version définitive de son argument développé en 1976.Cet ouvrage est une porte d'entrée sur la pensée d'un économiste méconnu dans l'espace francophone, qui pourtant mérite, au regard de son importance dans l'historiographie anglo-saxonne, toute notre attention.
Robert L. Heilbroner est l'auteur du best-seller The Worldly Philosophers (1953). Cet ouvrage à l'immense succès, qui porte sur les idées des grands économistes (Adam Smith, Karl Marx, Joseph Schumpeter, John Maynard Keynes, etc.), a très probablement contribué à masquer ses importants autres travaux sur la politique économique, le capitalisme, le socialisme, le problème environnemental, la croissance démographique, etc. Heilbroner s'est toujours montré très critique à propos de l'orientation prise par les économistes modernes dénonçant tout particulièrement la nature a-historique et dépolitisée de leurs travaux. Il propose comme alternative une approche située et historique qui tienne compte des dimensions sociales, politiques et morales des changements économiques. Cet ouvrage, qui offre une analyse et une traduction de deux textes inédits, est une invitation à découvrir les idées d'Heilbroner, inquiet du devenir des sociétés modernes, et qui a toujours cru en la fécondité des sciences sociales.
Walter Eucken est la figure centrale de la pensée ordolibérale allemande et fait paraître " Le problème politique de l'Ordre " (1948) dans le premier numéro de la revue Ordojahrbuch. Remettant en cause le concept historiciste et marxiste de capitalisme, ce long article redéfinit les fondements de l'économie politique. Pour ce faire, il recourt au concept d'ordre.Ce concept est un outil épistémologique permettant une typologie des modes d'interaction entre le politique et l'économique, ainsi que la définition d'une organisation sociétale idéale. L'ordre idéal est alors celui qui garantit au mieux la liberté des individus. Il repose sur un ordre économique concurrentiel ancré dans un cadre institutionnel créé et entretenu par l'État.Introduisant la lecture de cet article traduit en français par les auteurs, le livre retrace la genèse et le développement de la pensée économique de Walter Eucken, à la croisée des chemins entre économie politique, philosophie, droit et histoire.
Suivi de " Les mathématiques dans la science économique ", de Wassily Leontief
Des travaux de Wassily Leontief, on retient surtout ses tableaux entrées-sorties (TES), les célèbres TES de la comptabilité nationale, en oubliant l'ambition scientifique au service de laquelle ils avaient été conçus. Développé à Harvard dans les années 1930, le TES est un élément dans un dispositif scientifique visant à faire de l'économie une science empirique. Il est une matrice comptable associée à un modèle mathématique de l'équilibre économique général. Ce dispositif est conçu comme une alternative à l'économétrie que Leontief considère mal équipée pour résoudre le problème de l'association de la théorie à la mesure statistique. C'est qu'en économie, selon l'expression d'Alain Desrosières, le mariage entre la théorie et les statistiques est tardif et que le branchement ne va pas de soi. Cet essai présente d'abord la méthodologie économique de Leontief et montre comment elle s'insère dans les grands débats épistémologiques de la discipline jusqu'à aujourd'hui. L'ouvrage propose ensuite une réédition de l'article de Leontief " Les mathématiques et la science économique " (1954).
Outil permettant de penser l'action nouvelle des gouvernements face à la crise de 1929, la macroéconomie moderne voit le jour dans le contexte des années 1930. De cette période émerge l'idée que c'est avant tout la faiblesse de la demande qui est à l'origine du chômage, et que des politiques de relance peuvent alors y remédier. Michal Kalecki est une figure centrale de cette " révolution ", souvent trop exclusivement rattachée au seul économiste anglais John Maynard Keynes. L'ouvrage entend retracer la trajectoire intellectuelle de cet économiste atypique dans l'histoire de l'émergence de la macroéconomie comme domaine de recherche autonome. Il met en évidence les innovations théoriques introduites par Kalecki, ainsi que la spécificité de sa " vision " des causes politiques et économiques de l'(in)-stabilité.
S'il est courant aujourd'hui de parler de compétences, de connaissances, d'imagination, de flexibilité ou encore de ressources pour comprendre la croissance des " firmes-réseaux " ou des entreprises innovantes, cela le fut beaucoup moins au milieu du XXe siècle lorsque dominait le modèle des grandes firmes managériales et les interrogations sur leur " taille optimale ". Toute l'originalité des travaux d'Edith Penrose tient dans la mobilisation avant-gardiste de ces concepts pour construire une théorie dynamique de la firme et de sa croissance qui dépasse les frontières disciplinaires entre l'économie et la gestion. Comme le montre cet ouvrage, la filiation entre les travaux de Penrose et les débats actuels dans le cadre de la Resource-Based View transparaît tant dans la distinction entre " taille " et " croissance " de la firme, que dans le rôle de la connaissance dans cette croissance aujourd'hui au cœur du champ du management stratégique.Cet ouvrage contient une traduction inédite d'un article de Penrose, peu connu, publié en 1955 dans l'American Economic Review: " Limits to the Growth and Size of Firms ".
Sobriété, promotion de l'agriculture biologique, chasse au gaspillage… Ces principes bioéconomiques énoncés par Nicholas Georgescu-Roegen dans les années 1970 ont été à l'origine de l'association communément faite entre ses travaux et le mouvement de la décroissance. Cette affiliation s'avère pourtant réductrice. La participation de Georgescu-Roegen aux premiers débats écologiques et son appel à une réforme profonde de la théorie économique en font un acteur majeur des débats intellectuels de la seconde moitié du xxe siècle, bien au-delà des controverses de l'écologie radicale.La pensée de Georgescu-Roegen, à travers ses inspirations, sa clairvoyance, ses subtilités, mais aussi ses ambiguités et contradictions, offre un cadre de réflexion privilégié pour enraciner la réflexion économique dans la dynamique écologique. Cet ouvrage contient par ailleurs la réédition d'un texte méconnu de Georgescu-Roegen publié en 1978, " De la science économique à la bioéconomie ", et riche en enseignements dans le contexte des préoccupations environnementales actuelles.Antoine Missemer est agrégé de sciences sociales, assistant de recherche en économie au centre Walras-Pareto de l'université de Lausanne et membre du laboratoire Triangle de l'université de Lyon. Ses recherches portent principalement sur l'histoire de l'économie de l'environnement et des ressources naturelles.
La trajectoire de Gunnar Myrdal fut remarquable. Entamant dans les années 1920 des travaux académiques reconnus internationalement par la communauté des économistes, il se démarque de ses pairs à partir de 1930. Dans The Political Element in the Development of Economic Theory (1930), il critique d'abord leur méthode d'approche des phénomènes économiques. Puis il étend ses thèmes de recherche aux problèmes économiques et sociaux dans un contexte de crise et s'engage alors dans une carrière politique.Myrdal embrasse définitivement la démarche institutionnaliste dans an american Dilemma. The Negro Problem and Modern Democracy (1944), grande étude interdisciplinaire sur la question noire aux États-Unis. il se montre alors très critique des travaux économiques orthodoxes et récuse d'un côté les frontières disciplinaires, de l'autre le traitement des valeurs qu'opèrent les économistes. " Les valeurs guident et accompagnent notre recherche ", martèle Gunnar Myrdal. il propose ainsi sa propre méthode qu'il applique dans ses travaux aux problèmes économiques internationaux. Bien que critiquée et amendée, tant par des économistes que par des sociologues ou des ethnologues, la démarche de Myrdal demeure l'une des plus caractéristiques de la tradition institutionnaliste en sciences sociales.Publié par Gunnar Myrdal en 1978 dans le Journal of Economic issues, " L'économie institutionnaliste ", texte manifeste, texte de synthèse, est proposé ici pour la première fois en traduction française.
suivi de : "L'invasion de la philosophie et de l'économie par l'herméneutique" de Murray Rothbard
Lors d'une conférence prononcée à Cracovie en 1987, Murray Rothbard dénonce avec virulence l'" invasion " de la pensée herméneutique dans la philosophie et les sciences économiques nord-américaines. Représentant éminent de l'École autrichienne aux États-Unis, il entend préserver la pureté et l'efficience du dogme libéral en affichant son extrémisme. Ses ennemis sont multiples : si l'herméneutique est principalement visée (elle introduirait un relativisme niant toute scientificité), toute conception alternative au libéralisme " puriste " est également condamnée, en premier lieu celle de l'École de Chicago dont l'hérésie a consisté à fonder le libéralisme sur une base positiviste et finalement constructiviste, préparant ainsi le terrain aux herméneutes. La présente étude met au jour les présupposés philosophiques, épistémologiques et méthodologiques à l'origine des querelles internes au libéralisme dans la seconde moitié du xxe siècle, et entend donner au lecteur les moyens de s'orienter dans des problématiques encore peu connues pour certaines, mais dont les effets sont pourtant déjà sensibles dans les politiques économiques. Le texte de cette conférence, " L'invasion de la philosophie et de l'économie par l'herméneutique ", est proposé pour la première fois en traduction française dans cet ouvrage. Ancien élève de l'ENS (Ulm) et des universités de Harvard et de Tokyo, Gilles Campagnolo est chargé de recherches au CNRS (CEPERC, Aix-en-Provence).
Au milieu de l'âge classique, Spinoza bouleverse les rapports entre État, philosophie et religion. Dans une conjoncture où la révolution philologique remet en cause la lecture des textes sacrés, la philosophie de la puissance pose les questions de la prophétie, du miracle, du canon de l'Écriture sainte et des lois de la Nature. Elle interroge l'origine de l'État : pacte social ou genèse passionnelle ? Elle traite à nouveaux frais les problèmes du tyrannicide, de la place de l'État dans l'histoire et de la liberté de penser : comment sauver l'indépendance de l'État par rapport aux Églises et, en même temps, celle de l'individu par rapport à l'État.
Des guerres de religion à la Fronde, la France connaît une période d'instabilité politique et religieuse propice à toutes les licences. C'est dans ce cadre mouvant, en perpétuelle redéfinition, que prennent place un certain nombre d'imprimés remarqués pour leur virulence ou leur portée transgressive. La liberté de parole relève d'un geste libératoire, comme l'attestent les réactions des institutions ou des ordres interpellés. Cet excès, tant idéologique que verbal, doit être mesuré à l'aune de la réglementation progressive des savoirs, des normes morales et des pratiques censoriales qui les défendent. Des espaces éditoriaux à ceux, bien réels, des institutions, se joue aussi l'affirmation de la persona auctoriale, mise en scène et mise en cause par l'imprimé subversif – fable, dialogue philosophique ou invective pamphlétaire. Qu'est-ce que la liberté de parole ? Les communications réunies dans le présent ouvrage ont en commun d'articuler les enjeux idéologiques de la liberté à une approche pragmatique des actes de langage. Au terme d'un tel parcours, il est possible de dire ce qui informe les limites du dicible et du publiable à un moment donné : comment et pourquoi certains auteurs, plutôt que d'autres, furent condamnés pour avoir voulu " parler librement ".
Écrit au 4e siècle avant notre ère, le Guoyu (Discours des royaumes) est un choix de discours tenus par de hauts dignitaires entre le règne du roi Mu des Zhou (956-918 avant notre ère) et le démembrement du Jin par Zhibo (vers 455 avant notre ère). Le Qiyu (Discours du Qi) est l'un des 21 chapitres du Guoyu. Ces discours sont centrés sur la relation entre deux personnages : le sage souverain, le duc Huan, et le ministre avisé, Guan Zhong. Il s'agit moins d'un dialogue que d'une leçon, où le souverain pose des questions et se conforme aux conseils judicieux du ministre qui répond. Œuvre historique importante, le Qiyu est un texte classique indispensable dont nous proposons ici une première version en langue française. Chaque leçon est composée de huit parties : texte original en caractères anciens, transcription en pinyin, traduction en chinois moderne et en français, vocabulaire, analyses syntaxiques, commentaires et exercices avec les corrigés à la fin du livre. Manuel de traduction, le livre se veut une rencontre entre deux écritures et deux civilisations, où d'incessants mouvements de convergence et de divergence constituent un véritable défi pour dialoguer avec le passé. Cet ouvrage s'adresse aux étudiants en langue et littérature chinoises, ainsi qu'à tous ceux qui aiment lire des textes anciens et qui s'interrogent sur la Chine pré-impériale comme sur le processus de traduction.