Aborder le domaine des objets procure au sémioticien le sentiment d'approcher un territoire limite : une sensation semblable à celle que les explorateurs de jadis éprouvaient lors qu'ils s'apprêtaient à franchir les colonnes d'Hercule : ligne imaginaire au-delà de laquelle tout devient possible, mais surtout, traversée pendant laquelle les compétences acquises diminuent au fur et à mesure que le voyage avance. Dans l'espace des architectures urbaines, meublées par des décors, hantées par une multitude d'affiches, tableaux, aliments et packaging, nous voilà plongés dans ce qui — il n'y a pas longtemps — était le "référent". Allégé de son rôle de juge, débarrassé de toute responsabilité ontologique, le voici revenir dans sa légèreté d' "image", de "style de vie" ou de "design". Libre lui aussi de mentir, comme tout signe digne de ce nom, l'objet acquiert une nouvelle importance sémiotique du sens.
La voix est le compagnon inévitable. Toujours très près de l'essentiel : cri du nouveau-né, murmure de l'amoureux, hurlement du torturé… Ce que l'on perçoit et sent quand une voix nous atteint n'est pas une voix "libérée" du corps qui la profère, c'est le corps même fait voix. Et cependant, la voix est l'indécidable du corps. Elle naît de lui mais elle l'oublie, l'efface. Issue de son dedans, elle n'est pas pour autant son intériorité. Allant vers son dehors, elle n'est pas davantage son expression. Il n'y a pas une intimité du corps que la voix représenterait au dehors. Le corps se fait voixsans pour autant s'exprimer par la voix.