La réforme de l'Église, qu'on dit réforme " grégorienne ", est désormais tenue pour un des tournants majeurs de l'histoire du Moyen Âge. Élaborée dans la seconde moitié du xie siècle, elle se répandit en Occident au passage des XIe et XIIe siècles. Son succès résulte de la conjonction entre l'impulsion de la papauté, en lutte pour son indépendance, et l'aspiration des fidèles à une vie évangélique. Mais l'élan réformateur ne fut si vif que parce qu'il trouva, en toutes régions de la chrétienté, des agents zélés pour le mettre en oeuvre, en particulier dans les rangs de l'épiscopat. Or ces pasteurs étaient, pour la plupart, issus des aristocraties locales dont ils prétendaient combattre les prérogatives au nom de la " liberté de l'Église ". Ainsi la réforme " grégorienne " exacerbe-t-elle la tension qui parcourt l'histoire du Moyen Âge occidental : un détournement de fidélité, de la parenté charnelle vers la parenté spirituelle. La Vie de Bérard, évêque des Marses, n'avait jamais été traduite en français. Quant au copieux recueil de miracles qui la prolonge, il était à ce jour inédit. Introduite, traduite et commentée, cette source d'une vigueur étonnante nous entraîne au coeur de l'intrigue : la réforme à l'épreuve du terrain avec, pour décor, la conque du lac Fucino et les hautes vallées de l'Abruzze. On y découvre l'ascension dans la carrière ecclésiastique du rejeton des comtes des Marses, ses combats de " bouillant réformateur " - pour reprendre l'expression de Pierre Toubert -, les ressorts de son gouvernement pastoral, mais aussi le conflit entre l'hagiographe et son commanditaire qui, contre toute attente, ne croit plus en la canonisation du défunt évêque. Ce livre est à la fois l'exploration d'une source singulière et un essai sur la réforme " grégorienne " saisie dans le feu de l'action.