Le confinement humanitaire fait référence à l'étude des lieux et des dynamiques qui limitent, modifient ou proscrivent certaines formes de mobilité ou d'immobilité des destinataires de l'action humanitaire. La mobilisation de ce concept permet de développer une approche plus compréhensive des modes de gouvernement humanitaire des mobilités, en articulant des échelles différentes et des dispositifs de pouvoir variés, de nature plus ou moins coercitive et diffuse. S'il englobe donc les structures d'enfermement où les restrictions de mouvement sont presque absolues, ce volume propose d'inscrire ces formes de rétention et de détention humanitaires au sein d'une typologie plus large et flexible, qui inclut également les centres d'accueil pour personnes demandeuses d'asile en Europe, les camps de réfugié·es du Sud global, les espaces frontaliers, les zones d'attente dans les aéroports, voire même certains espaces urbains de relégation.
Le rapport que chacun et chacune entretient au portrait est devenu ordinaire,proche d'une expérience totale. Les portraits peuvent relever dessciences sociales ou proposer des échappées belles, permettre de décrire,conduire à la médiation, pousser à enjoliver ou signifier un contrôle. Parfois,ils saisissent les détails de ce que dit une vie, souvent ils la débordent,d'autres fois ils sont prétexte à un questionnement des méthodes. Dansce dossier, il s'agit à la fois d'observer quelques permanences, impermanenceset transformations des usages, représentations et pratiques duportrait, tout en portant attention aux instrumentalisations et permissionsqu'il opère.
La crise sanitaire de la Covid-19 a engendré des bouleversements profonds. Sont à l'oeuvre une multitude de remises en cause idéologiques et politiques et de bricolages inédits qui n'ont fait que s'accentuer sur le fonds de la hantise de contamination, d'angoisse, de devenirs incertains et du spectre de la catastrophe environnementale. Les formes de pensée, d'exister, d'agir, de croire en paraissent ainsi renouvelées, hybridées, mais aussi fragmentées, fissurées, pesant sur les mobilisations sociales et politiques, individuelles et collectives. Questionnements identitaires et écologiques, logiques globalisées et singularités socioculturelles, réagencements et redéfinitions du réel, de l'imaginaire et du symbolique sont au coeur de ce numéro qui retisse de manière originale des vécus autant communs que potentiellement clivés.
Depuis les années 1980, des anthropologues originaires d'Afrique, d'Amérique latine, d'Asie ou des Balkans mènent des recherches de terrain en Europe de l'Ouest. Leur démarche marque une " inversion " du mouvement associé à l'anthropologie moderne, voyant des ethnographes occidentaux prendre les sociétés du reste du monde comme autant d'énigmes à déchiffrer par l'enquête. Cependant, les travaux de ces anthropologues demeurent souvent méconnus. Ce dossier, s'ancrant dans une perspective réflexive, est consacré à ces ethnographies que nous proposons de qualifier de " non-alignées ". Les auteurs y reviennent sur la manière dont différentes hiérarchies sociopolitiques ont façonné leurs options théoriques et méthodologiques ainsi que leurs parcours académiques. Que se passe-t-il quand les Européens deviennent des " indigènes " sous la plume d'anthropologues venus de leurs anciennes colonies ou de régions périphériques ?
Socionatures en tension - Anthropologie et crise climatique
La " crise climatique " imprègne le quotidien de nos sociétés et aplatit leurs parcours historiques et culturels par l'inéluctabilité d'un futur global catastrophique. Dans ce cadre, l'anthropologie est sollicitée pour enrichir ce débat d'une dimension ethnographique, critique, attentive à la microéchelle. En repartant de la notion de " socionatures ", ce volume interroge le paradigme de la crise climatique globale tel qu'il est (im)posé, pour décrypter les impensables d'une lecture politique invisibilisée par le discours dominant. Des luttes contre l'extractivisme à la remise au centre des acteurs non-humains, en passant par la co-production de socionatures ou par des expériences pédagogiques, ce numéro propose des pistes pour une repolitisation des crises climatiques et environnementales à partir des diverses formes de résistances écologiques.
Les médiateurs de la globalisation évoluent entre les marges et les centres, agissent aux croisements d'une pluralité de champs sociaux où ils se font l'écho d'injonctions morales plus ou moins impératives, générant des tensions politiques et idéologiques parfois vives. Ces figures d'influence, symboliques et réelles, bousculent les schémas établis, pour imposer de nouveaux langages et tissent des liens entre des acteurs politiques, économiques et moraux divers, participant à des processus de co-construction d'identités et d'imaginaires collectifs. Plusieurs cas de figure nous transportent successivement du Maroc aux États-Unis, en passant par le Liban, la Suède, la France, le Cameroun et l'Indonésie. Explorant des domaines aussi divers que le religieux, le militantisme associatif, le développement ou encore l'anthropologie elle-même, les auteurs mobilisent un ensemble de médiations qui révèlent des questionnements brûlants au cœur des changements sociaux.
Marc-Henri Piault (1933-2020) ethnologue africaniste fut une figure incontournable du développement de l'anthropologie visuelle en France et au Brésil. Sa contribution de nature réflexive et critique a enrichi nos connaissances sur les transformations des sociétés africaines depuis la période précoloniale jusqu'aux indépendances.Dans ce volume sont rassemblés quelques hommages de ses collègues et ami.e.s décrivant des expériences collectives de terrains, d'enseignement et de recherche.Deux textes de Marc-Henri Piault encadrent ce hors-série. Le premier sous le titre " Cette singulière différence ", toujours d'actualité, est l'introduction au premier colloque international de l'AFA Vers des sociétés pluriculturelles (1987), le dernier est une traduction inédite de son article fondateur pour l'anthropologie visuelle brésilienne " L'anthropologie et le "passage à l'image" " (1995).L'Association française des anthropologues et le comité de rédaction du Journal des anthropologues dédient ce numéro à celui qui fut conjointement son président et responsable de publication.
" Liberté ". Ce terme est partout clamé, chanté, revendiqué alors que, dans les faits, l'espacede la liberté semble se réduire, assiégé de part en part, parfois même par les politiques quiprétendent la promouvoir. Alors que s'achève ce premier quart de XXI e siècle, les mots deClaude Lévi-Strauss résonnent de toute leur force: on pourrait dire " la liberté absente dans saprésence ". L'anthropologie est réputée pour son scepticisme à l'égard de la notion de liberté.Elle paraît en effet plus encline à étudier les formes de la domination et du pouvoir. À de raresexceptions près, elle a peiné à faire des manières d'être libre un objet d'ethnographie. D'unepart, cela tient au fait que la notion de liberté manque souvent de tranchant descriptif ouanalytique. D'autre part, on peut y voir la conséquence d'une certaine conception del'anthropologie elle-même comme méthode critique, mue par une quête de liberté et delibération. Ce dossier propose d'interroger les manières dont la discipline peut s'emparer de laquestion de la liberté. Quel message critique la discipline peut-elle proposer sur cette notionen ces temps incertains où la liberté paraît bel et bien en danger?
La culture, mot polysémique et plastique, s'impose désormais comme un outil des politiques urbaines globalisées. Ces dernières ambitionnent de contribuer à la compétitivité des villes, quitte à exclure les populations défavorisées et à légitimer cette exclusion en ayant recours au registre consensuel de l'art et de la culture. Dans ce processus, il est possible de se demander de quelle manière l'urbain est modifié par sa " mise en culture ", et inversement, en quoi la culture est façonnée par son devenir urbain. Dans ce dossier, les interrogations portent surtout sur les acteurs et les conséquences de ces dynamiques: dans quelle mesure les politiques urbaines et culturelles, et les projets qui en découlent, agissent-ils sur les pratiques et les représentations de celles et ceux qui conçoivent les villes mais aussi de celles et ceux qui les habitent au quotidien? Comment les différents groupes qui constituent la ville, et en particulier les artistes et les acteurs culturels, répondent-ils ou participent-ils à ces projets? Quels sont leurs degrés d'engagement, d'opposition ou de compromis par rapport à des projets qui aspirent à changer l'image des villes?
Marges sociales : marchés, productions – Le marché des marges sociales
Dans leurs modes de production, de gestion et de légitimation, les nombreuses catégorisations des acteurs qui peuplent les " marges sociales " interpellent les anthropologues. Comment appréhender ces marges dans les sociétés actuelles où la précarisation et la stigmatisation fabriquent, en leur cœur même, en nombre croissant, des " marginaux " économiques et sociaux? Quelles sont, malgré l'imposition des dispositifs de gestion, les stratégies des acteurs, leurs capacités de négociation et leurs logiques de subjectivation? Dans une perspective comparative, ce dossier donne à voir des figures diverses des marges sociales et permet de comprendre le poids des dispositifs managériaux et sécuritaires qui les encadrent. Salariés, bénévoles ainsi que tous ceux qui bénéficient des services ou en sont exclus mettent en lumière, malgré tout, des lignes d'émancipation sociale.
Hors normes, mobilisé, animé par l'esprit des protestations qui secouent le monde de la recherche et de l'enseignement supérieur contre la marchandisation forcenée des êtres et du savoir, ce numéro du Journal des Anthropologues participe à l'action " Revues en lutte ". Il ouvre ses pages à des étudiant.es et des enseignant.es, des Gilets jaunes, des artistes et des membres de l'Association Française des Anthropologues, à des récits et des colères qui disent le sens de l'engagement dans ces mobilisations. Ces textes témoignent de l'ancrage collectif du Journal dans le terrain des luttes ici et ailleurs.
Des téléologies globalisantes et de nombreux discours et analyses ont largement insisté sur les potentiels renouvellements des mondes du travail. Comment celles et ceux qui y sont directement impliqués pensent-ils et vivent-ils le travail? Quelles sont les modalités de subjectivation dues au travail ou produites à son propos? Traduisent-elles une intériorisation des conditions, normes et places imposées? Ou alternativement manifestent-elles des tentatives d'aborder le travail en inventant de nouvelles formes? Tels sont les questionnements au centre de ce dossier qui regroupe dix contributions issues de recherches de terrain portant sur des métiers et des configurations de travail très divers. Leur rapprochement dessine un tableau contrasté de subjectivations en travail, tendues vers des horizons d'attente multiples: de la mise aux normes des corps au travail à la quête de reconnaissance, en passant par la tentative de s'émanciper des cadres organisationnels classiques pour inventer, parfois, des horizons politiques alternatifs.