Ethnographier la vente et la collecte de plantes médicinales au Paraguay
Derrière l'exaltation identitaire dont le tereré et les Pohã Ñana sont l'objet et la chaîne de distribution officielle de ces derniers, des femmes et des hommes se consacrent à leur vente et leur collecte, en retrait et pourtant essentiels à la consommation de la boisson phare avec ses remèdes. De mains en mains, des marchés ou angles de rues aux terres d'extraction en passant par le domicile familial, l'ouvrage remonte la trajectoire des yuyos ou plantes médicinales pour mieux mettre en relief le quotidien et le travail de celles et ceux qui les vendent et les collectent au Paraguay. Ce livre suit la piste des plantes pour retrouver celle des personnes en toute part et si invisibles à la fois.
Éclipses au pluriel, car on distingue les éclipses solaires, les éclipses lunaires, les éclipses totales, les éclipses partielles, comme l'expliquent ici les scientifiques, mais aussi parce qu'elles peuvent être perçues et analysées au sens propre et au sens figuré. Intemporelles, elles sont pourtant datées avec précision. Et ce fut le cas déjà autrefois… Le phénomène de l'éclipse renvoie à l'absence/présence, à la disparition, à l'énigme, notions renvoyant toutes au secret. Préfacé par Tony Lévy, ce numéro publie des contributions pluridisciplinaires (histoire, astronomie, littérature, philosophie, poésie, cinéma, peinture).
À l'heure où l'Amazonie connaît une crise majeure affectant la planète dans son ensemble, il est indispensable de (re)lire ce classique de l'anthropologie de la nature, qui a fait l'objet d'un nouveau travail éditorial et propose une préface inédite.Isolés dans la forêt du haut Amazone, les Jivaro Achuar d'Amazonie équatorienne domestiquent dans l'imaginaire un monde sauvage qu'ils ont peu transformé. En peuplant la jungle, les rivières et les jardins de parents animaux et végétaux qu'il faut séduire, contraindre ou cajoler, cette ethnie guerrière donne à la nature toutes les apparences de la société. À partir d'une ethnographie minutieuse de l'économie domestique, l'auteur montre que cette écologie symbolique n'est pas réductible à un reflet illusoire de la réalité, car elle influence les choix techniques des Achuar et, sans doute même, leur devenir historique.Philippe DESCOLA est anthropologue. Professeur au Collège de France où il occupe la chaire d'anthropologie de la nature et directeur d'études à l'EHESS, il a dirigé le Laboratoire d'anthropologie sociale de 2000 à 2013. Il est l'auteur de nombreux ouvrages. Médaille d'or du CNRS en 2012, Philippe Descola est membre de la British Academy et de l'American Academy of Arts and Sciences.
En Amérique Latine, depuis les années 1970, on assiste à une rapide transition démographique de la fécondité inscrite dans des contextes nationaux spécifiques et souverains, présentant cependant des similitudes régionales produites par des influences internationales. Les gouvernements y gèrent les aspirations, parfois contradictoires, de populations segmentées. Leurs politiques sont sous-tendues par un projet de normalisation des comportements qui assimile, plus encore que par le passé, bonne parentalité et bonne citoyenneté. En parallèle, la médicalisation des grossesses et des accouchements s'est accrue, en partie selon des modalités peu respectueuses de la santé reproductive, entraînant par contrecoup un mouvement militant pour des " naissances humanisées ".
Dans les années 1990 au Brésil, les premiers texteslégislatifs encadrant le territoire des populationstraditionnelles d'Amazonie brésilienne partaient du postulatque ces populations seraient menacées de disparition sielles venaient à être coupées de leur accès aux ressourcesnaturelles.De 2009 à 2013, à partir de cinq sites d'étude (Abuí, Cunani,Jarauacá, Campo Alegre et São Francisco do Iratapuru),une équipe de chercheurs s'est efforcée de dégager lesenjeux sociaux et spatiaux des populations traditionnellesd'Amazonie. Elle a, pour cela, minutieusement collectéet analysé les informations issues de données GPS,d'entretiens ou de rapports statistiques.Quels rapports ces sociétés entretiennent-elles avec leurterritoire? Qu'entend-on par l'expression " populationstraditionnelles "? Comment le savoir territorial, quifait l'originalité de ces populations, se transmet-il desanciennes aux nouvelles générations? Telles sont lesquestions auxquelles ont voulu répondre François-MichelLe Tourneau et ses co-auteurs géographes, sociologues etanthropologues.
Les fêtes nationales et les hymnes patriotiques rencontrent en Amérique latine une ferveur remarquable. Pourtant, rien de spontané dans cet enthousiasme. Les dates choisies, les chants retenus et les commémorations mises en place sont les fruits de décisions politiques au service de projets médités de construction citoyenne. En fêtant la nation, le groupe se reconnaît un passé commun qu'il se remémore en même temps qu'il n'a de cesse de le réinterpréter. C'est une histoire comparée de ces réinterprétations, des façons de célébrer l'État-nation au Mexique et en Bolivie, pendant leur premier siècle de vie indépendante, qui est proposée ici. Les deux républiques naissantes partageaient une même volonté de construction nationale et une même préoccupation face à la forte composante " indigène " de leur population. Mais elles envisagèrent des modalités distinctes pour tisser ou raffermir les liens nationaux, pour intégrer ou exclure, pour mettre en scène ou invisibiliser les populations des territoires concernés. Au-delà des typologies esquissées, les politiques festives et symboliques cherchèrent à doter d'évidence un sentiment d'appartenance nationale encore embryonnaire, mais dont la généralisation devenait une nécessité politique
À travers l'ethnographie au long cours d'un village côtier du Nord-Est brésilien, Agnès Clerc-Renaud nous plonge au coeur du quotidien de famille de pêcheurs confrontées à l'arrivée massive de touristes dans les années 1990. Mais au-delà du portrait d'une société en voie de mutation rapide sous les effets de la modernité globalisée, l'auteur dévoile la vitalité d'une religiosité singulière par son analyse des principaux rituels: baptêmes et funérailles d'une part, cultes aux morts et aux saints d'autre part.La visée eschatologique n'est pas tant celle du Jugement dernier de la doctrine catholique que celle du maintien d'une circulation des êtres entre " ce monde " et " l'autre monde ". Voilà qui évoque des dispositifs similaires chez les Amérindiens et nous renvoie à des strates enfouies de l'historicité locale, puisque les populations autochtones sont depuis longtemps dépossédées de leurs terres et invisibilisées dans cette région. Les bouleversements d'aujourd'hui entrent en résonance avec ceux de jadis.
Parcours rituel et sacrifice chez les Mixe de Oaxaca (Mexique)
Comme de nombreuses autres communautés paysannes amérindiennes de l'État de Oaxaca au Mexique, les Mixe réalisent régulièrement des sacrifices de volailles pour solliciter l'aide d'entités de la nature dans des contextes politiques, agricoles et thérapeutiques, ou en lien avec des étapes du cycle de vie. La diversité des finalités poursuivies soulève plusieurs questions. Pourquoi ces demandes exigent-elles des participants l'ascension d'une montagne avant de partager des repas rituels? Pour quelles raisons faut-il que le sang des animaux soit répandu sur des dépôts cérémoniels élaborés selon une comptabilité complexe? Pour répondre à ces interrogations, l'enquête restitue les discours rituels prononcés en langue vernaculaire en les reliant aux actions exécutées par les participants. Par-delà la description des gestes et des parcours réalisés par les humains, l'enjeu est de découvrir quelles actions les Mixe attribuent aux destinataires des sacrifices, et notamment à " Celui qui fait vivre ". Ce sont ces entités qui, bien qu'en partie invisibles, donnent sens, par leur présence et les pouvoirs qu'on leur prête, à l'organisation rituelle. Au fil des pages, le lecteur découvre comment les humains se coordonnent avec ces partenaires d'un genre particulier pour réaliser certaines activités: partager des repas, occuper des fonctions dans l'équipe municipale, faire croître le maïs ou protéger les enfants... Tandis que le " champ " implique une activité synchronisée de la part de tous les partenaires, le " chemin " renvoie à une organisation politique dans laquelle chaque nouvelle génération prend le relais de celle qui la précède.
Les théâtres communautaires réunissent les habitants d'un quartier ou d'un village. Ces troupes de voisins créent collectivement des pièces qui interrogent l'histoire et l'identité de leur territoire, de leur pays. Elles expérimentent de nouveaux rapports sociaux et modes d'organisation et encouragent la participation à l'échelle locale.S'appuyant sur une solide expérience de terrain, Lucie Elgoyhen retrace ici le développement et l'action des théâtres communautaires en Argentine depuis la naissance du mouvement en 1983. Témoins des bouleversements qui ont ébranlé le pays, de la dictature militaire à la crise de 2001, ces théâtres de proximité ont contribué à la réorganisation de l'identité sociale des classes moyennes et au renouvellement de leur action collective.Étude pionnière en France, Le Théâtre communautaire argentin livre une analyse passionnante et documentée sur le sujet et donne un éclairage instructif sur la culture communautaire.
Les territoires connaissent un foisonnement d'initiatives et de projets variés qui mettent en évidence l'importance des proximités et une autre approche des ressources. La proximité géographique ne suffit pas pour définir sa dimension territoriale. C'est dans les maillages, les collaborations formelles et informelles, dans la vivacité des pratiques démocratiques locales et dans le sens que les acteurs donnent collectivement au devenir du territoire, qu'émergent les proximités organisées et territorialisées. Ces construits sociaux tentent de valoriser les atouts et potentialités d'un territoire dans leurs dimensions marchandes et non marchandes pour envisager une spécification des ressources. Plus les individus et les groupes se mobilisent selon des formes en perpétuel renouvellement et en s'appuyant souvent sur des rhizomes relationnels complexes, plus ces socio-systèmes activent leur créativité, leur imagination, les rencontres et débats d'idées et font émerger des ressources inattendues et inédites. C'est en activant ces potentialités innovantes et créatives que ces maillages de proximités tendent à révéler des ressources spécifiques à un territoire. De par la diversité des exemples et des réflexions, cet ouvrage montre que les proximités et les ressources territoriales peuvent être au cœur de territoires créatifs.
Les textes proposés dans ce dossier témoignent de l'engagement de nombreux anthropologues dans le défi "d'apprendre les demandes d'un pluralisme radical concernant chaque territoire, chaque pratique, chaque être, chaque collectif".Face à cette diversité, l'anthropologie au Brésil est, depuis une décennie, prise entre deux chaises: d'un côté, le succès de l'expansion démocratique de ses politiques universitaires et, de l'autre, l'internationalisation résultant du dialogue avec d'autres traditions intellectuelles. Les anthropologues sont confrontés au dilemme de devoir s'exprimer dans le champ de l'anthropologie mondiale sans recourir aux anciens modèles explicatifs impérialistes. Ils tentent de transmettre la contestation des dynamiques d'un développement débridé.
Infortunes et prédation dans les Andes boliviennes
Cet ouvrage est consacré à l'étude anthropologique des représentations de l'infortune et de la prédation dans les Andes de Bolivie. Jusqu'à présent, c'est essentiellement à partir de la notion d'échange et de contrat que les rapports entre les humains et les entités surnaturelles avaient été décrits dans cette région. L'auteure entend interroger à nouveau ce prisme de l'échange et montrer que les membres des communautés paysannes se situent dans un environnement foncièrement prédateur. Les diables de l'inframonde saisiraient en effet l'âme des humains pour leur alimentation dès qu'ils en ont l'opportunité car leur faim est insatiable. Comment les humains vont-ils essayer d'échapper à l'infortune? L'échange permet-il de neutraliser la prédation? Ce livre est consacré à l'analyse des différentes modalités partagées par ces populations pour contrer la prédation (réelle ou symbolique) imputée au surnaturel mais aussi à d'autres humains. L'auteure montre que si l'échange occupe une place fondamentale dans les Andes, il laisse la place à d'autres modes de relation et d'action. Pour éviter l'infortune, les individus trouvent des réponses dans et par leur corps grâce à la gestion physiologique et animique de leur corporéité: manger pour ne pas être mangé, ne pas penser pour ne pas être mangé par exemple. L'étude permet ainsi d'ajouter l'acte de penser aux côtés de la parole et des gestes rituels dans l'analyse des relations qui unissent les humains aux forces du monde qui les entourent. Elle permet aussi de considérer l'impact des conversions pentecôtistes et des migrations des campagnes vers les villes dans ce processus. Suivant à rebours les trajectoires de migration, l'auteure a mené un travail de terrain comparatif entre trois communautés des Andes boliviennes: l'une située en zone péri urbaine à proximité de Cochabamba, les deux autres en zone rurale au Nord Potosi.