Loin d'être immuables, les langues ne cessent de se transformer au gré des contacts entre les peuples. Les migrations humaines sont à ce titre un facteur important d'évolution linguistique. Celles des Européens vers les colonies, à partir du XVe siècle, ont donné naissance à de nouvelles variétés et, en particulier, à des créoles. L'histoire de ces parlers apparus au cours de l'époque moderne mérite que l'on s'y attarde, tant leurs processus d'émergence et de différenciation font écho à ceux des langues romanes.Cette leçon inaugurale entreprend d'analyser les dynamiques évolutives des créoles et du français, mettant en évidence les enjeux sociaux, politiques et économiques qui les traversent. Questionnant les préjugés des philologues du XIXe siècle et jusqu'aux idées reçues qui persistent de nos jours, elle montre que la déconstruction des représentations coloniales de la formation des créoles est indispensable pour faire avancer la compréhension du développement des langues romanes.
L'histoire de l'architecture ne cesse de conjuguer deux regards : celui, panoramique, portant sur les ensembles urbains, révélant les politiques sociales ou techniques, et celui sur les édifices et leurs intérieurs, vus en gros plan, qui reflète les idéaux et l'engagement de leurs auteurs et de leurs habitants.Faisant dialoguer théoriciens, philosophes et écrivains avec les architectes du XXe siècle (Mies van der Rohe, Wright ou Le Corbusier), Jean-Louis Cohen suggère une approche renouvelée, ancrée dans l'histoire culturelle et dans l'humain, de l'architecture comme questionnement et comme pratique.Ce livre est la réédition par le Collège de France de l'ouvrage publié sous le même titre en 2017 (Collège de France/Fayard).
Matière et lumière sont intimement liées dans notre modélisation du monde physique. De l'élaboration de la théorie quantique à l'invention du laser, l'interaction entre atomes et rayonnement a joué un rôle central dans le développement de la science et de la technologie d'aujourd'hui. La maîtrise de cette interaction permet désormais d'atteindre les plus basses températures jamais mesurées. Le refroidissement de gaz d'atomes par la lumière d'un laser conduit à une " matière quantique " aux propriétés radicalement différentes des fluides ordinaires. Ces atomes froids sont à la base d'une nouvelle métrologie du temps et de l'espace, qui trouve des applications dans des domaines aussi divers que la navigation, les télécommunications ou encore la géophysique.
Qui pense le monde ? Les hommes du passé ou les historiens du présent ? L'histoire universelle telle qu'elle était pratiquée depuis l'Antiquité s'est transformée à partir du XVIe siècle dans des contextes variés, de l'Asie orientale à l'Amérique espagnole. Grâce à sa connaissance des archives dispersées à travers le monde, sa maîtrise des langues et des traditions historiographiques d'Asie, d'Europe et des Amériques, Sanjay Subrahmanyam remet en perspective l'histoire des réseaux et des échanges de biens, de mythes et d'idéologies en sortant des cadres géopolitiques traditionnels soumis au modèle de l'État-nation. Il présente l'histoire globale comme un champ défini et redéfini par des " histoires en conversation ".
Comment expliquer la destinée hors du commun des hominines ? La proche parenté de l'homme avec les grands singes africains est aujourd'hui solidement établie, mais notre espèce s'en distingue par une accumulation de traits adaptatifs très originaux – quant à la locomotion, l'alimentation et la reproduction – qui ont permis son expansion inégalée au sein des vertébrés. L'encéphalisation toujours plus poussée des hominines a rendu possible une complexification technique et sociale sans cesse croissante qui, elle-même, en retour, a directement influencé leur évolution biologique. Comprendre l'évolution humaine consiste donc à comprendre l'interaction permanente du biologique et du culturel.Ce livre est la réédition par le Collège de France de l'ouvrage publié sous le même titre en 2017 (Collège de France/Fayard).
Prenant son véritable essor au XIXe siècle avec la découverte de milliers de papyrus en Égypte, la papyrologie consiste à étudier les textes grecs et latins écrits sur un support transportable (papyrus, tessons de poterie, tablettes de bois ou parchemin). Alors que les inscriptions et les sources littéraires peuvent présenter une image normative, idéalisée ou parfois déformée des individus, les papyrus – aussi fragmentaires soient-ils – nous font entrer dans leur quotidien, rendant possible une archéologie de leurs pratiques culturelles. Tenter de déchiffrer " ces lambeaux, gardiens de la mémoire des hommes ", pour paraphraser Léonard de Vinci, tel est le défi du papyrologue, qui ne cesse ainsi de renouveler notre connaissance du passé.
Pour comprendre ces systèmes complexes et maîtriser leur construction, le chimiste met en œuvre des expériences qui permettent d'analyser tous les états de la matière, de la molécule au matériau. Un de ses défis est l'élaboration bio-inspirée de matériaux hybrides à structures hiérarchiques.À l'interface de la chimie, de la physique, de la biologie et de la science des matériaux, la chimie des matériaux hybrides a déjà intégré de nombreux domaines d'application (automobile, construction, textile, cosmétique, micro-optique, micro-électronique, revêtements fonctionnels, sciences environnementales et biomédicales).
Contrairement aux œuvres héritées de l'Antiquité grecque ou romaine, aucun texte de la civilisation mésopotamienne ne nous est parvenu directement. L'assyriologue travaille à partir de textes inscrits en caractères cunéiformes sur des tablettes d'argile. Il doit reconstituer les textes à partir de fragments, les mettre en ordre chronologique et géographique pour élaborer peu à peu une histoire non seulement politique, mais aussi sociale, économique et culturelle de la Mésopotamie. La tâche est immense et implique une approche pluridisciplinaire combinant archéologie et épigraphie, philologie et histoire.
Le droit est le produit d'une société en même temps qu'il aspire à lui donner des règles qui résistent au temps ; il est à la fois dans l'histoire et en dehors d'elle. Cela vaut particulièrement pour Rome, où le droit a évolué, en grande partie, sous la forme d'un dialogue rationnel et argumenté, établi par les juristes dans un présent dilaté créé par l'écriture. Historiciser le droit signifie alors assumer le point de vue des Anciens eux-mêmes et relier les écrits des juristes aux champs discursifs proches dont ils nourrissaient leur pensée – rhétorique, philosophie, histoire, poésie. Cette leçon inaugurale nous convie ainsi à découvrir la pensée juridique romaine au fil des textes antiques et modernes, du Digeste de Justinien au Songe du Vergier en passant par les Métamorphoses d'Ovide, pour mieux saisir la beauté sévère de ce droit devenu ensuite commun à une grande partie de l'Europe.
Comment expliquer le paradoxe fondamental de la matière vivante, qui allie stabilité et robustesse des formes à une dynamique interne constante ? Ce n'est pas seulement l'information génétique contenue dans les cellules, mais aussi les processus biochimiques et moléculaires observables in vivo qui sont à l'œuvre dans la morphogenèse. S'y ajoute la contribution essentielle des forces mécaniques qui, de la molécule au tissu, modèlent l'organisme. La dynamique du vivant émerge ainsi du contrôle biologique et des contraintes physiques à toutes les échelles. Son étude réunit aujourd'hui une communauté interdisciplinaire en pleine expansion qui observe, analyse et modélise le vivant.
L'idée que je me fais d'une théorie en biologie est assez éloignée de cette biologie théorique, mise en équations de phénomènes observés ou photographiés. J'en ai une conception plus simple, plus concrète. Non pas cette description mathématique de ce qui est vu, mais un modèle évolutif, un outil bricolé, avec des mathématiques peut-être, mais aussi de la langue naturelle, et qui sert avant tout à comprendre ce qu'on ne voit pas, à deviner, sous le visible, l'invisible du vivant, sa " logique " sous-jacente.
L'histoire juridique de l'édification de l'État social donne une idée de sa grandeur. Mais ce souverain débonnaire, tolérant la contestation et répondant du bien-être de ses sujets, semble aujourd'hui frappé de misère. Exposé par l'ouverture de ses frontières commerciales à des risques financiers systémiques, il voit ses ressources s'effriter et ses charges augmenter. D'inquiétants docteurs se pressent à son chevet. Certains lui prescrivent saignée sur saignée, tandis que d'autres dressent déjà son acte de décès. Plutôt que de cette médecine létale, c'est d'un diagnostic précis de l'État social dont nous avons besoin.