Dans le cadre de leurs cultes, les dieux et les déesses des Grecs reçoivent des épithètes dont le nombre et la diversité participent du caractère fondamentalement polythéiste du système religieux hellénique. Au cœur de cette richesse onomastique, qui caractérise nombre de divinités, Zeus est incontestablement le mieux doté, quantitativement aussi bien que qualitativement. Une telle abondance de dénominations constitue dès lors un moyen d'accès à une meilleure connaissance de la morphologie de Zeus, tout autant qu'un défi à sa cohérence en tant que puissance divine. C'est notamment le cas à Athènes, dont la documentation, un peu moins lacunaire qu'ailleurs, permet un examen systématique et contextualisé de l'ensemble des épithètes cultuelles du dieu. Une telle étude rend compte tant de la pluralité des domaines d'intervention de celui qui est entre autres 'Au-sommet' (Epakrios), 'Des-bornes' (Horios), 'Des-biens' (Ktèsios) ou 'Olympien' (Olumpios), que de la multiplicité des logiques à l'œuvre dans ses modes d'action. Elle témoigne également de la place structurante de Zeus au sein du panthéon d'une cité dominé par Athéna, dont la position tutélaire est indéniablement soutenue par le déploiement des fonctions de son père.
Les Grecs et les Romains sacrifiaient aux dieux des produits qui faisaient partie de leur alimentation. Une nourriture tout humaine était dès lors un médium privilégié pour entrer en communication avec eux et les honorer. S'agissait-il pour autant de "Nourrir les dieux?" Le point d'interrogation du titre ouvre la discussion sur les mécanismes subtils de l'anthropomorphisme à l'œuvre derrière les rites sacrificiels. L'analyse de ces rites informe sur la représentation du divin qu'ils véhiculent et sur la portée symbolique de l'offrande alimentaire. Les contributions de ce volume permettent de reconstituer, par touches successives, une véritable "théologie", à savoir un discours sur le divin induit par la variété des gestes posés, des aliments choisis et de la mise en scène parfois très élaborée qui les encadre.
Actes du XIIe colloque international du CIERGA (Rennes, septembre 2007)
Pas plus qu'elle ne reconnaît un Fondateur ou qu'elle ne se conforme à un Livre, la pratique religieuse ne se réfère, en Grèce ancienne, à quelque commandement révélé ou credo dogmatique. Mais il s'en faut de beaucoup que la notion de "norme" lui soit totalement étrangère, à la condition d'éviter d'assimiler le normatif à l'impératif. La norme peut n'avoir aucun caractère d'obligation. Elle est davantage ce qui doit ou devrait être. Le concept se tient près alors d'un idéal dont l'origine se trouve dans les valeurs socialement reconnues qui forment une sorte de gabarit auquel tendent à se conformer les valeurs religieuses. Pratiques sociales et politiques, et pratiques religieuses sont entre elles comme en miroir: dans cette relation, comment définir la norme du bien penser et du bien agir en matière religieuse?Par la lecture critique des matériaux fort divers qui s'offrent à l'analyse, les contributions à ce volume mettent à l'épreuve ce questionnement sur la règle, l'usage, la tradition, la loi et, ce faisant, mettent en lumière les particularités d'un système religieux tout à la fois souple et d'une indubitable cohérence.
Many of the beings in this book – Cheiron, Pan, Acheloos, the Sirens and others – will be familiar from the narratives of Greek mythology, in which fabulous anatomies abound. However, they have never previously been studied together from a religious perspective, as recipients of cult and as members of the ancient pantheon. This book is the first major treatment of the use of part-animal – mixanthropic – form in the representation and visual imagination of Greek gods and goddesses, and of its significance with regard to divine character and function. What did it mean to depict deities in a form so strongly associated in the ancient imagination with monstrous adversaries? How did iconography, myth and ritual interact in particular sites of worship? Drawing together literary and visual material, this study establishes the themes dominant in the worship of divine mixanthropes, and argues that, so far from being insignificant curiosities, they make possible a greater understanding of the fabric of ancient religious practice, in particular the tense and challenging relationship between divinity and visual representation.
Essai sur la religion grecque & Recherches sur les Hymnes orphiques
Quiconque s'intéresse à la religion grecque antique utilise la thèse que Jean Rudhardt a publiée en 1958: Notions fondamentales et actes constitutifs du culte. Étude préliminaire pour aider à la compréhension de la piété athénienne au IVe siècle. À cet ouvrage toujours indispensable sont venues s'ajouter de nombreuses publications qui continuaient d'explorer le champ du polythéisme grec en l'appréhendant de l'intérieur, dans le respect du contexte qui le voyait se déployer. Parmi les textes laissés en chantier par Jean Rudhardt, trois livres étaient en préparation, auxquels il aura travaillé jusqu'à sa mort, en juin 2003. Deux d'entre eux, inachevés mais parfaitement cohérents, représentent deux volets essentiels des travaux du savant genevois, l'un intitulé Essai sur la religion grecque, l'autre Recherches sur les Hymnes orphiques. Les lecteurs de Jean Rudhardt retrouveront la démarche philologique rigoureuse qui caractérise ses recherches depuis les Notions fondamentales. Au cœur de ces deux inédits est posée, dans une perspective interne, la question du sens. Cette question le faisait s'écarter de l'ensemble des spéculations modernes pour se tourner vers la considération du vocabulaire religieux des Grecs eux-mêmes. Une telle méthode d'investigation du polythéisme grec, mise en œuvre dès 1958, témoigne une fois encore de sa fraîcheur et de sa pertinence.
Le voyage de Grèce entrepris par Pausanias au IIe siècle de notre ère est une expérience concrète qui fait de chaque lieu parcouru, de chaque monument croisé, lorsqu'ils sont choisis à cette fin, une parcelle de l'identité grecque. Le système religieux dont le visiteur rend partiellement compte, en assumant fermement ses choix, est un ensemble de comportements et de représentations imbriqués dans tous les aspects de vie des Grecs. Dès lors, le voyage à la source de la culture grecque dont témoigne la Périégèse se trouve continument alimenté par un tel matériau. En marchant sur les traces de Pausanias, les historiens de la religion grecque, à leur tour, collectent des fragments de cette vie religieuse en érigeant son œuvre en source de leur enquête. Mais ils sont tributaires des choix qui ont été opérés il y a presque deux millénaires par cet érudit venu d'Asie Mineure. Tenir compte de ces choix et replacer les données dans l'ensemble de l'œuvre qui les porte sont deux impératifs essentiels qu'illustre ce "Retour à la source".
Le thème du sacrifice humain ne peut laisser indifférent et continue de susciter bien des interrogations, entre fascination et dégoût. Historiens et anthropologues se divisent sur l'historicité supposée du phénomène. Pour sortir de l'impasse, cet ouvrage se penche sur la manière dont les cultures se représentent le sacrifice humain, le leur ou celui des autres, fût-il réel ou symbolique. Comment une société fait-elle face à ce qui est – ou ce qu'elle croit être – son passé cruel et sanglant? Quelles sont les valeurs dont le sacrifice humain, et d'autres concepts proches, comme l'anthropophagie, se trouvent chargés en vertu des normes indigènes? Comment ces perceptions ont-elles persisté dans la longue durée et comment se sont-elles adaptées aux idéologies changeantes? Le cœur du volume est consacré au dossier hellénique, remarquablement documenté par les Grecs eux-mêmes. À ce dossier répondent en contrepoint plusieurs articles sur la Chine ancienne, les Aztèques, et la Rome antique, qui projettent un regard différent et sont autant de raisons de remettre cent fois sur le métier cet objet fascinant.
Si la pratique du jeûne s' est très généralement effacée dans les sociétés contemporaines, en dépit du développement récent du jeûne thérapeutique ou d'un retour – dont l' ampleur reste encore à évaluer – à l' observance du Carême en catholicisme, les privations alimentaires ont pourtant été millénairement le partage des peuples soumis à l'influence de l'un ou l'autre des trois grands monothéismes.L' objectif du présent volume est de fournir des éléments d' analyse en vue d'une approche comparée de la discipline du jeûne en christianisme, en islam et en judaïsme. La pratique du jeûne alimentaire, qui semble bénéficier d'un regain d'intérêt à la faveur du healthism contemporain, n' est, en soi, guère complexe – une privation de nourriture –, mais les sens et la portée morale que lui donnent ceux qui s'y appliquent au sein des grands monothéismes sont en revanche innombrables, et les formalités qui lui sont désormais affectées ont profondément changé par rapport à celles qui étaient originellement les siennes.
Le trigramme introduit par Bernardin de Sienne dans ses sermons en 1418, un phonographe au cœur d'un rituel abakua afro-cubain à Philadelphie en 1908, une horloge à pendule apportée dans la première colonie pénale australienne en 1788, une photographie retrouvée dans le dossier judiciaire d'un " sorcier " afro-brésilien accusé de pratiquer des rites de possession en 1871 à Rio de Janeiro: quatre objets parmi d'autres, sans rapport apparent entre eux mais qui servent tous de supports techniques à la production d'une croyance.Entre mise en scène et performance, le dossier "Des techniques pour croire " explore le postulat selon lequel croire et faire croire sont d'abord des opérations matérielles, physiques, indissociables de dispositifs techniques dont l'efficacité n'est pas donnée a priori mais dépend du contexte de leur interprétation, de leurs usages et de leurs éventuelles réappropriations. Ces dispositifs sont ici analysés à la rencontre entre l'anthropologie, les Science and Technology Studies et l'histoire religieuse.
Variations juridiques sur la force agissante des choses sacrées
Le présent ouvrage fait suite à un colloque qui s'est tenu à la Faculté de Droit et des Sciences Économiques de Limoges en 2016, année des 72e Ostensions septennales limousines et marchoises. Ces célébrations furent l'occasion pour juristes et historiens de réinterroger, différemment peut-être, la notion de relique à l'aune de ce corps-objet qui, faisant image, fait agir et réagir au sein de l'espace sacré d'hier, mais aussi civique d'aujourd'hui.Dix contributions consacrées essentiellement aux reliques chrétiennes se distribuent ainsi dans ce volume, autour de la triade Réagir, Vénérer, Douter, trois verbes d'action qui lèvent un coin du voile sur le mystère de la sainteté, les émotions face au sacré et les enjeux juridiques contemporains. Objets de vénération, parfois de détestation, objets patrimoniaux et également objets de droit, les reliques sont bien dans la cité – en action – ce qui en fait des objets bons à penser pour les sciences sociales.
Ce numéro examine à travers une série d'études de cas comment les institutions et leurs acteurs font face à la sorcellerie. Centrées sur l'analyse des dynamiques de l'imputation et de la stigmatisation, les contributions portent aussi bien sur les institutions les plus centrales de l'État (la justice, nationale mais aussi internationale, la police, l'école) que sur les institutions sanitaires, religieuses et sportives ou encore les médias. Elles s'intéressent par exemple aux réactions d'indignation des opinions publiques et à la mobilisation de l'éthique des droits de l'homme face aux lynchages de présumés sorciers. Elles abordent également la question de l'irruption de la sorcellerie dans le contexte de la migration en s'intéressant aux réfugiés et aux institutions responsables deleur prise en charge.Mais ce sont aussi les anthropologues eux-mêmes qui doivent faire face à la sorcellerie. Souvent interpellés par les acteurs au même titre que les juges, les journalistes ou les médecins, les chercheurs se trouvent alors confrontés à des dilemmes éthiques qu'ils ne peuvent plus longtemps éluder.
Los usos de la magia entre los esclavos en el Imperio romano
Cet ouvrage s'attache à comprendre le rôle et les usages de la magie au quotidien par les esclaves dans le monde romain antique. Le livre porte une attention particulière à l'usage, positif et/ou négatif, de la magie dans les relations interpersonnelles. L'ouvrage s'appuie sur une lecture méthodologique des textes magiques qui tient compte des apports de diverses disciplines des sciences humaines dont la sociologie, l'anthropologie, les sciences des religions. Cette lecture permet de déconstruire les usages de la magie et montrer que les utilisateurs ne pensaient pas être dans une pratique hétérodoxe mais respecter leur foi religieuse par d'autres moyens. Pour les esclaves, c'étaient aussi le moyen d'intégrer le monde du religieux des maîtres dont ils étaient exclus.