Mutations du sensible dans la modernité : Flaubert, Baudelaire, Monet
La modernité du XIXe siècle est indissociable du mouvement et du changement. Les avancées scientifiques, les bouleversements techniques, les révolutions et les changements politiques impliquent de nouvelles relations sociales, politiques et culturelles entre le singulier et l'universel, une complexité dont la littérature de l'époque a su témoigner. Cet ouvrage offre un regard inédit sur la modernité esthétique du second XIXe siècle en faisant dialoguer pour la première fois l'œuvre de Flaubert avec celle de Baudelaire et celle de Monet. Ces auteurs, fondateurs de la modernité littéraire et artistique, proposent une autre manière de considérer le réel en soulignant les nuances et les variations qui, irriguant l'art de cette période, participent d'un art de la surface et de l'immédiat qui ne manque pas de profondeur.
La fin du XIXe siècle, marquée par une vie politique chaotique et rythmée par les scandales, voit fleurir des " fictions autoritaires ", qui entendent renouer avec un objectif éthique, tout en dépassant et en renouvelant le genre du roman à thèse: elles ambitionnent, par la fiction, de fonder les prémices de communautés nouvelles et de supplanter les visions déceptives du monde. Des écrivains engagés, souscrivant à des idéologies diverses (Zola, Barrès, Bourget) proposent des formes romanesques inédites et construisent des contremondes, instituant l'oeuvre littéraire comme rempart contre la dégradation morale, spirituelle et politique de la nation. Envisager à nouveau frais ces oeuvres permet de repréciser le paysage littéraire du temps, mais aussi d'interroger la fabrique des discours politiques (nationaliste, socialiste, humaniste) que le roman, laboratoire des expériences possibles, offre de reconfigurer et dont les échos, les images, les structures organisent, peut-être à notre insu, la pensée politique d'aujourd'hui.
Cet essai, centré sur la littérature du XIXe siècle, et tout particulièrement sur les romans, se propose de réintroduire la notion de valeur dans la critique littéraire en cherchant à concilier l'histoire des idées, l'analyse textuelle, l'étude des réécritures. Il tente de mettre en relief les composantes esthétiques, éthiques, philosophiques des écrits littéraires. Peut-on établir des critères pour déterminer ce que pourrait être un texte "nul"? Comment la littérature devient-elle "pensive"? Peut-on esquisser une histoire des représentations des valeurs en se centrant sur des thèmes transdiscursifs? Telles sont les questions auxquelles cet essai tente de répondre en considérant les valeurs éthiques, pensives comme un effet construit par les textes, mais aussi comme une reprise différenciée, interprétative, dialogique de discours préexistants.
Les auteurs de ce livre ont voulu dessiner au moins une esquisse de ce genre dans un espace européen qui, par sa variété, ne peut que susciter l'intérêt chez tout lecteur, même amateur. Ce faisant, les investigations concernant les thématiques selon lesquelles ce genre peut se déterminer (par exemple les notions de recueil, de structure, d'espace-temps) déjà présentes dans des publications antérieures, ont abouti à redimensionner ou redéfinir ces notions que d'autres ont abordées par le passé. Les approches croisées selon les aires linguistiques ont ainsi permis de donner corps à des spécificités dans la perspective commune du genre, comme la nouvelle "lyrique", la nouvelle "dramatique", le "narrat" (Volodine) ou le " racontar " (Riel), ainsi que bien d'autres aspects propres à un territoire et à une culture particuliers.
L'ouvrage est insolite… ou, au moins, inhabituel ! Non dans sa forme générale mais dans ses propositions. Les entrées sont classées par ordre alphabétique à partir d'un mot-thème ou du nom d'un auteur pour éveiller la curiosité ou satisfaire une recherche d'information.L'ouvrage est original dans sa conception et susceptible de ce fait de séduire aussi bien un public d'étudiants voire de chercheurs spécialistes, qu'un public assez large qui pourra entrer en contact de façon ludique avec des références clés de la francophonie littéraire.Ce sont en effet des auteurs, des œuvres, des personnages, des notions, qui constituent les repères culturels les plus connus et les plus fonctionnels des chercheurs en études francophones, qui sont exposés.L'Abécédaire insolite des francophonies a une ambition de dépoussiérage. Il (dé)montre l'étendue infinie des réalisations culturelles, artistiques et littéraires rarement recensées dans un ouvrage pratique, ludique et programmatif.
Théorie et pratique des littératures post-coloniales
Cet essai démontre en quoi les écrivains des anciens territoires de l'Empire colonial britannique ont dû, pour exprimer leur rapport au monde singulier et fortement marqué par la colonisation, forger des écritures originales dans la langue anglaise qui s'était imposée à eux.On n'écrit pas l'anglais en Inde, dans la Caraïbe, en Afrique subsaharienne, en Australie, etc. comme on l'écrit en Grande-Bretagne. On l'écrit même souvent de façon polémique ou en tout cas pour remettre en question les modèles esthétiques et politiques britanniques.Au-delà de cette ouverture sur un large éventail d'écrivains ouvertement frondeurs ou non, quelquefois déjà connus (Naipaul, Rushdie…), le plus souvent encore méconnus, l'ouvrage offre une remarquable synthèse qui circonscrit ce qui est partagé par toutes ces expériences culturelles d'une grande partie du monde actuel. Il théorise cela sous le concept de post-colonialité. Et ce concept lui-même, même s'il est aujourd'hui bien établi, ne cesse de se prêter à des polémiques.
Lectures, épreuves, extensions d'une poétique de la Relation
Une vingtaine de critiques, poéticiens, philosophes, linguistes de provenances diverses ont confronté leurs lectures de cette oeuvre multiple, innervée par une poétique de la Relation.Cette poétique s'est trouvée ainsi mise à l'épreuve des textes glissantiens eux-mêmes, dans tous leurs déploiements génériques (essais, recueils poétiques, romans, théâtre), mais aussi étendue dans certaines approches comparatistes jusqu'aux expressions complexes de la francophonie maghrébine ou proche-orientale.La coédition franco-tunisienne réalisée ici se veut prolongement des effets de résonance de ces échanges, de ces ponts entre Méditerranée et Atlantique créole.
Ce livre collectif, issu d'un colloque organisé par la Société d'Étude de la Littérature Française du 20e siècle, le premier sur ce sujet, fait le point sur une des interactions les plus fécondes entre sciences humaines et littérature en étudiant les relations (de complémentarité, de concurrence, d'échanges ou d'allers-retours) entre la sociologie et le champ littéraire. Il s'agit de voir en quoi certaines approches sociologiques du texte littéraire tiennent compte de sa spécificité esthétique et enrichissent sa compréhension, mais aussi en quoi la littérature se nourrit depuis un siècle des réflexions sociologiques (que l'on songe à Jean Paulhan, Paul Nizan, au Collègue de Sociologie, à Perec, ou, plus récemment, à Annie Ernaux, François Bon... parmi bien d'autres). Les domaines de convergence sont nombreux, notamment dans des travaux sur la mémoire, sur le récit, sur les modalités d'acquisition et de transmission des connaissances, qui empruntent aussi bien à la littérature qu'à l'anthropologie sociale. Le temps était venu de faire un bilan, ouvert sur l'avenir. Car ces questions recoupent des enjeux particulièrement sensibles au moment où nos universités restructurent leurs cursus : il y va en effet du statut de la littérature comme discipline à part entière, susceptible d'interroger le monde au même titre que les autres scienceshumaines, selon une épistémologie propre, irréductible aux autres.
Le parfum de scandale, suscité par la publication en 1954 de son premier roman, a longtemps cantonné le Marocain Driss Chraïbi à être l'auteur du seul Passé simple, masquant ainsi l'élan novateur qu'il a pu insuffler, au long de trois générations, à la littérature maghrébine d'expression française. L'œuvre de cet enfant terrible se révèle en effet protéiforme et polyphonique, lourde de tout un héritage dont les résonances s'enrichissent au fil des romans jusqu'à composer un véritable palimpseste. Entre surimpression et recréation, cette symphonie de voix compose une écriture originale qui, insolemment virulente ou rieuse, remodèle des matériaux de prédilection, des motifs obsessionnels, les portant parfois sur la scène radiophonique pour en explorer de nouvelles potentialités. À travers ce jeu réflexif et autoréflexif, ouvert sur une incessante recréation, une écriture de traverse s'élabore dans une profonde continuité. S'intéressant à l'ensemble des œuvres de l'écrivain et, pour la première fois, à leur adaptation radiophonique, le travail cherche à cerner, au-delà de la diversité des influences, les traits stylistiques récurrents qui cisèlent une voix personnelle.
L'œuvre du romancier algérien Rachid Boudjedra suscite les réactions les plus contrastées. Captatrice et dévoratrice, elle fascine ou irrite de façon aiguë. C'est qu'elle évolue dans des registres divers et souvent dérangeants, du réalisme cru, confinant fréquemment au scabreux, à l'outrance hallucinatoire et paroxystique. C'est surtout qu'elle repose sur un processus de constant ressassement, d'ostensibles réécritures, qui fait toujours apparaître sous un texte de surface un autre sous-jacent – issu aussi bien des traditions populaires et religieuses que des modernités littéraires – allant même jusqu'à l'autopastiche. Le propos du livre est de dépasser le jugement esthétique pour analyser le fonctionnement et les effets de sens de cette passion de l'intertexte. Faisant la part belle aux métaphores obsédantes, l'écriture boudjedrienne élabore un mythe personnel. Elle s'épanche sans cesse sur elle-même, réfléchit sur ses sources d'engendrement, sa littérarité. Cette écriture de soi par un sujet lucide, inscrit dans l'histoire qui le traverse, reflète aussi et interprète les contradictions dont la société algérienne est continuellement travaillée.
Écrivain majeur de notre temps, le Québécois Michel Tremblay élabore depuis plus de trente ans une œuvre dédaléenne à la fois protéiforme et unifiée, où se rejoignent, se confrontent et parfois s'affrontent inspirations et esthétiques plurielles. Populaire et savant, réaliste et onirique, inventif et répétitif, le texte tremblayen, né de sa propre négation, nourri de ses contradictions, captive par la magie de ses incessants paradoxes. C'est de cet enchantement, de cet "effet Tremblay" que l'ouvrage tente de rendre compte. Résolument synchronique, il transgresse les barrières des genres – romans, théâtre, autobiographie – pour présenter dans sa globalité et dans son intrinsèque unité, l'œuvre de "l'enfant multiple" dont il dévoile les masques, les leurres et la duplicité comme autant de sortilèges.