Le statut de plus en plus controversé des analyses en termes de " classe sociale " au sein de la sociologie européenne de la fin du XXe siècle fait l'objet de vives discussions dans différentes branches des sciences sociales contemporaines. Dans ce scénario de contestation internationale, l'un des paradoxes les plus intéressants de la sociologie brésilienne est sans doute l'importance qu'elle a toujours plus ou moins accordée aux analyses en termes de classe, souvent d'une manière théorique et avec relativement peu de travaux empiriques.Le thème " classes sociales et rapports de classe " est encore largement ouvert et les possibilités à creuser dans ce domaine restent innombrables. C'est dans cette perspective que le dossier veut poursuivre ici cette exploration par le biais de nouvelles recherches empiriques. Il ne s'agit pas bien sûr de proposer des réponses définitives aux questions soulevées. Il s'agit plutôt d'attirer l'attention sur les rapports de classes en juxtaposant six articles qui envisagent chacun à leur manière une facette du problème.
A travers des contributions de sociologues, de politologues et de psychologues sociaux, spécialistes des mouvements sociaux, de la participation des jeunes et des cultures politiques, ce numéro de Brésil(s) se penche sur les manifestations qui ont secoué le Brésil depuis juin 2013, sur leurs origines, leurs sens et leurs impacts potentiels à moyen et long termes. Ces mouvements ont bousculé la scène politique, mais ils ont aussi profondément transformé le sens attribué à la démocratie et à la citoyenneté par une nouvelle génération, celle qui n'a pas connu la dictature et demande aujourd'hui que se réalisent les promesses de la démocratie : moins d'inégalité et de corruption, davantage de participation et de services publics.Le caractère souvent individualisé et distant des organisations politiques et sociales a conféré une grande créativité à ce mouvement, mais aussi un côté sporadique et diffus qui a laissé perplexe bien des analystes et des acteurs de la société civile. Au-delà de l'événement, l'analyse de l'impact de ce mouvement citoyen requiert une analyse en profondeur de ces mobilisations, des formes d'engagement et des visions du monde des acteurs qui y ont pris part.
Les années Lula : politiques sociales ou néolibéralisme ?
Un bilan socio-économique à double face émane des huit années de présidence de Monsieur Lula da Silva (2003-2011). Il apparaît que son expérience aurait consolidé les inégalités économiques et sociales. Car même si des indicateurs économiques confirment l'enrichissement d'une partie de la population, c'est sans compter l'appauvrissement croissant des plus démunis. Alors que l'engagement de certaines politiques sociales a eu des effets notoires, d'autres, d'inspiration néolibérale, ont participé au contraire à l'enracinement de l'extrême pauvreté. Si bien que les spécialistes interrogent le bilan de Lula : est-il le reflet de politiques sociales ou bien du néolibéralisme? D'emblée, il demeure difficile de trancher.
Le coup d'État militaire 50 ans après : histoire et historiographie
L'année 2014 marque le 50e anniversaire du coup d'État militaire qui renversa le gouvernement démocratique du président brésilien João Goulart et fut le début de vingt-et-un ans de dictature militaire (1964-85). Les deux décennies suivantes s'accompagnèrent de limitations rigoureuses des droits civiques, ainsi que de censures de la presse, du théâtre et du cinéma. On y observa un usage systématique de la torture afin de réduire l'opposition au silence, et des mesures appuyées par l'État qui causèrent la mort et la disparition de centaines d'opposants au régime.Le contexte actuel de retour mémoriel, avec la mise en place des Commissions de la vérité, nous invite à revisiter cette période et la très vaste littérature produite sur la question par des historiens, des sociologues, des politologues aux approches les plus diverses. Le débat reste intense, au Brésil mais aussi à l'étranger, dans les milieux du " brésilianisme ".
Ce numéro offre un espace de discussion sur les rapports entre pratique anthropologique et engagement politiques selon deux grandes lignes: en examinant les articulations entre pratique de l'expertise et recherche scientifique ou en s'interrogeant sur les dilemmes moraux qui se posent lors de l'écriture tant des rapports d'expertise que des articles scientifiques.
Comment penser l'altérité à partir des lieux ? Comment la vie sociale s'organise à partir de certains " lieux autres " ? Si l'on peut considérer les lieux comme des modalités spécifiques d'investissements sociaux de la part des individus et des groupes, pourquoi ne pas penser aussi les constructions et les représentations de l'altérité à partir de ces espaces ?Cette possibilité d'analyse est facilitée par le texte séminal de Michel Foucault, " Des Espaces Autres ", dans lequel il présente la notion d'hétérotopie, qui nous sert ici d'inspiration.Ce dossier analyse donc 6 espaces sociaux du Brésil urbain contemporain, qui ont tous fait l'objet d'une recherche prolongée de terrain. Il s'agit de proposer une réflexion sur l'agencement singulier de ces lieux, mais aussi sur leur hétérogénéité, et sur la coexistence des espaces sociaux dans le Brésil d'aujourd'hui. On verra aussi comment les différentes disciplines convoquées (anthropologie, géographie, sociologie…) peuvent s'approprier, ou non, cette notion d'hétérotopie.
Le numéro est composé d'un dossier organisé par Marc Bordigoni et Mônica Raisa Schpun et consacré aux Tsiganes au Brésil, avec 4 articles inédits dont 3 écrits par des anthropologues sur des terrains différents (la lecture du sort par des femmes Calon de la région de São Paulo ; la relation entre nomadisme et sédentarité (ethnographie réalisée dans la région sud du Bahia) ; les enjeux politiques et symboliques créés par l'établissement de la Journée nationale des Tsiganes au Brésil. Le quatrième article, écrit par un historien, traite du bannissement des Tsiganes du Portugal vers le Brésil pendant la période coloniale. Les articles du dossier sont suivis de commentaires écrits pas des spécialistes européens qui les mettront en perspective.Suivant la structure prévue pour la revue, le dossier est suivi par un Varia composé de 3 articles inédits.
Le dossier " Vies d'esclaves " présenté dans le n°1 de Brésil(s) vise à illustrer l'un des derniers " tournants " de la recherche historique brésilienne sur l'esclavage : la découverte par les chercheurs qu'il était possible d'écrire des biographies de personnes ordinaires qui n'avaient laissé que peu de traces dans les archives.Il a pour but d'examiner, par le biais de la biographie, la complexité des négociations dans la société esclavagiste brésilienne entre le XVIIIe et le XIXe siècles.
Seule revue française et en français entièrement consacrée au Brésil, les Cahiers du Brésil Contemporain ont été lancés au moment où le Brésil renouait avec la liberté de penser. Les nouvelles exigences du débat public, son internationalisation, la force de son actualité ont conduit à de profondes transformations dans la revue elle-même qui repense sa formule et change de nom Brésil(s). Sciences humaines et sociales, pluriel exprimant les sociétés et groupes sociaux multiples du pays.Avant d'entrer dans une nouvelle phase, Brésil(s) republie, dans un numéro zéro, une anthologie d'articles sélectionnés parmi la vaste collection offerte par la revue depuis sa fondation en 1987. On y trouvera de " jeunes auteurs " devenus aujourd'hui des " classiques ", et des problématiques anciennes déjà chargées d'histoire ou des anticipations dont la revue ne pouvait alors imaginer la portée. Tout au long de leur histoire, les Cahiers ont été une pépinière de talents nouveaux, une scène pour des objets inédits et pour des approches novatrices. Si les neuf articles choisis veulent rendre compte de cet esprit, ils lancent aussi les bases de la réflexion future. Dans cette perspective, ce numéro comporte un article inédit de Peter Fry.