L'Asie est devenue, à l'aube du XXIe siècle, le premier continent protestant évangélique au monde en nombre de fidèles. Tout comme leurs voisins chinois ou coréens, les pays d'Asie du Sud-Est sont animés d'une ferveur évangélique sans précédent. La conversion, vécue et surtout racontée, symbolise ce renouveau en cours auprès de chaque couche de la société, bousculant des pratiques et des héritages religieux, sociaux, politiques et économiques. Le protestantisme évangélique contraint les États de la région à s'adapter à ce nouveau " marché du croire et du salut " par l'adoption de modes inédits de régulation du religieux, du politique et de l'ethnique. La double approche pluridisciplinaire et comparatiste adoptée dans cet ouvrage permet d'embrasser simultanément les stratégies missionnaires occidentales et intra-asiatiques, les modes de pénétration au niveau local, la réaction des religions d'État, le rôle joué par ces acteurs évangéliques dans des situations politiques nationales plus ou moins stables ou autoritaires, enfin les convictions et les logiques exprimées par les acteurs religieux eux-mêmes.
Comment expliquer le succès actuel du christianisme parmi les populations urbaines et éduquées de la République populaire de Chine ? " Occidentalisation ", " phénomène de mode ", " soif de religiosité "… aucune des raisons spontanément invoquées ne suffit à élucider ce mystère, d'autant que le christianisme reste marqué du sceau de l'étrangeté dans une Chine largement sécularisée.Pour y parvenir, il faut éclairer à la fois les facteurs historiques et culturels créant la possibilité du christianisme en Chine et les facteurs individuels transformant cette possibilité en devenirs concrets. Il s'agit donc de réaliser une véritable sociologie des conversions, en ne négligeant pas ce que celles-ci possèdent de proprement religieux.L'analyse des parcours, des discours et des pratiques de convertis chinois dans diverses Églises de Shanghai (et Bordeaux) exposés dans cet ouvrage montrera notamment que c'est d'abord la perception d'une continuité culturelle qui facilite l'entreprise d'une initiation religieuse. L'expérience vécue au cours de celle-ci permet ensuite l'acquisition des croyances qui font de l'individu un converti.En devenant croyants, les convertis achèvent un mouvement de subjectivation dans le cadre d'une organisation et d'une communauté religieuses. Ce faisant, ils réinventent leur tradition et façonnent ensuite les multiples visages de leurs " familles religieuses " (Églises-maisons indépendantes, " souterraines ", Églises protestantes officiellement reconnues, Église locale et Église mormone, pour les principales étudiées).Au-delà du phénomène analysé, cet ouvrage permet de nourrir les réflexions contemporaines relatives au regain de vitalité d'entreprises religieuses fondées sur des croyances non objectivables et réputées en rupture avec la tradition, à l'âge de l'objectivité, de l'individualisme et de la mondialisation.
La religion se réduit-elle en monde carcéral à l'islam et cet islam à la question de la radicalisation ? Cette recherche sociologique, basée sur deux ans d'enquête de terrain au sein des prisons françaises, englobe toutes les religions et se décentre du versant le plus exceptionnel ou spectaculaire du religieux pour embrasser ses manifestations ordinaires. Elle met au jour la façon dont l'administration gère les cultes. Elle donne des clés pour comprendre la façon dont les personnes détenues mobilisent – ou non – la religion et les rôles que peuvent tenir les aumôniers en la matière. Terrain privilégié pour saisir les mises en œuvre concrètes de la laïcité et la manière dont les institutions publiques font usage du religieux, la prison se révèle en même temps un lieu d'exception pour comprendre ce que la religion fait aux gens et ce qu'ils en font.
À l'horizon des discussions récentes sur la laïcité et la religion dans la sphère publique se joue le lien historique et profond que la France et le Québec nouent, par-delà leurs différences, avec un catholicisme romain majoritaire. C'est dans l'analyse de ce lien, autour de la problématique " catholicisme et culture ", et l'affinement nécessaire des théories de la sécularisation que réside l'apport du rassemblement des contributions qu'offre ce livre. Qu'en est-il de la prégnance, du rejet ou de l'oubli du catholicisme qui, au fil du temps, avaient pénétré toutes les couches de la vie collective ? Qu'en est-il de la liaison ou de la déliaison entre catholicisme et société sous les multiples angles culturels que sont notamment les rites, les pratiques religieuses, la conception de la nation, la famille et l'éducation des enfants, le patrimoine, la mémoire et la littérature ? Les études présentées ici captiveront et éclaireront tout lecteur, qu'il soit universitaire, professionnel, étudiant ou issu du grand public.
La Liturgie catholique est le premier ouvrage d'ensemble sur la pratique liturgique catholique après Vatican II, dans le contexte français. Il propose, dans un premier temps, un inventaire précis des différentes liturgies auxquelles les fidèles ont accès dans les églises paroissiales ou cathédrales. Il s'agit aussi bien des célébrations habituelles (messes du dimanche) que des célébrations des temps de la vie (obsèques, baptêmes, mariages), des liturgies annuelles (Pâques) que des liturgies exceptionnelles. L'approche qui est faite ainsi privilégie l'observation, dans le détail, des postures, des espaces, des scénarios liturgiques. Il peut alors se dégager une vue d'ensemble des réussites et des insuffisances (voire des échecs) de la réforme liturgique post Vatican II. Au fil de la seconde partie, l'auteur propose de comprendre la liturgie en tant que dispositif d'organisation des relations entre les individus et l'ensemble du groupe ecclésial. La liturgie produit de l'institutionalité, et organise le rapport aux croyances, non pas sur un mode dogmatique, mais plutôt avec une visée d'orthopraxie: faire, pourrait-on dire, c'est croire. Le clergé met en scène le dispositif liturgique. Il affiche ainsi la source de sa légitimité. Cependant, tant la rénovation de Dom Guéranger au XIXe siècle que la réforme de Vatican II ont fragilisé son positionnement dans la société française. Au cœur du système ainsi formé, la question de la " glorification ", à la fois processus de reconnaissance et fenêtre eschatologique, donne à la liturgie sa légitimité sociale.
Fruit d'une enquête sociologique conduite durant trois années en région parisienne, cet ouvrage rend compte des parcours actuels de jeunes adultes convertis à l'islam. Des hommes et surtout des femmes ayant fait le choix de la religion musulmane y témoignent de leurs motivations, de leurs aspirations et de leurs difficultés. Déconstruisant les regards extérieurs, l'ouvrage analyse de l'intérieur la quête affirmée de religiosité de ces nouveaux croyants. Sont abordées différentes questions telles que le port du voile, le mariage, la vie conjugale, la relation au travail, à la famille élargie et à l'école. Le rôle des femmes dans la transmission d'identités et de croyances religieuses minorisées y est particulièrement interrogé. S'intéressant à l'éducation des enfants de convertis, l'ouvrage nous informe plus largement sur les modèles éducatifs au sein de milieux musulmans pratiquants en France.
Le processus de sécularisation entamé depuis l'époque moderne a, selon des modalités d'une extrême variété, transformé le rapport au religieux, comme les frontières du religieux. Flexibilité, malléabilité, perméabilité : loin de rompre, dénouer ou clarifier les rapports entre religieux et politique, la sécularisation ne tendrait-elle pas à les complexifier, voire à les resserrer ? N'aurait-elle pas pour effet de brouiller les frontières entre les deux sphères ? Ce volume collectif prend à rebours les approches centrées sur le déplacement du politique au religieux (le politique allant chercher le religieux): en se penchant sur le mouvement qui va du religieux au politique, et donc sur l'immixtion du politique dans le religieux, les auteurs rendent compte à la fois de l'autonomie des deux sphères et de leur imbrication. Cet ouvrage porte sur quatre pays de l'espace anglophone, historiquement marqués par le protestantisme: les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, la République d'Irlande et le Royaume-Uni. Loin de vouloir essentialiser le monde anglophone comme un contre-modèle de la " laïcité à la française ", cet ouvrage s'appuie sur la diversité des modèles institutionnels et culturels pour élargir la compréhension des dynamiques politico-religieuses qui prennent forme dans notre âge séculier. Les auteurs montrent que le religieux participe à sa propre sécularisation en se désacralisant et que si le politique sécularisé peut se passer du religieux, le religieux, lui, ne semble pouvoir renoncer au politique.
Le dialogue culturel méditerranéen connaît aujourd'hui une période difficile. La dimension religieuse offre cependant un canal intéressant pour les relations méditerranéennes. Ce travail a été rédigé sur le terrain correspondant au champ d'action de l'Institut catholique de la Méditerranée (ICM) : Marseille et la Méditerranée francophone. En faisant appel à diverses sources de documentation, notamment le fonds réuni par le Service des relations avec l'Islam (SRI) de la Conférence des évêques de France, et en s'appuyant sur une série d'entretiens, cet ouvrage propose un panorama historique des acteurs, des enjeux et des limites du dialogue entre chrétiens et musulmans en Méditerranée dans la deuxième partie du xxe siècle. Des retours sur l'histoire et les acteurs marseillais illustrent ces évolutions. Après les premières transformations du regard de quelques catholiques envers l'islam amorcées dès l'entre-deux-guerres, puis les développements de nouvelles relations entre chrétiens et musulmans en métropole et outre-Méditerranée, le dialogue islamo-chrétien s'affirme sur le devant de la scène méditerranéenne. Dans les années 1960, le concile Vatican II marque un temps fort dans ce processus. Rattrapé par ses propres ambiguïtés et soumis aux forces de la géopolitique méditerranéenne, le dialogue islamo-chrétien entre cependant, à la fin des années 1970, dans une période plus chaotique rythmée aussi bien par des actes symboliques en faveur de la paix que par des crispations identitaires.
Au cours de ces dernières décennies, les questions de laïcité, d'immigration, d'islam et de sectes reviennent de manière récurrente dans le débat public. Polémiques concernant le port de foulards, contestations de pièces de théâtre ou d'œuvres d'art contemporain, controverses sur la dangerosité de groupes religieux ou sectaires, réactions à des caricatures, oppositions à la construction de lieux de culte, demandes de régimes alimentaires spécifiques en collectivité ou encore actes et propos racistes, antisémites ou anti-musulmans, ces nouveaux conflits, porteurs de dimensions culturelles, ethniques ou religieuses, traversent la société française. En comparaison à d'autres antagonismes sociaux (grèves, manifestations), ils sont perçus comme menaçant davantage la cohésion sociale. Cet ouvrage propose une lecture inédite et analytique de ces antagonismes en s'appuyant sur une série d'enquêtes dans des lieux aussi variés que des prisons, des collèges, des mosquées, des églises pentecôtistes ou des cimetières, sur des pratiques aussi diverses que l'alimentation halal, le judéo-bouddhisme, les arts martiaux ou la vente directe. Les observations sont menées à des échelles variées: des relations intergénérationnelles à l'État, en passant par la commune, les services publics ou les communautés religieuses. Quelques contrepoints décalent la perspective en sortant de l'hexagone. Le regard sociologique éclaire les modes de régulation et de négociation et révèle l'existence de nombreuses possibilités de compromis et d'ajustement.
" Une jupe, ce n'est qu'un bout de tissu " affirmait l'actrice française Isabelle Adjani alors qu'elle recevait en 2010 un prix pour sa prestation dans le film " La journée de la jupe " de Jean-Paul Lilienfeld. Un simple bout de tissu mais, poursuivait-elle, " qu'elle soit courte ou qu'elle soit longue, son symbole peut nous aider à gagner une bataille contre l'obscurantisme et contre la haine des femmes (…) Cette jupe, c'est justement l'anti-niqab. Cette jupe, c'est justement l'anti-burqa ". Ce qu'Isabelle Adjani qualifie de simple bout de tissu se trouve investi d'une symbolique qui dépasse largement la banalité de ce vêtement ordinaire du quotidien. La jupe devient un symbole. Elle devient un rempart. Elle incarne les valeurs d'une société et se trouve opposée à cet autre bout de tissu, un bout de tissu extraordinaire cette fois: le " niqab ", la " burqa ", ou plus généralement le voile intégral. Le voile intégral est en effet porteur d'un contenu symbolique qui heurte certains principes moraux des sociétés occidentales. Longtemps associé au régime des talibans en Afghanistan ou à des pratiques radicales de l'islam en vigueur au Moyen-Orient, il représente une condition d'infériorisation insoutenable de la femme. C'est un bout de tissu à double épaisseur – culturelle et religieuse – qui suscite l'émoi et interroge la capacité des démocraties libérales à trouver des solutions juridiques et politiques légitimes et efficaces face à l'expression de convictions en porte-à faux avec les valeurs de la majorité. Quelle place accorder aux droits fondamentaux face à la radicalisation de certaines pratiques religieuses? Le port du voile intégral nécessite-il des législations d'exceptions? Comment concilier la spécificité d'une identité culturelle partagée par tous avec la diversité des authenticités qui se rencontrent dans la sphère publique? Voilà autant de questions auxquelles cet ouvrage nous propose de réfléchir.
Cette recherche explore la constellation des catholiques conservateurs aux Etats-Unis qui a pris, depuis les années 1950, une place croissante au sein de la vie politique américaine, au point d'exercer aujourd'hui un fort leadership sur sa droite. Le visage actuel du conservatisme américain s'explique mal sans cet apport intellectuel et militant se revendiquant comme catholique. Le phénomène, imprévisible et paradoxal, commence à peine à être mesuré et étudié et il oblige à réévaluer les racines traditionnellement données aux différentes familles du néo-conservatisme ou de la droite religieuse. En reprenant étape par étapes les grands moments de la pensée et de la militance catho-conservatrice dans la droite américaine, ce texte fait découvrir un continent intellectuel et un réseau resté très vivace, aujourd'hui tenté par une expansion idéologique vers l'Europe. L'auteure inscrit l'histoire de la pensée politique catholique dans l'histoire du conservatisme américain qu'elle analyse, en la mettant en phase avec les évolutions de la société américaine, de manière extrêmement précise et circonstanciée. Il s'agit d'une autre vision de de la droite aux Etats-Unis, présentée de manière novatrice, sur le fondement d'informations proprement inédites.
Ces trente dernières années, l'Église catholique a multiplié sur des scènes nationales et internationales des demandes de pardon dont la publication s'est accélérée à l'approche de l'an 2000. Parmi elles, on relève les nombreuses déclarations de Jean-Paul II qui se lance, dès le début de son pontificat, dans une véritable croisade de la repentance, ainsi que celles d'évêques clarifiant, sur tous les continents, le rôle de l'institution ecclésiale dans les événements dramatiques de ces vingt derniers siècles. Guerres, dictatures, génocides, injustices, pédocriminalité... la liste des maux passés au crible de l'Évangile paraît interminable. L'étude de ces mea culpa est l'objet de ce livre. Elle est passionnante. Elle révèle une Église à l'écoute de ses fléchissements et de ses incohérences (un divorce entre sa manière de vivre et la foi qu'elle professe), faisant appel aux historiens pour relire les événements et se dotant d'un référentiel inédit de l'auto-dénonciation. En effet, les discours de la repentance catholique se situent au confluent d'une théologie du péché, structurée sur le fondement du péché personnel et sur celui du péché collectif (ou " structures de péché "), d'une théologie de l'Église qui établit une relation communionnelle entre l'Église d'aujourd'hui et l'Église d'hier et, enfin, d'une théologie du sujet, sensible aux droits de la personne. À l'aube du XXIe siècle, on entend l'Église catholique prêcher la réconciliation sur tous les lieux de souffrance de l'humanité. Qui a cru qu'elle avait dit son dernier mot ?