Prenant la forme d'un hommage, ce livre ne se réduit pas à un assemblage de souvenirs pieux, mais nourrit l'ambition de faire ressortir l'originalité de la trajectoire de Jean-Claude Chamboredon. Il s'est résolument engagé en sociologie à un moment où la discipline ne s'attirait guère les faveurs de ses camarades de l'École normale supérieure. Porté par l'entreprise de refondation dont Le métier de sociologue avait été le signal, il s'est mobilisé aux côtés de Bourdieu et de Passeron autour d'un projet ambitieux: accroître la légitimité scientifique de la sociologie. Quand bien même le point focal de son travail est l'analyse de la socialisation, il contribua à l'étude des villes, à l'histoire sociale de l'art et plus généralement à la sociologie des formes culturelles. Jean-Claude Chamboredon (1938-2020) est une figure de référence de la sociologie, connu pour avoir écrit Le métier de sociologue avec Bourdieu et Passeron. Quand bien même le point focal de son travail est l'analyse de la socialisation, il contribua à l'étude des villes, à l'histoire sociale de l'art et plus généralement à la sociologie des formes culturelles. Grand lecteur, et résolument engagé en sociologie, il était convaincu de l'unité des sciences sociales et il mettait cette conviction en pratique tous les jours. Si son oeuvre reste largement à découvrir, ce collectif, fidèle aux préoccupations qui ont été les siennes, offre une remarquable introduction à son travail.
Pourquoi mener aujourd'hui une réflexion sur le global et les sciences sociales, alors que tant de travaux y ont été consacrés dans les vingt dernières années? Les autrices et les auteurs de cet ouvrage partent de l'hypothèse que le succès croissant de l'épithète " global " renvoie à une série de questions qu'il serait intéressant d'expliciter et de discuter. Même si la catégorie du " global " a souvent pris un caractère d'évidence, il paraît légitime de s'interroger collectivement sur ce qu'elle permet de penser ou non.L'objectif de ce volume n'est donc pas de proposer une définition de plus des études globales dont aucune n'est satisfaisante, ni de les concevoir comme un domaine de recherche établi, ou une méthode assurée. Il vise à mieux saisir ce que sont, ce que pourraient être pour les sciences sociales les effets et les enjeux des appropriations d'une notion qui est tout à la fois spatiale (par rapport à d'autre échelles d'analyse) et conceptuelle (dans son rapport avec d'autres termes: universalité, généralité). Que gagne-t-on à la mobiliser? Quel éclairage particulier apporte-t-elle, quelles opérations rend-elle possibles?Au plus près des pratiques des sciences sociales et de leurs rapports différents aux terrains, les textes qui composent ce volume proposent autant de réflexions situées qui visent à approfondir les questions de nature méthodologique ou empirique soulevées par les approches globales.
Jacques Revel joua notamment un rôle majeur dans l'introduction de la microstoria italienne en France. Directeur des Éditions de l'EHESS puis président de l'EHESS pendant près d'une décennie (1995-2004), il bénéficia d'une place de choix pour enregistrer les mouvements qui affectèrent les sciences sociales à partir des années 1960.Dans cet entretien avec Emmanuel Laurentin, ce sont cinq décennies de leur histoire que Jacques Revel restitue avec une clarté et une précision remarquables. Le lecteur suivra sa formation d'historien, quand l'histoire défendue par Fernand Braudel était une discipline centrale des sciences de l'homme, puis le délitement de ce modèle. Il sera aussi question de politique de la recherche dans ce contexte de mondialisation et de normalisation. Cette mondialisation qui touche l'histoire avec l'émergence de ce que l'on appelle l'histoire mondiale ou l'histoire connectée, une histoire qui ouvre l'horizon de la recherche.
À l'écart des commémorations du cinquantenaire de Mai 1968 et, en oxymore, en son centre, l'ouvrage rouvre un dossier entamé dix ans plus tôt. La démarche, à l'intersection du témoignage et du storytelling, offrait alors, un rendu des travaux d'une équipe de recherche, dirigée par Agnès Callu et soutenue par l'Institut d'histoire du temps présent (IHTP/CNRS) travaillant, pendant trois ans, sur la perception autant que l'analyse d'une génération d'historiens – ceux nés entre 1923 et 1940, soit la classe d'âge précédant celle des Baby Boomers – de " leur Mai ". Privilégiant le dialogue " d'entre soi " car les entretiens étaient ceux d'historiens majeurs fabriqués par de jeunes historiens, l'objectif consistait à faire surgir le " retour d'expériences " d'experts, témoins oculaires ou auriculaires, d'un évènement basculant les habitus sociaux sur le temps court, réinventant à l'échelle du temps moyen, les pratiques et les usages de l'histoire. La nouvelle convocation, celle de 2018, entreprend une réactualisation critique de l'ouvrage livré à l'issue du colloque-bilan tenu au Collège de France en 2008 en même temps qu'il se demande s'il faut commémorer 68 et si oui, de quelles manières et dans quelles perspectives.
" Ce livre a un objet: l'usine comme espace social. Il a un moyen: l'observation du travail industriel. " Qu'est-ce qu'une usine? Un lieu qui rassemble une gamme d'acteurs (ouvriers qualifiés, manoeuvres, employés, ingénieurs, dirigeants) dont les compétences et les intérêts sont profondément différents, souvent contraires, comme le sont leurs ressources et les contraintes qui s'exercent sur eux. L'histoire d'une entreprise est d'abord celle des ajustements, celle aussi des conflits et des dysfonctionnements entre ces acteurs. Alain Dewerpe a choisi dans cet ouvrage d'étudier au plus près les pratiques de ces acteurs, les relations qui existent entre eux, les espaces physiques, techniques et sociaux dans lesquels elles s'inscrivent.
La disparition du grand historien en 2014 a suscité une forte émotion en France et à travers le monde.Des collègues et amis, des anciens étudiants, mais aussi des lecteurs et des auditeurs de Jacques Le Goff, évoquent ici sa mémoire, ses travaux et sa présence dans le siècle.Jacques Le Goff (1924-2014) a été l'un des très grands historiens de son temps. Il est l'auteur d'une oeuvre immense, consacrée pour l'essentiel à l'histoire du Moyen-Âge, qu'il a renouvelée en profondeur.Ce livre en explore les ambitions, les objets et les démarches. Il réunit les contributions présentées à l'occasion d'une journée d'hommage organisée en janvier 2015 par l'École des hautes études en sciences sociales et par la Bibliothèque nationale de France.Aux très nombreux lecteurs de Jacques Le Goff, mais aussi à ses collègues et à leurs étudiants, il permettra de situer l'oeuvre dans le "moment" intellectuel et scientifique des années 1960-1980, de prendre la mesure de son rayonnement international et de rappeler la présence de l'homme public: un homme toujours soucieux de faire connaître les résultats de la recherche à un public élargi, passionné par les médias, mais aussi un citoyen engagé pour les libertés et un défenseur passionné de l'Europe en construction.
Cet ouvrage, s'appuyant principalement sur les récits d'expérience d'une génération d'historiens, questionne les héritages de Mai 68 sur les outils de la recherche, la circulation des renouvellements historiques et les structures de transmissions des savoirs. Analysant les contenant des narrations, soit des biographies fabriquées a posteriori, enregistrées et, pour certaines, captées par l'image, il décrypte les discours rétrospectifs portés par des " intellectuels " sur l'impact d'un événementiel aux césures réputées décisive. Il s'interroge, en profondeur, sur les phénomènes de socialisation, à l'échelle individuelle et collective, aux imaginaires sociaux associés à des figures ou groupes générationnels, aux confluences entre interprétations historiennes et grille de lecture politisées, aux changements opérés dans les Universités et les établissements d'enseignement supérieur, aux codes qui définissent ou redéfinissent l'appréhension et l'appropriation des sciences sociales dans les années 1970.
En Allemagne, le passé nazi ne passe pas. Sujet de débats publics intenses, l'angoisse de l'amnésie impose un " devoir de mémoire " aux institutions, qui s'exprime, entre autres, par des politiques de commémorations et d'enseignement scolaire. Mais que font les gens ordinaires de ce passé ? À l'heure du nouveau millénaire, compte-t-il encore pour les jeunes Allemands ou veulent-ils " passer à autre chose "?Inspiré de la sociologie et de l'histoire du quotidien, ce livre analyse " par le bas " les usages que font du passé nazi des adolescents âgés de 14 à 18 ans dans quatre institutions scolaires, de quartiers bourgeois et populaires, à l'Ouest (Hambourg) et l'Est (Leipzig) de l'Allemagne.Combinant observation, entretiens et travail d'archives, cette enquête rend compte des représentations et pratiques des élèves selon leur sexe, leurs trajectoires scolaire, sociale et familiale, notamment de migration, et selon différents contextes : en classe, en famille ou dans l'entre-soi des groupes d'adolescents. S'intéresser aux sens que les adolescent-e-s donnent au passé nazi dans leur vie quotidienne permet d'observer avec finesse la construction progressive de sens politique chez des profanes à un moment clé de leur existence.La complexité de ces appropriations de l'histoire montre l'interdépendance des différentes scènes sociales qui articulent les représentations ordinaires du passé. Mais elle pose aussi plus largement, dans l'Allemagne réunifiée, la question de la place de l'histoire du nazisme dans la société.
Quelle est la signification des frontières tracées par l'histoire entre les "disciplines" scientifiques ? Quelle est l'utilité de leur classification au sein d'un système unifié ? Sûrement pas les mêmes selon que l'on veut décrire l'identité sociale, l'identité professionnelle ou l'identité épistémologique des savoirs spécialisés qui sont aujourd'hui enseignés dans les universités ou catalogués dans les institutions de recherche. Le tableau d'un "système" des disciplines, qui composait harmonieusement aux 19e et 20e siècles la diversité des pratiques avec l'unité épistémologique de la rationalité scientifique, a été bouleversé dans toutes ses dimensions par les développements internes de l'histoire des sciences comme par la multiplication de leurs fonctions symboliques et économiques. Le débat politique où s'affrontent aujourd'hui des intérêts disciplinaires divergents gagne à être éclairé par un examen, à la fois épistémologique et sociologique, des liens entre "paradigmes", institutions et innovations scientifiques, méthodes de recherche et structures d'objets. Au sommaire : J.-L. Fabiani, "À quoi sert la notion de discipline ?" ; A. Abbott, "Le chaos des disciplines" ; G. Lenclud, "L'anthropologie et sa discipline" ; D. R. Kelley, "Le problème du savoir et le concept de discipline" ; C. Blanckaert, "La discipline en perspective. Le système des sciences à l'heure du spécialisme (XIXe-XXe siècles)" ; A. Laks, "L'émergence d'une discipline. Le cas de la philosophie présocratique" ; M. Werner, "Le moment philologique des sciences historiques allemandes" ; F. Locher, "Configurations disciplinaires et sciences de l'Observatoire. Le cas des approches scientifiques de l'atmosphère (XIXe-XXe siècles)" ; A. Boureau, "De l'enquête au soupçon. La fondation de la discipline théologique à l'université de Paris (1200-1350)" ; E. Sibeud, "Ethnographie, ethnologie et africanisme. La "disciplinarisation" de l'ethnologie française dans le premier tiers du XXe siècle".