Organiser et contrôler le marché du travail, France, 1880-1918
Selon quelles modalités l'organisation du placement des chômeurs a-t-elle été construite, en France, de la crise économique des années 1880 à la Première Guerre mondiale, en terrain de mobilisation sociale et en objet de politique publique? Les différentes expressions de la concurrence entre intermédiaires d'embauche sont au cœur de cet ouvrage. Alors que la bataille du placement s'ouvre en 1886 à Paris avec la lutte frontale des salariés de l'alimentation contre les placeurs commerciaux, marchands de travail haïs, des alternatives gratuites sont inaugurées, bourses du travail et bureaux municipaux. La gratuité universelle du placement est certes proclamée par la grande loi du 14 mars 1904, au terme d'un processus législatif heurté, précipité par une campagne syndicale intense, mais un véritable service public de l'accès au travail peine encore à s'épanouir en ce tout début de XXe siècle. Sous l'impulsion du ministère du Travail, en collaboration avec les réseaux réformateurs et dans le cadre nouveau de la lutte contre le chômage, la synthèse républicaine agit pleinement de 1910 à la Première Guerre mondiale en donnant lieu à des offices de placement locaux organisés par professions et convertis au paritarisme. Au croisement de l'histoire du travail, de l'histoire de l'action publique et de celle des mouvements sociaux, cet ouvrage explore la genèse du marché du travail, envisagé comme réalité historiquement située, indissociable, au tournant du XXe siècle, de sa mise en ordre.
Déconfessionnalisation, autogestion, crise et résistance au " recentrage " (1944-1988)
Comment comprendre l'évolution de la confédération CFTC-CFDT de 1944 à 1988, période où elle est passée d'un syndicalisme chrétien réformiste à un syndicalisme qui reconnaît la lutte des classes pour transformer la société avant de revenir à un syndicalisme réformiste ? Ce retour au réformisme s'est fait au travers de deux " recentrages ". Quelle a été la nature de ces recentrages? Comment et pourquoi ont-ils été décidés par les organismes confédéraux et vécus et acceptés ou non par les organisations de la CFDT ? Quelle est au fond l'identité de la CFDT dans la période choisie ? Ce sont les principales questions auxquelles l'auteur tente d'apporter des réponses à travers l'étude de l'histoire de l'Union départementale de la CFTC-CFDT de la Loire. Ses directions successives, leurs lignes politiques plus ou moins proches des lignes confédérales, les hommes et les femmes qui en ont fait partie. Ses syndicats et leur implantation dans les différents milieux professionnels. Les projets et les conflits qui la traversent. Ses rapports avec les autres organisations syndicales et les partis politiques dans la Loire. Les luttes que ses organisations ont menées, le plus souvent dans le cadre d'une unité d'action avec la CGT. Le développement qu'elle a connu des années 1950 aux années 1970 avant de plonger dans une crise généralisée dans les années 1980. Pour mener à bien cette étude l'auteur a confronté les données des sources écrites aux témoignages de quatre-vingts militants.
On ne peut penser la Première Guerre mondiale en igorant ce qui fut une conséquence fondamentale de celle-ci: l'essor considérable du syndicalisme dans le monde, son rôle accru dans les rapports sociaux ou les décisions des états. Vient, dès la deuxième moitié de la guerre, le temps où le syndicalisme est une puissance incontournable, reflet aussi de la force symbolique de la classe ouvrière. Le syndicalisme sort grandi de la guerre. En ce sens il est un marqueur décisif de l'évolution des sociétés en guerre, mais aussi des perspectives de reconstruction à court et à long terme. Il est porteur d'une modernité dont les traces se retrouvent dans l'organisation internationale du travail, dans les programmes économiques et sociaux qui se développent dans tous les pays du monde (sous des modèles très différents certes) au XXe siècle. La question d'une actualité de cette démarche est au cœur des rapports sociaux et du nouveau développement économique des sociétés mondialisées. Ce livre fait apparaître que le syndicalisme de la Grande Guerre est un formidable laboratoire d'anticipation économique et sociale.
Pour lutter contre les inégalités entre les femmes et les hommes dans les postes de responsabilité, un décret de juillet 2011 contraint les grandes entreprises à nommer au moins 30% de femmes dans leurs conseils d'administration: ceux-ci n'en comptent alors que 7%. Quelques mois plus tard, la loi Sauvadet promeut le même objectif pour les cadres dirigeant.e.s de la fonction publique: on dénombre alors 10% de préfètes et ambassadeures ou encore 5% des procureures générales. Le moins que l'on puisse dire est que l'État ne donne pas l'exemple. Pas plus d'ailleurs que le ministère du Travail et des Affaires sociales: à l'inspection du Travail – chargée de faire appliquer les lois protégeant les salarié.e.s – on ne recense alors qu'une seule directrice régionale, soit 5% du corps, et aucune inspectrice générale. Mais comment en sommes-nous arrivé.e.s là ? L'histoire de la place des femmes à l'inspection du Travail permet de comprendre comment, sur le long terme, les professions ont été organisées en y distinguant des tâches masculines et des tâches féminines. Autrement dit, comment se sont articulées des hiérarchies genrées où, toujours, le masculin est supérieur au féminin, où, très longtemps, il a semblé impossible qu'une femme domine des hommes en les dirigeant. Les femmes actives reviennent de loin, tant il est vrai qu'une femme en plus, c'est bien un homme en moins.
Le temps du travailleur dans la pensée d'Owen, Fourier, Cabet et Proudhon
La définition de l'articulation entre le temps dévolu au travail et celui qui ne l'est pas est un enjeu majeur pour l'équilibre et la survie de toute communauté humaine. Depuis plusieurs années, notre société est confrontée à une nouvelle crise du capitalisme qui met à mal cet équilibre en générant un chômage de masse mais également une précarisation du travail et une remise en cause de certains acquis sociaux tels que la réforme des 35 heures ou l'âge de départ à la retraite. Pour répondre aux contradictions du mode de production capitaliste, une réorganisation des temps sociaux tend ainsi à se mettre en place en imposant ses critères de compétitivité et de flexibilité du travail. Si le socialisme, au cours de son histoire, s'est progressivement identifié à l'amélioration des conditions de travail et à la conquête d'un temps libre pour tous, il semble aujourd'hui remettre en question ce qui constitue l'un des traits essentiels de sa culture politique. En effet, le socialisme, dès ses origines et malgré la diversité de ses courants, a toujours été porteur d'une vision de la société au sein de laquelle chacun pourrait travailler au bien commun tout en jouissant par ailleurs d'un temps libéré par une organisation rationnelle de la production. Dans cet ouvrage, Pierre-Henri Lagedamon s'intéresse précisément aux premiers linéaments de la constitution de ce projet de société en interrogeant la pensée d'Owen, de Fourier, de Cabet et de Proudhon, quatre grands précurseurs du socialisme moderne. Confrontés aux conséquences de l'industrialisation, ces premiers socialistes ont proposé de nouvelles façons de concevoir l'articulation des différents temps sociaux afin de garantir à chacun l'épanouissement le plus complet possible. Au travers de leurs réflexions critiques, de leurs constructions théoriques, et même de leurs expérimentations pratiques, ces penseurs ont ainsi manifesté leur ambition de réinventer la vie.
L'apport des organisations patronales. Europe, XIXe-XXe siècles
Après Genèse des organisations patronales (2012), Les organisations patronales et la sphère publique (2013) et Coopérer, négocier, s'affronter (2014), ce quatrième et ultime ouvrage, issu d'un programme de recherche pluridisciplinaire et international sur les organisations patronales en Europe, examine la place de celles-ci dans la régulation des activités économiques et financières. On entend ici par régulation une combinaison institutionnelle liée aux structures financières, économiques, sociales et politiques en vigueur. Les objets étudiés, à différentes échelles – du local à l'européen –, dans différents secteurs, s'intéressent au rôle des organisations dans l'élaboration, la persistance ou la mise en question de ces systèmes, et dans la définition des différents types de règles hiérarchisées qui contribuent à la construction des marchés et encadrent la production et l'échange de biens et services. L'ouvrage aborde également la mesure de leur efficacité relative, que ce soit à l'égard de leurs adhérents ou des autres acteurs de la régulation.
La crise actuelle des " cadres seniors " n'est pas seulement le résultat d'un dysfonctionnement économique du marché du travail ou d'un processus excluant les cadres dès l'âge de 45 ans. Cette réalité est aussi l'œuvre d'un jeu concerté d'acteurs individuels et collectifs dont la visée, plus globale, a été (et est encore) de construire une défense corporative au même titre que les autres groupes professionnels. En effet, cette formule langagière, qui semble " naturellement " renvoyer à un âge biologique, est en fait le fruit d'une longue construction sociale. Elle a été employée en filigrane depuis l'entre-deux-guerres pour soutenir la catégorie socioprofessionnelle des cadres lors de campagnes syndicales où l'avancement en âge a servi de levier de propagande pour attirer l'attention du gouvernement et des pouvoirs publics qui ignoraient jusqu'alors l'existence de ce tiers parti. Et aujourd'hui, au terme de plusieurs cycles sémantiques (" camarades âgés ", " ingénieurs âgés ", " cadres âgés "), cette rhétorique professionnelle est devenue une arme de défense catégorielle parmi les plus puissantes.
Les organisations patronales et leurs relations avec les autres organisations collectives
Cet ouvrage présente les résultats de la troisième étape d'un programme de recherche international sur les organisations patronales en Europe aux xixe et XXe siècles. Les auteurs ont examiné ici les formes et la nature des rapports entretenus par les organisations patronales avec les autres organisations collectives, c'est-à-dire les syndicats de salariés, les partis politiques, les clubs de réflexion et les think tanks, les chambres de commerce et enfin entre les divers organismes patronaux eux-mêmes. La perspective, toujours interdisciplinaire et comparative à l'échelle européenne, s'inscrit dans un temps long courant du xixe siècle au début du xxie siècle et croise les échelles, du niveau local au niveau international, des organisations professionnelles aux confédérations.
Depuis sa création, la CFDT a fait l'objet d'un nombre important d'ouvrages retraçant l'intense activité de (re)définition identitaire qui l'a conduit du syndicalisme chrétien à l'autogestion puis au " syndicalisme de proposition ".Sur la période récente, les recherches publiées sur les militants cédétistes, mais également l'observation des différents congrès de la CFDT, révèlent de manière évidente l'adhésion d'une très grande majorité d'adhérents et de militants au syndicalisme réformiste porté par la confédération. Loin d'être mécanique, cette conversion s'est accompagnée d'un long travail conflictuel de construction et de légitimation.Au croisement de la sociologie, de l'histoire et de la science politique, cet ouvrage explore les conditions sociales, organisationnelles, politiques et juridiques qui ont contribué à cette fabrique institutionnelle originale. Les différentes contributions retracent ainsi le travail de la CFDT sur elle- même pour redéfinir ses frontières internes et externes, professionnaliser ses militants, rationaliser ses structures, et adopter un répertoire d'action privilégié. Parallèlement, les auteurs insistent sur les évolutions récentes de l'environnement légal et politique qui ont contribué à matérialiser ce " syndicalisme de proposition " en accordant une légitimité accrue à la négociation collective d'entreprise, créant ainsi les conditions d'une appropriation par les équipes de terrain d'un projet souvent décrit comme imposé " par le haut " de l'organisation.
La réduction de la durée du travail depuis un siècle et demi dans le monde occidental est patente. Mais elle recouvre une réalité-mosaïque fort difficile à circonscrire et qui ne préjuge en rien de l'avenir : l'exacerbation de la concurrence à l'échelle internationale et la mainmise de la finance sur l'économie réelle remettent aujourd'hui en cause ce qui semblait acquis. Économistes et sociologues ont multiplié les études à ce sujet. Rares sont cependant les historiens qui leur ont emboîté le pas. On s'accorde néanmoins à considérer que le temps passé au travail augmente dès la fin du Moyen Âge, puis s'amplifie considérablement au XVIIIe siècle pour culminer vers 1840. Ce mouvement qualifié de " révolution industrieuse " reposerait sur le désir des travailleurs d'accéder au monde de la consommation. D'inspiration libérale, cette proposition souffre toutefois de la rareté des études empiriques, exception faite pour l'Angleterre. Qu'il s'agisse de l'intensité de l'effort productif ou du temps passé au travail, les études de cas réunies ici multiplient donc les jeux d'échelles et les types d'activités. Elles mettent en évidence la non-linéarité des processus, la porosité des frontières culturelles et la diversité des motivations. Expression d'un rapport de force entre ceux qui vendent leur temps et ceux qui l'achètent, normes et pratiques liées au temps de travail sont révélatrices du fonctionnement complexe des sociétés.
Explorant les pratiques syndicales du droit en France aux XXe et XXIe siècles, ce livre s'intéresse à la manière dont les syndicalismes ont pensé et organisé leurs interventions sur le terrain de la justice et du droit, alors même que, producteurs de normes, ils contribuaient à les diffuser et à en contrôler le respect. De l'expérience fragile et contrastée acquise au début du XXe siècle aux ruptures introduites par le développement simultané des syndicats et de l'Etat social au cours des années 1930 à 1970, et avant la vague de fond néo-libérale des décennies suivantes, les usages syndicaux du droit n'ont cessé d'évoluer. Au fil des chapitres, sont mis en perspective historique l'articulation des multiples sources des normes – des prud'hommes au comité européen des droits sociaux –, l'inégale maîtrise de leurs ressources, l'émergence de services juridiques syndicaux, les liens noués avec les professionnels du droit, la juridicisation de l'action syndicale et la judiciarisation des relations professionnelles, la transcription législative d'accords collectifs… Fruit de rencontres originales, cet ouvrage confronte les approches et les analyses d'acteurs syndicaux et de chercheurs issus de plusieurs disciplines (historiens, sociologues, politologues et juristes) et participe ainsi au renouvellement de la réflexion sur les rapports entre le salariat, ses représentants et la République.
Cet ouvrage présente les résultats de la seconde étape du programme de recherche international sur les organisations patronales en Europe aux XIXe et XXe siècles. Il regroupe des chercheurs européens et nord américains de disciplines différentes qui, lors de leur première rencontre publiée dans cette même collection en 2012, s'étaient intéressés à la genèse et aux formes adoptées par ces organisations. Dans les textes rassemblés ici, les auteurs ont examiné les voies et les moyens d'action des organisations patronales dans la sphère publique. L'étude porte ainsi d'une part sur leurs pratiques à l'égard des principaux acteurs de l'espace public (parlementaires, journaux, institutions diverses), d'autre part sur leurs actions en tant qu'acteurs publics (ce qu'elles sont du fait de la loi, de leur représentativité, etc.), et sur les formes que prennent ces actions (campagnes d'opinion pour leur propre compte ou autres). L'exploration de nouvelles thématiques se poursuivra dans les années à venir : dans un premier temps sur les formes et la nature des rapports tissés avec les autres organisations, et enfin pour clore le programme, sur le rôle et les modalités d'intervention des structures patronales dans le domaine de la régulation économique.