Le sacrifice est un dispositif symbolique qui assure la séparation non seulement entre hommes et dieux, mais des hommes entre eux. En Chine, l'organisation générale des offrandes au Ciel et aux ancêtres avec sa cuisine mimant l'assaisonnement de tous les êtres dans le chaudron de l'univers, avec sa communion autour du grand banquet sacrificiel, avec sa répartition en cascade des restes déterminant classes et hiérarchies, vise à imposer un ordre parfait à toute la terre sous le Ciel. C'est pourquoi Confucius a pu dire : "Celui qui maîtriserait parfaitement l'ordonnance du grand sacrifice aux ancêtres gouvernerait l'empire aussi facilement que je tourne la paume de ma main", c'est aussi pourquoi il a pu servir de matrice à un régime absolutiste et centralisé lorsque les c ...
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Le sacrifice est un dispositif symbolique qui assure la séparation non seulement entre hommes et dieux, mais des hommes entre eux. En Chine, l'organisation générale des offrandes au Ciel et aux ancêtres avec sa cuisine mimant l'assaisonnement de tous les êtres dans le chaudron de l'univers, avec sa communion autour du grand banquet sacrificiel, avec sa répartition en cascade des restes déterminant classes et hiérarchies, vise à imposer un ordre parfait à toute la terre sous le Ciel. C'est pourquoi Confucius a pu dire : "Celui qui maîtriserait parfaitement l'ordonnance du grand sacrifice aux ancêtres gouvernerait l'empire aussi facilement que je tourne la paume de ma main", c'est aussi pourquoi il a pu servir de matrice à un régime absolutiste et centralisé lorsque les collèges cultuels se sont trouvés vidés de leur substance religieuse et de leur fonction sociale. L'immanence propre aux gestes sacrificiels s'est convertie en pure transcendance de l'appareil d'État. Si, comme a pu le dire Marcel Détienne, la notion de "sacrifice" est une catégorie de la pensée d'hier, aussi arbitraire que celle de totémisme, il n'en reste pas moins que le système sacrificiel chinois fournit un cas exemplaire de sa réalité opératoire.