Reprenant l'hypothèse d'une acception différenciée de la notion de fiction, en lien avec les pratiques romanesque et poétique d'écriture-lecture, le présent volume poursuit son exploration des mécanismes transposant la personne en personnage avec une plus ou moins grande implication de l'imaginaire. Dans l'autobiographie, l'essai ou la poésie, voire le récit à prétention véridique ou historique, spécialement étudiés ici, l'ancrage référentiel plus net amoindrit la dimension imaginaire : le personnage se réduit à la figure poétique. Pour autant, la forme forte de la fiction, qu'elle soit romanesque, théâtrale ou cinématographique, n'est pas oubliée et l'on s'intéresse aussi à la combinaison des deux degrés de fictionnalité.
La fiction comme agencement d'actions renvoie au premier abord à un corpus romanesque extensible aux expressions cinématographique, voire théâtrale, sans recouvrir pour autant tout le champ littéraire. Ce volume propose d'en ouvrir la définition à d'autres corpus, notamment poétiques, plus ou moins rebelles à toute description en termes de fable ou d'histoire. La parenté étymologique entre fiction et figure dans les langues romanes oriente vers cette acception générale susceptible d'englober tous les discours comme le fait Mallarmé: la fiction " semble être le procédé même de l'esprit humain ".Il s'agit ici d'examiner le lien entre des pratiques d'écriture-lecture et une certaine idée de la fiction, trompeusement uniformisée sous un vocable commun, en s'attachant notamment aux écritures d'auteurs butant sur la fiction romanesque en lien avec l'idée qu'ils s'en font, ou ayant publié séparément des recueils poétiques et des romans. Et nous tenterons aussi plus largement, grâce aux philosophes, linguistes, et spécialistes d'autres cultures, de déterminer si vraiment tous les discours relèvent de la fiction au même degré.
Le dernier roman d'Aragon, dans lequel les commentateurs ont parfois cru discerner un affaiblissement de la veine littéraire, préfigure le nouveau millénaire en cours, marqué par les effondrements multiples et la révision des cadres de pensée qui avaient paru s'imposer jusqu'alors. Théâtre/Roman traite du théâtre au propre et au figuré, dans un jeu de miroir entre les protagonistes de la représentation – acteur, metteur en scène – et le théâtre intérieur de l'écriture romanesque. La voix tragique de l'Écrivain et de ses doubles, confrontés à la faillite d'un idéal révolutionnaire néanmoins réaffirmé, trouve des échos dans d'autres œuvres du passé et d'autres époques qui l'universalisent. Le face-à-face vertigineux entre roman et théâtre, par l'orchestration poétique de la composition d'ensemble, ouvre pour le lecteur un espace inédit d'exploration, nommé ici, avec l'assentiment tacite d'Aragon, arrière-texte. Un passage de relais est suggéré: " Dans ce que je vois, il y a toujours ce que je ne vois pas ".
Après deux années dédiées aux " Paroles de lecteurs " et dans le sillage des Rencontres de Reims qui firent dialoguer les problématiques du jeu et de la parole, le séminaire Approches Interdisciplinaires et internationales de la lecture ouvre ici un nouveau volet de son investigation portant sur le contenu notionnel de la " lecture comme jeu " dont la modélisation est partiellement liée à l'histoire des recherches rémoises en la matière.Il s'agit en quelque sorte de faire jouer la théorie de différentes manières ce qui conduit, à partir de l'idée de jeu littéraire, à interroger un réseau de notions associées dans leurs implications linguistiques et philosophiques, sans oublier de soumettre l'idée de la littérature ainsi conçue à la pratique des textes d'écrivains.
Le volume 12 d'Approches Interdisciplinaires de la Lecture avait ouvert la question de la parole du lecteur. Le volume 13 l'approfondit en s'intéressant aux genres saisis dans leur diversité et leurs variations, et notamment à la poésie. L'expérience du poète est-elle transposable à celle du lecteur ? Une seule parole, celle du poète, peut-elle réunir poète et lecteur ? Certes, trop de différences, d'espace et de temps les séparent souvent. Il faut sans doute chercher aussi d'autres rôles que celui du lecteur diligent. Le lecteur critique, le lecteur savant, le lecteur traducteur, le lecteur-spectateur, le lecteur voyageur sont quelques-uns de ces rôles, repérables dans les contributions ici rassemblées.
Après la " langue du lecteur ", les contributions rassemblées dans ce nouveau volume du séminaire Approches Interdisciplinaires de la Lecture (12e session) s'interrogent sur la lecture comme performance, sur des " paroles de lecteurs ". Le pluriel semble de mise: si la parole engage un sujet, en-deçà de son discours, elle ne saurait s'abstraire de l'ensemble des déterminants, reconnus ou plus ou moins occultés, qui contribuent à en forger le tour particulier, oral ou écrit. Parmi les jeux de rôle subsumés sous la catégorie du lecteur mais socialement codés, on retrouve les fonctions de traducteur, d'éditeur, de critique ou de lecteur ordinaire, mais aussi d'auteur, fonction devenue depuis le siècle dernier hautement problématique.Acte de langage, la parole de lecteur se trouve en effet face au texte écrit confrontée au paradoxe d'un sujet-auteur absent, absenté, hypothèse devenue inutile depuis la proclamation de la " disparition élocutoire du poète". Dès lors faut-il n'admettre que des paroles de lecteurs et faire l'économie d'une " parole d'auteur ", renvoyée au néant de son insignifiance ou de son éloignement irrémédiable, de sa mort symbolique? Doit-on au contraire, sous le signe de la parole, rendue au jeu interlocutif et au processus langagier de contre-interpellation, faire une place dans la pensée littéraire, à " l'incompréhensible pluralité des individus dans l'espèce "?
La " résonance lectorale ", thème de la précédente session, nous a amenés à formuler la question d'un partage de la langue, entre auteur et lecteur. La " langue du lecteur " est un des points aveugles de la théorie de la lecture. Selon le sens commun, il est entendu que " l'auteur écrit " et que " le lecteur lit ". Mais dans quelle langue le lecteur pense-t-il ce qu'il est en train de lire? La question ne s'applique pas qu'à la lecture dans une langue dite étrangère: elle vaut aussi pour tous les cas où l'écrivain et son lecteur sont supposés partager la même langue naturelle.Les théories du langage ont nommé idiolecte l'inflexion apportée par un écrivain doté de quelque originalité à la langue commune conçue comme simple outil de communication. Les grandes écritures modifient sans doute la langue du lecteur, le transformant en quelqu'un " qui a lu Céline, Proust ou Joyce ". Mais la lecture active et vraiment littéraire reconfigure le sens en produisant son propre texte, qu'on l'appelle " contre-texte " ou " texte de lecture ". Dans quelle mesure la langue du lecteur critique mime-t-elle celle de l'écrivain? N'y a-t-il, de l'écrivain au lecteur, qu'une seule et même langue à l'œuvre dans la relation littéraire ou convient-il d'envisager des seuils séparant deux modalités de la même langue, voire trois, si l'on distingue la langue du critique, à son tour inventive, de la langue de communication courante?
À quoi tient qu'une œuvre littéraire nous émeut, nous touche, nous donne à penser? L'incursion dans l'imaginaire de l'autre, dans ses fantasmes, la reconnaissance des éléments de l'histoire (la grande et la petite) convoqués dans le roman, la pièce de théâtre ou le poème viennent élargir notre expérience.Toute création est sans doute dépassement d'un donné arrière-textuel par la confrontation avec la langue, ses contraintes et ses potentialités. Mais que se passe-t-il si l'on replace l'acte créatif dans la relation littéraire comme co-création? C'est ce phénomène d'écho qu'explore, sous le nom de résonance, le présent volume, dixième de la collection Approches Interdisciplinaires de la Lecture, entre harmonie et dissonance, dans la confrontation des espaces socioculturels liés à la production du texte et à ses lectures successives, dans la recherche, par-delà les problèmes de longueur d'onde, d'un noyau de vérité à exhumer ou à faire advenir.
Le présent volume qui rassemble les contributions au séminaire Approches Interdisciplinaires de la Lecture pour l'année 2013-2014 s'est donné pour objet, dans le prolongement de la réflexion sur " le corps à l'œuvre ", d'interroger les articulations du fantasme et de l'Histoire. Corps, obsessions et histoire, personnelle et collective, sont en effet des éléments indissociables. Les études portent, dans la tradition de la collection, sur des romans de différentes aires culturelles, de l'Antiquité à nous jours. Il s'agit toujours d'explorer l'arrière-texte à l'œuvre chez l'auteur et le lecteur, autrement dit d'arpenter à notre façon " les sentiers de la création ".