Appel à la nation hongroise contre l'occupation ottomane au XVIIe siècle
Dernier écrit de Miklós Zrínyi (1620-1664) adressé à la na-tion hongroise par celui qui fut en son temps son plus ardent défenseur, le Remède contre l'opium turc, autrement intitulé Antidote contre la paix du Turc avec le Hongrois, contient tout à la fois un appel au sursaut patriotique, un pamphlet de la noblesse hongroise et de sa jeunesse, veule et oublieuse de ses devoirs, et un projet d'armée nationale destinée à reprendre la guerre contre l'occupant, sans attendre le soutien illusoire des Habsbourg d'Autriche, trop enclins à conclure la paix avec l'Empire ottoman, ni des autres nations chrétiennes, indifférentes au sort de la Hongrie.Prenant librement modèle sur un discours latin d'Augier Ghislain de Busbecq écrit au siècle précédent, Zrínyi fait du recours aux armes le seul remède aux malheurs de la Hongrie. Sa pensée inspirera les combattants des guerres d'indépendance menées aux siècles suivants.Traduit pour la première fois en français, le Remède contre l'opium turc est un document historique sur la Hongrie royale du XVIIe siècle, où le poète de la Zrinyiade se révèle sous ses qualités de chef de guerre et d'homme politique.
Juin 1566 : Le sultan Soliman marche sur la Hongrie. Turcs, Tatars, Sarrasins, Tcherkesses, Mamelouks investissent Sziget, défendue par Zrínyi, le ban de Croatie, et sa faible garnison. Avec une vaillance et une foi inébranlables, ils résistent aux assauts, jusqu'à l'ultime sortie où ils courent à la mort et s'assurent la gloire.De ce fait historique, cent ans après, Zrínyi le poète, arrière-petit-fils du héros et guerrier lui-même, tire une épopée baroque où le réalisme des scènes vécues se mêle au merveilleux. L'enjeu de la guerre dépasse le sort de la forteresse de Sziget. Soliman devient le fléau de Dieu, irrité contre son peuple qui l'a renié. Incantations magiques, invocation des démons se succèdent dans le camp turc. La scène finale tourne à l'affrontement des armées célestes contre les furies des enfers et s'achève sur l'apothéose des héros morts en martyrs. Ailleurs, Zrínyi décrit la cruauté de la guerre, l'amitié virile issue des combats, s'apitoie sur la fin brutale des jeunes gens morts avant l'âge et trouve des accents bibliques pour dire la fragilité de la vie. Il montre les effets délétères des passions, la rivalité, l'orgueil, la désunion qui minent l'armée turque de l'intérieur. L'amour y a sa part, qui fait s'affronter les deux chefs d'armée pour la possession de Cumilla, la fille du sultan. La Zrinyiade s'achève sur un dernier exploit de la main du héros, qui fait une victoire du désastre de Sziget.Première traduction française de la grande épopée hongroise.
Étude pluridisciplinaire de la représentation culturelle : Identité et Altérité
Des frontières de l'interculturalité. Etude pluridisciplinaire de la représentation culturelle : Identité et Altérité est la publication différée des actes d'un colloque qui s'est tenu à Lille en 2003, organisé par Salhia Ben-Messahel - australianiste de formation qui a soutenu sa thèse sur l'écrivain Tim Winton sous la direction du professeur Xavier Pons à l'Université Toulouse-Le Mirail. Cet ouvrage s'inscrit dans la mouvance postcoloniale en se plaçant d'emblée sous l'autorité d'Edouard Glissant et en abordant des notions clefs comme l'hybridité, l'altérité, l'identité, la cartographie, la dyade centre/ périphérie, le liminal, la diversité culturelle, les races, le palimpseste, pour n'en citer que quelques-unes. L'ouvrage porte en épigraphe un propos de Glissant publié dans Le Monde diplomatique en octobre 2006, propos qui nous rappelle qu'une frontière n'est pas un obstacle infranchissable mais une zone de transition et de partage qui flirte avec l'altérité sans que l'identité s'en trouve profondément bouleversée car, comme le souligne Julia Kristeva dans Etrangers à nous-mêmes, " Vivre avec l'autre, avec l'étranger, nous confronte à la possibilité ou non d'être un autre " (Paris : Gallimard, folio essais, 1991, p.25).
L'effet magique de la nuit de la Saint-Jean!Vilhelm Moberg nous raconte cette fête traditionnelle en Scandinavie où l'on danse autour du mât, où l'on sacrifie à l'amour, à la mort et aux dieux, où l'angoisse de l'homme rejoint la mélodie primaire des éléments, où l'une trouve sa réponse et son apaisement dans l'autre. Il nous fait remonter à l'origine et au sens de la tradition. En ue série de quatre tableaux, très contrastés et pourtant d'une indéniable continuité, l'auteur évoque des moments espacés de la vie agreste en Suède, qui vont, à rebours, du XXe siècle jusqu'à ces temps anciens où durant la nuit la plus courte de l'année on immolait la plus belle, la fiancée du diable.Il les fait revivre à travers les monologues de quatre personnages au lyrisme maïf: Anders Eriksson, vieux musicien de campagne, marginal sympathique, qui joue pour la dernière fois à la fête, alors que la tradition devient déjà folklore et que s'est perdue la conscience de ses origines. Anders Eriks Son, jeune joueur de lyre qui revit en esprit et qui chante les semaines d'angoisse où la peste en 1711 lui a ravi les siens. Anders le joueur de flûte, personnage à la Villon, dont la duplicité du langage montre le refus du carcan social et religieux que le Moyen Âge finissant fait peser sur lui. Corne de bouc enfin, le beau joueur de corne, qui se rebelle contre le dieu auquel on sacrifie la jeune fille qu'il aime.Tous ils croient que la Source sacrée durant cette nuit puissante va leur rendre vigueur et santé -on l'a toujours cru et célébré- et tous ils viennent y mourir, en fait, rejoignant cette même nuit au fond de la Source la cohorte des Sédentaires, de tous ces musiciens de la famille qui y ont déjà leur demeure à jamais, une demeure où tous enfin sont égaux, où l'on ne pose plus de question, où l'on attend simplement la réponse.La simplicité limpide du récit ne rend le tragique de la destinée humaine que plus saisissante.La légende ici est vérité!
On connaissait Peter HANDKE pour son théâtre et par le biais du cinéma. On découvre maintenant ses récits, qui sont régulièrement traduits en français. L'ERRANCE en est l'élèment dramatique cohérent et durable, elle structure leur espace de composition et construit chacun des personnages. La fiction très proche de la biographie, déplace les lieux de l'Autriche en Amérique, puis d'Amérique en Europe, enfin intervient le RETOUR au PAYS NATAL, dans la logique d'une démarche psychologique complexe: besoin de stabilité et de reconnaissance par autrui d'un côté, revendication d'une liberté peronnelle et de mouvement de l'autre. Le RETOUR après l'ERRANCE, puis le nouveau départ, relancent l'écriture. Mais un contentieux essentiel demeure, maintes fois formulé, répété, et dont le libellé est celui-là même d'un solipsisme fondamental inexpugnable. L'imaginaire n'est cependant plus remis en cause. Ici, comme ailleurs, l'ERRANCE illustre bien cet éternel besoin de se connaître, qui par-delà les lieux et les époques, a toujours agité l'âme humaine.
La poésie de Desmond Egan ne refuse pas la terre nourricière. Aux" 'Midlands' de son enfance, à la petite ville d'Athlone ou il est né, aux paysages, aux saisons, aux habitants de l'Irlande, il consacre maints jolis poèmes. Il y a ici une géographie poétique, une histoire aussi, ou une préhistoire, celtique. Mais le besoin d'un espace plus vaste : la mer, le ciel, le monde, se fait bientôt sentir, le besoin que les mots couchés sur le papier s'étirent, s'élèvent, portés par l'amour des êtres, attirés par ceux qui souffrent, se battent avec la vie, contre la mort, pour la liberté et la paix. Terre et paix rassemble une série de morceaux résolument modernistes, qui tentent d'échapper à la pesanteur du verbe, d'exprimer l'ineffable, de former l'irréparable, de capter partout un rien d'éternité. Une poésie qui séduit ou dérange mais avec laquelle il faudra désormais compter. Terre et paix de Desmond Egan offre un important choix de poèmes, déjà publiés en anglais dans 8 volumes parus entre 1972 et 1986, ou encore inéits comme toute la série tirée de Séquence pour mon père. Terre et paix présente, en regard, l'original anglais et les traductions françaises.
Partant d'une étude comparée entre la première version et la version définitive de "La Décision", Fred Firschbach montre que prise de conscience et prise de parti sont, chez le jeune Brecht, indissolument liées à l'évolution de sa personnalité et de son oeuvre.Ayant travaillé au Berthold Brecht-Archiv, l'auteur a pu procéder à un véritable travail de décryptage; il a dépouillé des dossiers inaccessibles jusqu'à ce jour ("Dan Drew", par exemple). Il s'appuie, dans son argumentation sur les poèmes dont on a fait trop peu de cas jusqu'à présent. Il a aussi été sans doute un des derniers à être reçu par Elisabeth Hauptmann, chez qui il a pu étudier la première version de "Tambours dans la nuit" (un texte dactylographié qu'Elisabeth Hauptmann était la seule à posséder)Dans son étude, l'auteur tient le plus grand compte de l'influence qu'ont pu exercer sur le jeune Brecht des hommes aussi différents que Fritz Sternberg, Erwin Piscator, Karl Korsch.La rencontre avec le philosophe Karl Korsch, autour de jeunes des années 30, fut déterminante. En polémiquant à propos de la théorie léniniste du reflet avec celui qu'il appelait, non sans ironie, son "maître", Brecht découvre que les rapports de production d'une époque données ne sont ce qu'ils sont que liés aux formes de conscience dans lesquelles ils se reflètent et qu'ils ne pourraient pas subsister sans elles. L' "action intellectuelle" - par le moyen de l'art, de la poésie, de la philosophie, de la musique - n'est donc pas rendue superflue par la lutte sociale et politique. C'est à ce niveau que peut avoir lieu la transformation de la conscience. De là, le fondement de toute le dramaturgie brechtienne: l'oeuvre met en branle la pensée critique, la conscience transformée en créateur peut à son tour transformer la conscience du spectateur. Le théâtre peut ainsi être le lieu d'une prise de conscience et le drame devient lui-même un moment du processus dialectique. Transformer la conscience, c'est déjà transformer le monde.Dans son ouvrage, Fred Fischbach fixe le moment où Brecht à trouvé le terrain de sa praxis, qui est à la fois compréhension et action.