La fracture confessionnelle qui touche l'Occident chrétien au XVIe siècle révolutionne durablement la place des clergés dans les sociétés et leur emprise sur les fidèles. Le principe originel du luthéranisme, puis des réformes de type suisse, du sacerdoce universel a été largement relativisé par la mise en place progressive d'un clergé protestant, mais il a ouvert une brèche que l'on peut suivre à l'époque des controverses et qui continue de fixer une différence fondamentale entre les deux camps. Pourtant, des influences réciproques et des contacts sont observables dans des zones de coexistence confessionnelle : les espaces de frontières peuvent faire figure d'observatoires privilégiés pour comprendre les influences réciproques entre clergés, jusque dans leur façon d'interpréter et de considérer le ministère pastoral et de forger leurs identités professionnelles et sociales. La formation des clergés, leur organisation, leur action, les oppositions auxquelles ils doivent faire face, leurs interactions, les points communs, voire les sociabilités de leurs membres sont ici étudiés à travers des pratiques très diverses (prédication, conférences et controverses, sociabilités érudites, missions, encadrement institutionnel, pratiques liturgiques, répression des déviances, ou encore définition de mémoires concurrentes). Ces études de cas nous plongent dans le processus de définition d'identités cléricales qui se constituent certes souvent contre l'autre, mais aussi, plus subtilement, en fonction de l'autre et sur des fondements communs.