Les contacts et particulièrement les affrontements armés entre chrétiens occidentaux et musulmans ont donné lieu à une vaste historiographie, relevant largement de l'histoire des idées religieuses et de la propagande. Les zones où ces contacts sont le plus intenses ont été étudiées, elles, dans une perspective d'histoire militaire; le château y tient une place de choix. Ce volume propose d'adopter une autre approche, qui se fonde largement sur des concepts géographiques, sans toutefois négliger la spécificité culturelle de ces zones frontalières. La notion de territorialisation des frontières, qui fonde nos analyses, peut sembler paradoxale: dans les régions où se rencontrent deux expansionnismes impulsés à partir de " centres " politiques et culturels lointains, la guerre semble empêcher toute maîtrise approfondie du territoire. Pourtant, si les " frontaliers " constituent un groupe trop varié et fluctuant pour être défini ( murabit/s, milices roturières ibériques, " poulains " latins de terre Sainte), les lieux où l'on voisine durablement avec l'infidèle reçoivent souvent un statut particulier (" marche ", thaghr ); leur définition spatiale n'est pas nette, car les dominations politiques se déplacent, mais leurs spécificités sont suffisantes pour marquer leur organisation. Ce phénomène est accentué, voire radicalisé, par la dimension idéologique des lieux où confrontent deux confessions religieuses fortement antagonistes; la toponymie en garde la trace. Au-delà des régions les mieux étudiées dans la perspective des frontières confessionnelles (Péninsule ibérique et Orient latin), cet ouvrage s'ouvre à l'Europe centrale et à l'Arabie, dans une chronologie qui transcende les coupures académiques et qui atténue la différence entre les frontières nées de la Reconquête et des Croisades, d'une part, et celles issues des expansions tardo-médiévales (latine et ottomane), d'autre part.