Si chaque migration est une aventure humaine, que deviennent les migrants dans leur pays d'accueil ? Cherchent-ils à conserver leur identité d'origine, leurs pratiques et leurs valeurs, voire à les cultiver ? Cherchent-ils, au contraire, à se rendre invisibles et à se fondre dans la population d'accueil ? Comment sont-ils accueillis et comment leurs différences sont-elles perçues ? En un mot, quelles sont les relations entre migrations et identité ? Tel est l'objet du présent livre qui, après une première partie théorique, est consacré au cas breton. Pourquoi étudier les migrations bretonnes ? Parce que, curieusement – alors que, depuis le xixe siècle, des centaines de milliers de Bretons ont migré vers Paris, la France et le monde –, peu de travaux scientifiques leur ont été consacrés. En outre, les migrations vers la Bretagne, relativement faibles numériquement jusqu'à ces dernières années, sont souvent méconnues : cette Bretagne d'où l'on migre serait-elle également terre d'immigration? Depuis quand? Qui sont les migrants qui y vivent ? Le présent ouvrage n'a pas l'ambition de fournir une synthèse scientifique d'ensemble sur l'émigration et l'immigration bretonnes. En revanche, ses auteurs espèrent, par leurs contributions, susciter l'intérêt de la communauté scientifique et du grand public pour un sujet qui mériterait de plus amples recherches. Ce livre est le fruit des séminaires d'Ermine et d'un partenariat avec le musée de Bretagne, dans le cadre de son exposition " Migrations Bretagne- monde ". Les articles rassemblés ici ont été rédigés tant par des auteurs de renommée internationale, que par de jeunes chercheuses et chercheurs, érudits, journalistes, spécialistes ou engagés, qui ont accepté de partager leurs expériences.
D'où provient la multiplication des discours sur la vulnérabilité humaine et que faut-il en penser ? Issu d'une recherche multidisciplinaire, cet ouvrage propose les clefs pour comprendre l'origine de cette notion et les principaux modèles qui l'utilisent. Analyse sociologique des nouvelles formes de fragilités sociales, formation d'un droit des personnes vulnérables, regard anthropologique et politique sur l'usage de ces catégories sont autant d'éléments essentiels pour la compréhension de notre époque dans ses mutations profondes. Le parti pris est ici de ne pas se satisfaire d'une recension de ces multiples voix de la vulnérabilité mais d'explorer la vulnérabilité sous trois perspectives rigoureuses et complémentaires: présenter les fondements philosophiques de la notion par des synthèses (théorie des capabilités, éthique de Lévinas, Habermas ou Jonas) et un questionnement problématique fondamental; évaluer l'apport de cette notion à l'éthique du soin et plus généralement à la pensée éthique ; écouter ce que peuvent dire de cette notion aussi bien les pratiques médicales, la clinique psychologique ou encore d'autres formes d'accompagnement de la personne en situation de fragilité. Ouvrage unique dans l'espace francophone, il réunit, à l'instigation d'une équipe de recherche interdisciplinaire en éthique du soin, des contributeurs de portée internationale en philosophie comme en sciences humaines, médicales ou juridiques. Ce livre s'adresse tout spécialement aux soignants, aux professionnels et aux chercheurs travaillant sur les questions de la santé, du soin, de l'action sociale. Il constitue également une véritable introduction philosophique à une pensée de la vulnérabilité. En ce sens, ce livre peut rejoindre chacun dans son questionnement essentiel sur la condition humaine, sa fragile complexité mais aussi la beauté de sa vulnérabilité partagée.
Depuis les années 1990, un pan important de la recherche contemporaine et une part non moins significative des discours relayés ou construits par la littérature, l'art et les médias ont appréhendé l'injustice sociale à travers le prisme de la misère et de l'exclusion. Sans contester la pertinence de cette perspective, cet ouvrage s'efforce d'en élargir le spectre : plutôt que la seule catégorie de l'exclusion, c'est la notion d'inégalité qui permet ici d'interroger les manières de figurer le caractère juste ou injuste de l'ordre social pris dans son ensemble. Plutôt que la figuration de l'opprimé en tant qu'exclu du champ social, ce sont les représentations de l'écart, de la cohabitation, des misères de position, qui se trouvent au centre de la réflexion. L'ambition est ici de saisir et de questionner, dans l'écriture et la forme elles-mêmes, telle que celles-ci se déploient en philosophie, en littérature, en art et dans le champ des sciences humaines, la diction de l'inégalité et le répertoire des perceptions, émotions, sentiments, représentations, arguments et idéaux à travers lesquels elle se constitue comme injustice et comme violence.
Dans son ouvrage La libération animale, Peter Singer développe trois grandes idées: le principe d'égale considération des intérêts, le rejet du spécisme et la nécessité de mettre un terme à certains types d'exploitation des animaux, notamment ceux qui ont trait à la recherche et à l'élevage industriel. Cette œuvre phare a connu un retentissement immense, à tel point que sa publication, en 1975, a été présentée comme le moment clef dans l'émergence du mouvement éponyme. Cependant, le mouvement de libération animale ne saurait se réduire à la seule pensée singerienne. Ce mouvement extrêmement protéiforme a fait l'objet de débats intenses à l'interne, entre les défenseurs des animaux eux-mêmes qui privilégient des approches diverses, comme à l'externe, entre ceux qui défendent le statu quo ou contestent les arguments animalistes. L'objet de ce recueil est de revenir sur le lien entre le mouvement de libération animale et les théories de Peter Singer qui, à tort ou à raison, en est perçu comme le père fondateur. Comment l'éthique animale de l'auteur a-t-elle été accueillie depuis la publication de La libération animale, et comment a-t-elle évolué? Q uelle place la doctrine utilitariste occupe-t-elle dans le travail de Singer et dans les débats qu'il a engendrés? C'est en effet dans cette doctrine parente que résident les écueils auxquels s'est heurté le travail de l'auteur. C'est aussi là que son système a trouvé sa force et sa simplicité caractéristiques. C'est aussi, semble-t-il, ce qui fait la fécondité de ses idées.
Sociologie du parcours professionnel des officiers de l'armée de Terre à l'université
Les restructurations de l'armée de terre et les réformes de la formation militaire initiale font du parcours professionnel de l'officier un enjeu institutionnel et individuel essentiel. En dépit de la gamme des formations offertes dans l'armée de Terre, une infime partie du corps des officiers recherche un diplôme académique valorisant en dehors des voies militaires. Que sait-on du parcours professionnel de ces officiers diplômés de l'université ? Qui sont-ils ? Pourquoi certains d'entre eux choisissent de suivre une formation universitaire ? Quelles sont les logiques sociales, individuelles ou institutionnelles qui président à la bifurcation du parcours professionnel de ces officiers à l'université ? Cet ouvrage croise les stratégies personnelles des officiers avec les besoins en compétences de l'armée. Il fait ressortir l'interdépendance des différentes sphères de vie, professionnelle, familiale, personnelle couplées à des attentes de reconnaissance sociale, de mobilité, d'affirmation de soi et de distinction. L'étude examine les rapports de la société civile avec la société militaire et pose la question de l'individualisation du destin professionnel situé entre la liberté individuelle et les dynamiques de l'institution militaire.
Réalités et représentations à travers deux siècles d'études
Le concept de manipulation exprime la crainte que, par des techniques d'influence puissantes, des manipulateurs lointains et invisibles orientent nos pensées, désirs et actions, et ceci sans notre consentement et sans que nous en ayons conscience. Stéphane Laurens montre que ces craintes sont irrationnelles, car si des influences efficientes s'exercent sur nous, elles viennent avant tout de proches et servent à notre insertion sociale. Analysant les croyances sur lesquelles reposent ces craintes, revisitant des formes archaïques d'influence (possession, magnétisme...) et décryptant des expériences emblématiques (de Asch et de Milgram notamment), il montre que le dualisme manipulateur/manipulé est une illusion qui masque le déterminant fondamental du lien social: un système de significations partagées qui définit les entités en présence (exorciste-possédé; hypnotiseur-hypnotisé; autorité- soumis...), les rôles de chacun (ordonner-obéir, suggérer-réaliser...), les symboles (croix, blouse blanche...), les gestes pertinents (regard, ton...) et les effets. Est-on manipulé ? Oui, mais autant que le manipulateur l'est lui-même! Il doit croire en l'efficacité des techniques qu'il utilise et ces dernières doivent apparaître comme valides non seulement pour lui et celui qu'il manipule, mais aussi pour la société dans laquelle s'inscrit leur relation. Si Stéphane Laurens montre que les effets de l'influence ou de la manipulation sont ténus, il décèle un danger bien plus grand: croire en l'existence d'influences puissantes conduit à mettre en place des politiques liberticides (chasse aux sorcières, interdiction d'hypnotiser, délit de manipulation) afin de protéger les individus d'influences supposées néfastes. Plus largement, il montre que les concepts d'influence ou de manipulation n'ont aucune valeur explicative, mais conduisent à des interprétations fallacieuses des conduites sociales.
Parmi les figures criminelles récurrentes du fait divers contemporain, le tueur en série occupe une place singulière, de par la nature de sa violence et son caractère sériel. Il a pourtant été négligé par les recherches savantes, notamment par la sociologie, tandis que le public semble particulièrement sensible à sa représentation littéraire, télévisuelle et cinématographique. Au regard de la fascination qu'exerce le tueur en série, renforcée par des ouvrages prétendument scientifiques, il y avait un vide académique à combler. À partir de l'analyse de l'émergence de la catégorie de serial killer aux États-Unis et de son importation en France, ce livre vise notamment à mettre à jour les origines de la catégorie de tueur en série. Toutefois, au-delà de ce travail de défrichage inédit, l'intérêt du présent ouvrage réside dans l'analyse des conséquences de cette importation aussi bien du point de vue institutionnel que du point de vue de la manière dont nous repensons le savoir disponible. Il met ainsi à jour un mouvement d'autonomisation de la catégorie de tueur en série laissant à penser que serial killer et tueur en série sont aujourd'hui deux catégories distinctes, remettant par conséquent en cause l'hypothèse d'un genre particulier et universel d'individus.
L'image dominante de la pauvreté, c'est celle d'un pauvre des villes. Mais que sait-on de la pauvreté dans nos campagnes ? Cet ouvrage est le fruit de trois ans d'enquête de terrain dans le département du Puy-de-Dôme, au terme de laquelle une centaine d'histoires de vie ont été recueillies, et une centaine de portraits ont ainsi été brossés : des " vies de pauvres ". Retraités modestes, agriculteurs en difficulté, jeunes relégués, travailleurs pauvres ou éclopés de la vie, ils ont en commun de vivre avec peu, et de faire peu parler d'eux. Ils ont également en commun d'être quasiment tous originaires des classes populaires : on ne trouve pas ici d'individus des classes moyennes ayant vécu une chute sociale, une descente dans les enfers de la pauvreté. Ce que l'on découvre ici, c'est une société française qui cantonne les " petits" et organise leur reproduction sociale, sans bruit, dans des territoires périphériques relégués.
Discrédits, résistances et créativités dans les familles avec un partenaire arabe
Sujet fort politisé et médiatisé de nos jours, la " mixité conjugale ", celle de couples formés par des européens avec des non-européens, recèle les enjeux et les potentialités générés par les migrations. Elle confronte également nos sociétés à une redéfinition continue de la relation à l'altérité, qu'elle soit juridique, culturelle, religieuse, linguistique, sexuelle. Ce livre s'insère dans ce débat et y apporte une contribution innovante à partir des histoires des couples formés entre des citoyens européens (ici en l'occurrence français ou italiens) et des partenaires " arabes ". Des marqueurs d'identités, réels ou supposés, tels que la nationalité, l'origine ethnico-culturelle et l'affiliation religieuse, alimentent des représentations souvent négatives vis-à-vis de ces couples et de leurs enfants. Des contraintes multiples, occasionnées à la fois par des administrations et des entourages, n'affectent pas seulement le conjoint étranger mais aussi le conjoint européen. L'enquête montre que ses propres droits sont remis en question ; et, il/elle risque, en raison de son choix affectif, un déclassement social dans sa communauté. Toutefois, contrairement aux idées reçues, les difficultés que ces couples – et encore trop souvent leurs enfants – rencontrent peuvent générer des formes de résistance innovantes. En effet, la force de ces familles réside dans le processus de " migration conjointe " effectuée par les deux partenaires (le membre européen du couple ayant vécu quant à lui/elle une sorte de migration " subjective " appelée ici " migration de contact ") et dont les enfants bénéficieront dans leur construction identitaire vers l'âge adulte. Au-delà de l'histoire des couples mixtes et des familles rencontrés, des descriptions de leurs bonheurs et déboires, l'ouvrage innove en montrant que la migration n'est pas uniquement le résultat d'un déplacement géographique et de l'installation dans un nouvel espace sociétal : elle déclenche aussi chez le partenaire amoureux, à travers le partage intime des expériences et des vécus du partenaire migrant, un processus de changement identitaire subjectif.
Hervé Coulouarn propose une réflexion sur la France vue par l'étranger, vue par " l'Autre ", un large voyage dans le temps et dans l'espace. Dans le temps, parce qu'il faut parfois chercher très loin en arrière les images conservées par nos voisins ; dans l'espace, parce que de la distance dépend aussi l'intensité des griefs et des éloges à notre égard. Le parcours inclut la Grande-Bretagne, l'Italie, la Suède, l'Espagne, la Russie, les anciennes colonies françaises, l'Allemagne, les États-Unis et le monde musulman – un choix déterminé par la qualité des sources étrangères et par la série des événements historiques qui ont successivement marqué la relation de la France avec tel ou tel voisin. La collecte des témoignages n'est pas sans risque?: il est indispensable de chercher à distinguer les points de vue fondés, personnels, réfléchis et les remarques toujours répétées, héritées, stéréotypées. Les sources étrangères appartiennent bien souvent à la seconde catégorie. Le problème du cliché basculant dans le préjugé est clairement posé dès l'introduction. Mais c'est au fil des chapitres que le lecteur comprendra le jeu de miroirs, la grande importance de l'image que l'on veut avoir de soi-même vis-à-vis de l'Autre, pour déterminer sympathie ou antipathie. Les stéréotypes sur la France ne sont pas toujours les mêmes, puisque les observateurs étrangers ne représentent pas un groupe homogène. C'est pourquoi la dernière partie du livre est une réflexion sur les points de convergence et de divergence des différents témoignages, sur la difficulté – et le danger – de vouloir capter un esprit français identifiable pour l'éternité.
Les récentes recherches sur la place des femmes dans le monde académique font apparaître plusieurs constats. Le premier est l'érosion du nombre des femmes au fur et à mesure que l'on avance dans la hiérarchie des enseignements et des statuts ; il existe bien un " plafond de verre " qui affecte les carrières universitaires des femmes. Le second constat est le fonctionnement apparemment sexué des disciplines universitaires. Enfin, de nombreux stéréotypes de genre affecteraient encore les représentations du travail et de celles ou ceux qui le font, ce qui n'est pas sans incidence sur l'évaluation des dossiers, la perception de " l'excellence " et les carrières différenciées. Cet ouvrage rassemble des analyses historiques et des approches sociologiques comparatives à l'échelle internationale, qui actualisent les données chiffrées sexuées concernant la place des femmes dans les différentes disciplines académiques, mais aussi dans les différents corps des universités, y compris administratifs. Sur un versant plus prospectif, il identifie certains obstacles persistants aux carrières féminines, tout en prenant en compte les différents programmes mis en place en faveur de l'égalité pour évaluer leur efficacité. Le tout vise à aiguiser la réflexion sur de nouvelles actions à mener.
Soucieuses d'objectivité, les sciences exactes, expérimentales ou technologiques n'en sont pas moins imprégnées de stéréotypes sur les différences et hiérarchies entre hommes et femmes, masculin et féminin ou mâles et femelles. Trop souvent leurs généralisations découlent d'un point de vue spécifique masculin ignoré comme tel. Ce livre dévoile d'abord ce point de vue androcentrique à travers des revues de littératures faites sous l'éclairage du genre, dans trois grands domaines disciplinaires : biomédecine et santé ; écologie et environnement ; technologies et ingénierie. Viennent ensuite des études de cas qui nous font pénétrer au cœur même des protocoles de recherche. On y voit comment le sexe mâle ou le cas masculin sont utilisés comme référents neutres aux dépens, parfois jusqu'à l'oubli, de l'étude des réalités du cas femelle ou de la situation effective des femmes. La dernière partie de l'ouvrage donne un aperçu d'initiatives tendant à favoriser l'inclusion du genre dans la pratique des scientifiques ou dans l'action d'institutions utilisant les savoirs scientifiques et en prise sur la société, notamment sur le monde de l'entreprise. Ces expériences développées en France ou à l'étranger illustrent les difficultés rencontrées mais aussi les voies d'évolution possibles. En réunissant des spécialistes de disciplines variées, neuro-endocrinologues, biologistes, historiennes des sciences, ingénieures, médecins hospitaliers, spécialistes du développement, géographes ou sociologues, ce livre invite à réfléchir sur l'apport d'un concept issu des sciences humaines et sociales aux autres sciences.