Le XLIIe Congrès de la Société des historiens médiévistesde l'Enseignement supérieur public, qui s'esttenu à Oxford en mars-avril 2011, a consacré ses travauxà une figure longtemps mal connue et mal identifiée,une figure dont la dénomination semble à cepoint sortie de la technocratie moderne qu'on peineà l'imaginer pour les époques plus anciennes, et pourle Moyen Âge en particulier : l'expert. À la charnièrede la pratique et de la doctrine, l'expert sert de raccordentre des expériences sociales aussi complexesque diversifiées. Seul ou en petit comité, il est requispour donner son avis, valider une hypothèse, dire savérité nourrie – du moins, le suppose-t-on – d'objectivitéet de connaissances savantes, dans les lieux lesplus divers : le tribunal évidemment, mais aussi lechantier de construction, le lit du malade, devant desreliques ou lors d'une discussion savante. Ce qui qualifiel'expert à agir, c'est à la fois un savoir reconnu etune position sociale : la compétence technique ne suffitpas toujours ; il y faut en plus une reconnaissancequi n'est pas souvent explicitée, mais qui est pourtantindispensable pour que les parties requérantes s'enremettent à l'avis d'une tierce personne. C'est à cetentre-deux social et fonctionnel, entre savoir et fairesavoir, que se situe la fonction de l'expert. En en faisantle sujet de son congrès, la Société des médiévistesa voulu attirer l'attention sur cette fonction qui n'estni un métier, ni un statut permanent, mais qui présupposeà la fois la maîtrise savante et la capacité de lafaire reconnaître dans des situations nécessairementdélicates ou incertaines.La multiplicité des cas ici examinés, qui balaient toutle millénaire médiéval, de l'Orient à l'Occident, témoigne de la place qu'a su conquérir ce technicien – lemétier étant très majoritairement masculin, comme tous les espaces de domination – qui vient aider à laprise de décision, sans être lui-même décisionnaire. C'est qu'en effet l'expertise n'est pas une fin en soi. Ellevise à éclairer pour permettre au jeu des institutions de fonctionner dans un consensus garanti par la compétencesuper partes d'une personnalité extérieure. En s'intéressant aux critères de sélection des expertsautant qu'à leur modalité d'intervention ou aux effets de celle-ci, les contributions ici réunies brassent unelarge matière qui illustre comment les sociétés médiévales ont su mobiliser ces médiateurs de la décision,bien plus nombreux et actifs qu'on ne le supposait.