Signifiant et matière : l'iconicité et la plasticité dans le document numérique verbal et visuel
Les questions abordées par ce numéro concernent les aspects matériels, iconiques et plastiques du document numérique verbal et visuel en relation avec les dispositifs énonciatifs, auctoriaux et éditoriaux, et les aspects technologiques.
La sémiotique appelle syncrétisme une articulation entre deux systèmes de signes différents (par exemple, le verbal et le visuel) comme elle finit souvent par recevoir une dénomination socioculturelle homogène, notamment: la poésie visuelle, la bande dessinée, l'art urbain (ou street art). Le présent ouvrage entend proposer des outils d'analyse précis pour ce type de phénomènes, en convoquant tout particulièrement deux des développements les plus actuels de la théorie sémiotique: l'analyse énonciative et l'attention portée à la matérialité des discours.La première section ouvre la voie d'une sémiotique générale des syncrétismes, en rénovant les socles conceptuels de la sémiotique classique au profit d'une meilleure intégration des discours syncrétiques — loin de constituer des exceptions marginales, ceux-ci représentent en effet plutôt la norme de la fabrique culturelle du sens.La seconde section se décline en études de cas, groupées selon les trois grandes familles de syncrétismes envisagées. Chacun des cas soulève des questions interprétatives et méthodologiques qui se révèlent exemplaires des enjeux contemporains de l'analyse sémiotique: la prise en compte de l'expérience subjective de réception, y compris dans sa corporéité, l'articulation entre structure et histoire des formes, la place réservée aux dimensions institutionnelles et politiques des formes signifiantes dans l'espace public.L'ensemble offre un tableau riche et varié des apports de la sémiotique à ses disciplines voisines (histoire littéraire, études culturelles, études urbaines, analyse de la bande dessinée).
L'image peut-elle nier ? La question est en apparence toute simple et attendrait une réponse catégorique, oui ou non. Si pourtant, dans le présent ouvrage, des linguistes, des sémioticiens, des philosophes, des spécialistes des arts visuels et audiovisuels se sont penchés sur cette question, c'est qu'en réalité tout fait problème en elle. Car répondre à une telle question, cela consisterait d'abord à déterminer les conditions dans lesquelles elle se pose. Qu'appelle-t-on " nier " et qu'appelle-t-on " image " ? Et selon quel corpus d'images ? Peut-on donner une réponse unique à la diversité de ses domaines d'usage: les arts, les religions et les sciences, ainsi que de ses genres (portrait, nature morte, etc.) ? Les contributeurs du présent volume explorent différentes sortes de supports médiatiques et d'objets visuels: expériences picturales contemporaines, photographie, films, peinture chinoise, mais aussi peinture religieuse médiévale, pictographies esquimaudes de la fin du XIXe siècle ou hiéroglyphes égyptiens.Une première partie, intitulée " L'énonciation en image ", explore les relations entre la négation dans l'image et la théorie de l'énonciation comme celle-ci est revisitée par la sémiotique contemporaine. Une seconde, ayant pour titre " Du langage verbal aux images ", s'attache à des comparaisons entre les sens de la négation dans différentes langues et grammaires et leurs cultures visuelles respectives. Les comparaisons inévitables avec d'autres lieux d'exercice de la négation — à savoir les langages formels et les langues verbales — et l'examen des transferts conceptuels non moins indispensables que ces comparaisons suscitent mettent ainsi à l'épreuve d'une question le statut ontologique de l'image.
Que peut le métalangage?? – What Can Metalanguage Do?
Dans les sciences humaines, les recherches portées par un langage qui se donnât d'emblée comme technique ne sont pas toujours vues d'un bon œil. C'est notamment ce qui se passe pour la sémiotique. Cette discipline a, au pire, la réputation de volontiers jargonner, ou, au mieux, celle de se renfermer dans un métalangage autoréflexif. Et il est vrai que, d'une part, le traité de sémiotique structurale sans doute le plus connu et le plus souvent cité, dû à Greimas et Courtés, a pris la forme d'un Dictionnaire raisonné, et que d'autre part les écrits de Peirce fourmillent d'inventions et de spéculations terminologiques. Il semble que dans les deux cas, la quête de scientificité ait primé sur l'élégance de la langue et du discours dits naturels. Rien de nouveau sous le soleil?? On raconte que déjà un courtisan du Roi-Soleil avait scandalisé la Cour parce qu'il avait prononcé un terme technique dans la chambre du roi : c'est dire combien la question est ancienne et ne date pas du développement de la discipline des signes. Le numéro 4 de Signata voudrait questionner les différents aspects de la constitution du métalangage de la sémiotique. Et cela non pas dans une perspective philologique, mais pour poser la question des terminologies dans l'épistémologie scientifique actuelle. On interrogera ainsi la diversité des métalangages possibles (langue naturelle ou langage technique??), l'impact des cousinages disciplinaires (quelle portée a pour la sémiotique ses emprunts divers aux langages de la grammaire, de la logique, de la mathématique…?), les raisons, explicites ou non, des choix opérés, ou encore les impacts stylistiques de ces derniers. Un tel questionnement pourrait prendre plusieurs orientations. En voici un inventaire, ouvert et non exclusif.