Les pierres nous invitent. Comment envisager ces rencontres lithiques aujourd'hui en sciences sociales? Au-delà de l'économique, du symbolique ou du rituel, quelles relations aux pierres se déploient? Précieuses sans être gemmes, socialisées sans être anthropomorphisées, considérables sans être toujours transformées par des opérations techniques ou rituelles, telles sont les pierres contenues dans cet ouvrage.Cailloux, rochers, blocs ont largement retenu l'attention des géologues, des préhistoriens, des archéologues ou des artistes, c'est au tour des anthropologues. Car depuis les plateaux andins jusqu'aux pentes des volcans indonésiens, des forêts de France au musée de Rio, des personnes, collectivement ou individuellement, ne cessent d'accorder une importance à ces pierres " brutes " qui donnent lieu à une pluralité des mondes, de manières d'être présentes, d'agir et d'animer des réseaux de relations.
Par-delà la division sexuée du travail, que font les personnes, les corps et les techniques en termes de dynamique de genre? En quoi et comment les personnes et les corps instaurent-ils, avec les techniques, de nouvelles relations de genre? Que fabriquent véritablement les corps en fonction de leurs assignations respectives et de quelle latitude les personnes disposent-elles pour s'en détacher ou les réinventer? Jusqu'à récemment, la plupart des revues francophones traitant des techniques semblent avoir fait preuve de peu d'intérêt pour le genre; la littérature anglophone comprend quant à elle de remarquables synthèses qui voient essentiellement dans les techniques des instruments de reproduction de la domination masculine. Or, il s'agit peut-être là d'une vision occidentale à la fois des rapports de genre, du phénomène technique et de leurs relations. Ce numéro de Techniques & Culture, coordonné par des chercheuses et chercheurs formés à l'anthropologie, à l'histoire et à la sociologie, regroupe des travaux s'intéressant à ce que le genre fait aux techniques et à ce que les techniques font au genre.
Au Japon, sous le terme « Waza » (??) on entend le savoir-faire incarné, la maîtrise d'un acte artisanal, mais aussi les procédés et formes d'astuce qui vont avec. Ce terme est chargé d’un sens profond dont l’intensité n’a d’équivalent que celle du plaisir éprouvé à réaliser ou voir réaliser une action manuelle efficace. Le Waza, avec les conceptions pratiques et les dispositifs qu’il implique, sert de clé de compréhension aux questions centrales d’apprentissage et de transmission, que cela soit dans des univers culturels formalisés (l’éducation des femmes au Japon, le théâtre de marionnettes), informels (le jeu chez les enfants en Afrique), ou bien encore performatifs en Europe, Asie ou Amérique (l’innovation en design, les performances théâtrales)… En mobilisant la psychologie du développement, l’éthologie des primates, l’anthropologie des chasseurs-cueilleurs, mais aussi le design, l’histoire ou la bande dessinée, ce volume offre un panorama unique pour dépasser le couple usé de la tradition et de la transmission, au croisement des cultures populaires et savantes du Japon et d’ailleurs.
À l'heure où se précise le scénario tant redouté d'une Terre peut-être bientôt invivable pour les humains, ce numéro de Techniques & Culture questionne notre attrait viscéral pour les milieux-limites, des mondes lointains, mystérieux; pourtant, pour nous, hostiles, délétères, voire fatals. Comment les abîmes terrestres, les abysses sous-marins, ou encore les exoplanètes et le vide de l'espace stimulent-ils notre curiosité et notre créativité? Qu'est-ce que ces pérégrinations aux confins du monde habité nous apprennent sur notre " nature terrestrielle ", du lien qui nous unit à Gaïa, de sa plasticité et de nos capacités à faire monde, à partir d'où? Nous invitons à penser ces milieux qui imposent d'autres conditions de vie et d'existence à ceux qui les explorent, les visitent, les habitent et/ou les exploitent, notamment du fait des techniques de confinement qu'ils impliquent. Depuis la claustration dans les souterrains jusqu'à l'encapsulation des stations spatiales, en passant par tout un arsenal d'autosuggestions telles que la méditation, ces techniques enferment en même temps qu'elles permettent de s'enfoncer toujours plus loin dans l'inconnu. La description de ces dispositifs montre pourtant leur porosité aux abîmes qui se distribuent d'un côté et de l'autre des protections qu'on leur oppose. Celle-ci permet de penser à nouveau frais le rapport entre sujets humains et milieux, entre intériorité et extériorité. Jusqu'où est-il techniquement possible/souhaitable de nous confiner, de nous isoler de notre milieu ambiant ou au contraire d'y plonger à corps perdu? Dans quelle mesure les explorations de milieux-limites frayent-elles des passages inspirants entre technophobie et technophilie? La conquête d'ailleurs plus ou moins lointains et inhospitaliers permet-elle d'entrevoir une redirection de notre aventure humaine?
Si la situation n'est pas tenable, et si nous courons à la catastrophe, comment lutter contre la marche des choses? Quels outils, quels moyens possédons-nous pour semer le trouble dans la mécanique des rapports de domination? Ce numéro fait appel à notre expérience collective des formes de lutte, enquêtant sur les foyers de résistance, même circonscrits, même temporaires, qui s'élaborent et opposent aux gouvernementalités de nouvelles priorités, d'autres perspectives.Les collectifs travaillent leurs outils autant que leurs convictions ; ils suspendent le temps, par adaptation ou détournement de choses et de dispositifs. De quelles techniques se dotent les subalternalisés devenus insubordonnés ? Comment la "mésentente", qui vient troubler l'idylle consensuelle de la politique, se trouve-t-elle lestée, instruite et équipée par les gestes et les instruments propres aux mouvements de lutte ?Ce numéro est élaboré dans le contexte de la mobilisation contre des réformes qui mettent en danger la vitalité de l'enseignement supérieur et de la recherche. Par cette matérialisation en revue d'un désaccord têtu, Techniques & Culture propose un répertoire non exhaustif des actions qui sèment et cultivent le trouble Présentation synthétique Si la situation n'est pas tenable, et si nous courons à la catastrophe, comment lutter contre la marche des choses ? Quels outils, quels moyens possédons-nous pour semer le trouble dans la mécanique des rapports de domination ? Ce numéro fait appel à notre expérience collective des formes de lutte, enquêtant sur les foyers de résistance, même circonscrits, même temporaires, qui s'élaborent et opposent aux gouvernementalités de nouvelles priorités, d'autres perspectives.
Le biomimétisme est souvent présenté comme une solution à la crise écologique que traversent les sociétés humaines. Pour ses défenseurs, cette approche pourrait instaurer, ou restaurer, un rapport moins destructeur à l'environnement, en adoptant des démarches et des processus de fabrication imitant la nature. Mais au moment d'esquisser les idées directrices pour de nouveaux modèles d'actions individuelles et collectives, il convient de réfléchir aux conceptions de la nature, de la vie et de la technique associées à ces pratiques, et pas seulement dans les sociétés occidentales.Plutôt que de considérer l'imitation de la nature et de la vie comme un mécanisme universel, il s'avère crucial de réfléchir aux fondements anthropologiques du biomimétisme ou - pour insister sur la diversité des pratiques - des "biomimétismes". Les textes rassemblés dans ce numéro explorent l'inventivité des sociétés, présentes et passées, lorsqu'elles cherchent dans leur environnement une source d'inspiration pour fabriquer des objets et organiser leur existence collective selon des finalités variées.
Malgré nos efforts pour contrôler, anticiper et prévenir, les pannes constituent encore des moments de rupture, de suspens, qui menacent différents ordres productifs, techniques, symboliques et sociaux, de plus en plus hybridés. À quels nouveaux frais, notre regard sur les pannes peut-il se régénérer et embrasser de manière plus ample que ce qu'un premier inventaire, intuitif, abondamment hérité des réflexions sur nos sociétés techniciennes, nous aurait spontanément conduit à considérer?Les pannes dont il est question dans ce numéro ouvrent de vastes horizons géographiques, historiques, sensoriels et pratiques. Elles questionnent notre vision étroite de ce que serait une panne dans nombre de situations hybrides actuelles, où des algues proliférantes côtoient de trop près des téléviseurs, où des haies à comptabiliser constituent une épreuve pour les nouveaux salariés du clic, et où la reprise en main, en mode manuel, s'éloigne, à mesure que l'hybridation entre l'homme et la machine devient manifeste.Dans ce numéro 72, la dynamique baroque des mondes décrits nous plonge au cœur de cette interrogation renouvelée autour de la panne. Non, la panne n'a pas disparu de nos sociétés, elle continue de s'y lover, faisant feu de tout bois, humains et non-humains éternellement intriqués.
Comment classer et archiver des documents relatifs aux techniques? Comment rendre accessibles les savoirs sur les savoir-faire? Techniques & Culture ouvre la trousse à outils de celles et ceux qui observent, décrivent, analysent et font connaître les techniques afin d'en évoquer l'histoire et de présenter quelques exemples contemporains de ces "technographies". Si les contributrices et contributeurs de ce numéro mobilisent souvent des outils et concepts dûment éprouvés en technologie culturelle, elles/ils empruntent également aux domaines de l'ingénierie et de l'art et créent des outils sur mesure, avec la volonté partagée de comprendre et faire comprendre comment les techniques et les savoirs sur lesquels elles/ils s'appuient font partie intégrante des sociétés et des cultures.Ce numéro esquisse donc le portrait des technologues en artisanes et artisans. Il inaugure aussi une nouvelle formule, avec l'insertion d'un cahier détachable constitué de "fiches pratiques", destinées aussi bien aux néophytes qu'aux collègues qui souhaitent enrichir leur propre boîte à outils. Il semblait opportun de consacrer ce premier cahier détachable à la chaîne opératoire, concept phare de la technologie culturelle dont traitait déjà le tout premier numéro de Techniques & Culture.
Tous ces objets ont été utilisés pour matérialiser des désirs, combler une attente, soigner des maux.À quelles curieuses réalités renvoie un ex-voto? Alors qu'il était traditionnellement réservé à d'anciens moulages issus des sanctuaires antiques ou encore à de petits tableaux peints représentant à la manière naïve les catastrophes de la vie quotidienne dans l'Europe du xixe siècle, archéologues, historiens et anthropologues réinvestissent aujourd'hui ce terme afin d'en renouveler totalement l'approche. On cherchera à comprendre dans ce nouveau numéro de Techniques & Culture quelle médiation fondamentale et commune peut être en jeu dans cette extrême diversité de pratiques présentes à toutes les époques et sur tous les continents.Les recherches les plus précises de ce numéro tendent toutes vers cet horizon large, avec le souci partagé de sauver ces merveilles riches ou pauvres de l'oubli ou de la condescendance. Il s'agit ici non plus de cataloguer ou de répertorier ce patrimoine, mais de bien penser ce qu'on peut appeler le problème ex-voto.
Les temps des aliments. Quelles sociétés de conservation?
Qu'il s'agisse de conserver les maniocs "vivants" dans les jardins en Amazonie brésilienne, d'organiser le ravitaillement des missions spatiales ou d'approvisionner Paris en poissons frais au XIVesiècle ou encore de conserver le précieux colostrum des mères pour leurs nouveau-nés prématurés, chauqe situation résulte de négociations qui dépassent largement la satisfaction des "besoins primaires". En révélant les mécanismes de la conservation, Le temps des aliments questionne les liens complexes entre pouvoirs et techniques. Il s'agit aussi de penser des modèles de conservation possibles, au regard des expérimentations conduites par les sociétés actuelles et passées. L'analyse d'une diversité de situations de conservation alimentaire humaine interroge: jusqu'où l'abondance des sociétés de consommation est-elle également une problématique de conservation?
Dans le même temps, en Chine, en Inde, en Égypte, on assiste partout au développement de la low-tech, ensemble hétérogène de techniques, d'usages, de modes de composition alternatifs, locaux et participatifs, à chaque fois fondés sur une économie de moyens. Repenser en profondeur notre rapport à la technique, en s'inspirant des initiatives locales, est sans doute une étape indispensable pour aff ronter les problèmes les plus contemporains, notamment écologiques: gestion de l'énergie, développement de transports de proximité, pollution, etc.L'objectif de ce numéro n'est pas d'entériner aveuglement l'une ou l'autre de ces alternatives; c'est d'envisager une nouvelle cartographie des techniques et des technologies à l'échelle du monde en confrontant des manières d'assembler inédites (low-tech aussi bien que high-tech) tant au niveau des matériaux utilisés, des processus créatifs que des usages.Il s'agit de voir dans quelle mesure on peut esquisser, en suivant à la trace ces " bricolages " bien éloignés des chaînes de montage tayloristes, une nouvelle géographie des innovations.
Qu'est-ce que peut un corps? demande Spinoza, et il répond: Personne n'en sait rien! C'est-à-dire qu'on n'a pas fini de s'en étonner. Chaque jour nous voyons des corps accomplir des actions d'une infinie complexité, qu'il s'agisse d'adresse sportive ou de gestes créateurs.Pour que cela soit possible le corps ne peut pas être le simple instrument de l'esprit, l'un et l'autre sont une seule et même harmonique: quand l'anthropologue Marcel Mauss s'empare de cette conception moderne de l'être vivant, il la nomme " techniques du corps " et franchit un pas décisif. Non seulement marcher ou faire l'amour sont des actions efficaces, mais il y a autant de façons de s'y prendre qu'il y a de cultures – et pas seulement humaines. Dans ces multiples manières d'être au monde l'équipement n'est pas en reste car l'outil, défini comme prolongement de la main par le préhistorien André Leroi-Gourhan, est capable de transformer notre corps même en outil second. N'avons-nous pas la sensation de " faire corps " avec notre voiture lorsque nous conduisons? Ne devenons-nous pas sur la chaîne de montage l'instrument efficace des robots mécaniques?Les essais de ce livre explorent ces conquêtes et limites du corps sur lui-même et sur la matière en s'attachant aux dimensions cachées que sont la sensorialité, le rituel, l'apprentissage, les émotions, l'entretien, et les méthodes pour parvenir à comprendre l'intelligence physique.