À la fin du XVIIIe siècle, le sucre autrefois considéré comme un produit de luxe devient un aliment nécessaire pour une partie des classes populaires. Le fil conducteur de cet ouvrage consiste à comprendre comment le sucre s'est diffusé dans l'alimentation des Français au XVIIIe siècle, selon quels vecteurs, quelle chronologie et quelles sont les transformations économiques, sociales et culturelles induites par la consommation croissante du nouvel aliment. L'étude porte sur la vallée de la Loire, de Nantes, un des premiers ports coloniaux du royaume, à Orléans, premier centre de raffinage. Ce livre éclaire la croissance du trafic ligérien, l'essor des détaillants (limonadiers, épiciers, confiseurs) et surtout la naissance d'une industrie, les raffineries de sucre, qui comptent parmi les premières manufactures agroalimentaires. L'originalité de cet ouvrage est d'envisager la distribution du sucre de manière totale, de l'échelle européenne à l'échelle locale, du port à la boutique et à la table des Français, à la croisée de l'histoire économique, politique, culturelle et sociale.
Émissions de télévision, livres, numéros spéciaux de magazines, presse spécialisée, sites internet... depuis le début des années 2000, la cuisine semble être devenue omniprésente dans les médias. En montrant aux consommateurs les " bonnes " manières de cuisiner, les " bons " produits à acheter, les " bons " restaurants à fréquenter, les médias gastronomiques se présentent comme un dispositif d'orientation à la fois marchande et culturelle. Pourtant, peu de choses sont connues quant à la manière dont ils sont fabriqués. À partir d'une enquête inédite faite d'entretiens, d'observations, d'étude d'archives et de données quantitatives, cet ouvrage s'attache à rendre compte de la production de l'information gastronomique par les journalistes. Il retrace l'histoire du journalisme gastronomique depuis sa naissance au XIXe siècle jusqu'à aujourd'hui. Il s'attache à analyser le marché contemporain de la presse gastronomique et ses transformations liées notamment à l'émergence du discours concurrent des blogueurs culinaires. Les carrières, compétences et manières de travailler des journalistes gastronomiques permettent quant à elles de rendre compte des types de contenus médiatiques produits et l'analyse du parcours de journalistes renommés autorise à saisir les modes de différenciation professionnelle dans le domaine du journalisme gastronomique. Plonger dans les cuisines du journalisme gastronomiques offre ainsi un nouvel éclairage sur la construction des dispositifs d'intermédiation marchande et culturelle.
Small is beautiful! Le petit est à la mode dans le monde vitivinicole : petites exploitations, petites appellations, cépages modestes, circuits courts. Le petit accompagne les préoccupations actuelles autour de la recherche du bien-être et du respect de l'équilibre environnemental. Cette quête de l'authentique et du sain, que partagent de plus en plus consommateurs et producteurs, fait émerger des niches favorables aux " petits vins " et aux " petits vignobles ". Les critères traditionnels de hiérarchie des crus et des vignobles s'en trouvent reconsidérés, de même que la définition classique de la qualité des vins. Pourquoi les " grands " vins seraient-ils forcément bons quand des " petits " vins ne seraient au mieux que des curiosités intéressantes ? Par l'intermédiaire des sciences sociales, ce livre vise à réévaluer la perception, la place et les mutations des petits vignobles. Ainsi, il interroge en premier lieu le sens de " petit " dans le monde vitivinicole français, au travers de l'examen des vignobles de Madiran, de Buzet, de Bordeaux, du Rouergue, de Cahors, de Bourgogne et de Touraine. En analysant les spécificités de ces territoires de l'époque médiévale à nos jours, les auteurs mettent en lumière l'organisation du marché, les logiques spatiales et la diversité des pratiques viticoles en France. Dès lors, en décentrant le regard, les petits vignobles assurent une relecture de la viticulture nationale.
Naguère parée de toutes les vertus, la viande est aujourd'hui l'objet d'une " stigmatisation diffuse ". Une série de scandales retentissants alarme les populations, soulevant des vagues d'inquiétudes, de résistances et de stigmatisations. Sont placées au coeur du débat les normes de la production carnée (alimentation, médication et stabulation des troupeaux, impact environnemental, éthique des abattages…), les modes de transformation (viandes falsifiées…), ou encore les pratiques de consommation (prescriptions religieuses, modes de cuisson potentiellement cancérigènes...). Pour comprendre le présent et explorer le futur, il faut recourir à l'Histoire qui éclaire, au travers des sociétés passées, des phénomènes économiques, techniques, sociaux ou culturels aussi fondamentaux que l'acquisition et la découpe des aliments, la constitution de la profession de boucher, les représentations symboliques, les normes sanitaires et les prescriptions religieuses entourant la chair des animaux. Ce livre invite au voyage dans les cultures carnivores, depuis les sociétés anciennes où la viande pouvait nourrir les dieux autant que les hommes, jusqu'à un monde de contradiction, où la " bidochemania " côtoie le véganisme, et où l'on recherche des viandes issues de l'agriculture biologique, produites dans des terroirs de qualité, tout en imaginant une alimentation de demain totalement déconnectée de l'animalité.
L'exaltation des richesses gastronomiques des terroirs précède la venue des touristes. Mais la solution de continuité entre alimentation quotidienne (ou populaire) des espaces investis et gastronomies touristiques n'est pas linéaire, pas plus qu'elle n'est figée dans le temps. Les goûts changent autant que les lieux gourmands ou leurs vecteurs. Étrangers aux pays (fonctionnaires notamment), voyageurs, villégiateurs, touristes enfin, n'ont ni les mêmes saisonnalités, ni les mêmes besoins ou aspirations: les uns cultivent un art consommé de l'économie — ou de l'identique —, les autres s'adonnent aux plaisirs recherchés de la table. Les guides enregistrent ces besoins de bonnes (et parfois moins bonnes) surprises. Mais si butinage et cabotage alimentaires prennent une place croissante dans l'invitation au voyage, le " terroir gourmand " peut-il, à lui seul, faire tourisme? Outre que la nationalisation des cuisines régionales est plus ou moins constante, l'artisanat gustatif est souvent devenu vitrine d'industries alimentaires. S'il existe donc bien une carte des saveurs — décor préalable au ravissement des papilles qui contribue à la construction des envies d'ailleurs —, la question est alors de savoir ce qu'il reste d'authentique dans une alimentation " des vacances ", traversée de métissages et de bricolages. Au carrefour du local et du global, les frontières culturelles et culinaires ont-elles en définitive vocation à prévenir les situations de conflit au sein des identités régionales?
Gosier, ventre, lèvre, joues, palais... quelles parties du corps révèlent legourmand dans la culture européenne ? Notre société lipophobe nous pousserasans doute à souligner l'embonpoint du personnage qui contrevient aux règlesde la diététique. Mais l'on pourra aussi scruter ses manières de table et sagestuelle. Selon que la gourmandise est pensée comme le goût de la bonnechère ou comme le péché de goinfrerie, on valorisera ou dénigrera la corpulenceet les attitudes du gourmand. Le gourmet sait choisir les plats, maîtrisetout un art de vivre, tandis quele goinfre se comble la panse en cachette ou sanstenir compte des règles de civilité. On voit par là que le corps du gourmand seconstruit dans un subtil jeu de relations sociales.De l'Antiquité gréco-latine à nos jours, ce livre décline ces questions dansle temps pour en saisir toutes les évolutions et les différents enjeux politiques,religieux, médicaux ou moraux. Ecrites par des littéraires, des historiens et deshistoriens de l'art, les quinze études rassemblées analysent et interprètent lesincarnations de la gourmandise en s'appuyant sur une histoire de l'alimentationet une histoire du corps en plein essor dans l'historiographie actuelle.
Dans un contexte de vigilance accrue, l'articulation entre alimentation et santé devient centrale. Il ne s'agit pas seulement d'une médicalisation de notre alimentation. L'étude circonstanciée et approfondie des pratiques et des discours de mangeurs qui revendiquent cette évolution, met en évidence les raisons de cette réflexivité et montre comment chaque incorporation se transforme en " incorporaction ". Fondées sur une éthique de responsabilité, les morales alimentaires conduisent à des écologies de soi, qui englobent tous les domaines de la vie et renforcent l'impression d'une maîtrise et d'un contrôle sur l'avenir. L'ouvrage questionne ainsi l'ensemble des dimensions du manger: la connaissance relative à la production des aliments, l'approvisionnement, la préparation des mets, la volonté de mettre en relation les propriétés caloriques et nutritionnelles de ces derniers avec l'exercice du corps et le spor t; les excretas et leurs conséquences. En somme, s'alimenter sainement n'est pas qu'une occasion de répondre à des exigences sanitaires et alimentaires propres à la construction d'un corps sain, c'est aussi une manière de penser le monde et de le pratiquer. Le devenir sain est exercice critique face aux conséquences d'une société réflexive, où l'incertitude devient le maître mot du rapport à la connaissance et aux institutions. Il exprime les exigences d'une société orthorexique et cherche à les transcender.
Si les produits de terroir intéressent de plus en plus les sciences humaines et sociales, le rôle central de la ville dans leur valorisation reste encore peu exploré et le mythe de leur origine au sein de campagnes isolées continue encore souvent de prévaloir dans l'imaginaire collectif. Historiens, géographes, anthropologues, sociologues, spécialistes du cinéma ou des musées, proposent ici un regard nouveau sur ces produits de terroir saisis à travers le prisme de la ville et de ses acteurs. Les villes, de la capitale à la métropole provinciale en passant par les petites villes, participent à l'émergence des produits associés au terroir. Elles stimulent ou orientent leur production, elles leur offrent un débouché décisif ou contribuent à leur transformation et leur promotion. Pouvoirs urbains, organisations professionnelles, événement festifs, restaurants, commerces et métiers de bouche, foires et marchés constituent autant de moments, de lieux et d'acteurs essentiels dans l'émergence, la trajectoire et la renommée de ces produits. Du Moyen Âge à nos jours, les quinze contributions rassemblées dans cet ouvrage interrogent dans une perspective diachronique, internationale et pluridisciplinaire le lien étroit qui unit villes, produits et terroirs. De la cerise de Montmorency au gâteau basque en passant par le vin et les spécialités suisses ou italiennes, ce livre développe des regards croisés sur les mécanismes et les enjeux de cette relation complexe et multiforme.
Quels liens subtils rapprochent le personnel du cycle romanesque de Solal, la voix lyrique des monologues intérieurs de Belle du Seigneur, les instances narratives des essais et le discours épidictique dédié à Winston Churchill? Question a priori complexe. Foisonnante, parfois débordante dans sa polyphonie, l'œuvre de Cohen s'organise pourtant autour d'une ligne de force qui n'est pas immédiatement perceptible, celle de la table. Constituant un réseau de signes qui affleurent dans les textes, le champ de la nourriture se transforme en un langage porteur d'obsessions récurrentes. Poids des origines, héritage des traditions, comédie de l'amour, questionnements métaphysiques, tous les domaines s'évaluent à l'aune du comestible. Manger, c'est donner un sens à son existence. Mordre dans un chocolat, c'est goûter le présent et ses gourmandises, mais aussi renouer avec un passé inquiétant. De cet univers ambigu émerge cependant Mangeclous, le " vainqueur éternel ". Conviant les Valeureux à partager maints festins plus ou moins transgressifs, le personnage excède les contours de la figure burlesque pour sublimer le prosaïque. C'est par son regard que surgit la vision d'un monde dont la quête est celle d'une sagesse à hauteur d'homme. Refusant les codes d'une bourgeoisie vaudevillesque, Mangeclous élève l'appétit au rang de vertu, prône avec ironie les mérites du mensonge et érige le plaisir de manger en règle de vie. Nouvel avatar des géants rabelaisiens, ce prophète comique ne s'épanouit que dans le paradoxe et l'amour des nourritures.
La cuisine d'Istanbul au XIXe siècle, c'est la richesse et le raffinement de la cuisine ottomane. Qu'il s'agisse de la cuisine du Palais ou celle des habitants de la ville, musulmans, chrétiens, juifs, elle est l'héritière des cultures culinaires nomades turques, arabes, seldjoukides, byzantines. Sur la base de l'examen des livres de cuisines et des comptes du Palais ottoman au XIXe siècle, l'auteur analyse les manières de table, l'organisation des espaces de préparation culinaire, les ustensiles, la hiérarchie des cuisiniers, les plats, les repas, les techniques culinaires... La cuisine d'Istanbul au XIXe siècle s'inscrit clairement dans la continuité de la culture culinaire ottomane des siècles précédents. Toutefois des distinctions culturelles émergent, consécutives aux changements politiques, sociaux et économiques de l'Empire ottoman à partir des années 1830. L'adoption des manières de table de style occidental, l'adaptation partielle de certaines techniques culinaires françaises, la diffusion de nouveaux ingrédients (surtout des végétaux d'origine américaine) et l'apparition des nouveaux moyens de sociabilité autour du repas provoquent des transformations discernables dans la culture culinaire d'Istanbul au XIXe siècle.
Le sacre du roquefort est l'histoire d'un produit emblématique et d'une aventure entrepreneuriale hors du commun au XIXe siècle. Ce fromage, fabriqué dans le sud du département de l'Aveyron et affiné dans les caves du village dont il porte le nom depuis le XVIIe siècle est à certains égards une énigme. De Tokyo à Millau, il ne laisse personne indifférent et symbolise un certain art de vivre alimentaire, opposé aux dégâts de la " mal bouffe ". Adoré ou décrié, il s'identifie à la France. Certes, il n'est pas seul dans ce cas: le camembert, comme nombre de fromages, le vin, avec le champagne en particulier, sont fréquemment associés au pays de la gastronomie. Cependant, si le succès d'un fromage se mesure à l'aune de sa réputation, force est de constater que le roquefort a parfaitement réussi. Il le doit pour une grande part à Roquefort Société. Comment cette entreprise, née au xixe siècle, a-t-elle réussi à imposer dans l'imaginaire collectif un fromage moisi, veiné de ridules bleu-vert, à l'odeur et au goût très marqués et ce, sur presque tous les continents, alors que le roquefort est toujours affiné dans le sud du département de l'Aveyron? Une telle interrogation est à l'origine de ce livre, qui s'ouvre avec les premiers succès du fromage à la fin du xviiie siècle et s'achève en 1925 avec l'AOC.
Alimentation végétale et agriculture au Néolithique
Depuis une douzaine d'années, plusieurs fouilles archéologiques dans les Alpes françaises du Nord ont révélé la présence de macrorestes végétaux, dont de nombreuses graines carbonisées de plantes sauvages et cultivées. Cet ouvrage présente l'étude des vestiges botaniques (ou carpologie) de quatre sites alpins. Il s'agit en Isère, de l'abri-sous-roche de la Grande-Rivoire dans le Vercors et de l'abri-sous-bloc ALP 1 dans la Chartreuse; en Savoie, du site de plein air du Chenet des Pierres en Tarentaise et de la grotte des Balmes en Haute-Maurienne. Ce livre a pour but de montrer comment les communautés humaines, il y a plus de 6000 ans, tiraient profit de leurs ressources végétales, cultivées ou sauvages, pour subvenir à leurs besoins. Dans cette région aux biotopes variés et étagés, les céréales constituent la base de l'alimentation humaine, et sont probablement cultivées en altitude. La cueillette est pratiquée sur un large territoire, couvrant plusieurs étages de végétation. L'analyse carpologique de niveaux de bergerie nous permet de comprendre la façon dont les Hommes géraient les ressources végétales pour l'entretien du bétail. Plusieurs taxons, comme les céréales, le sapin, le gui et l'if sont reconnus pour leur usage vétérinaire et sanitaire. Enfin les données carpologiques contribuent à la compréhension de la fonction et de l'occupation des sites au sein du territoire alpin, ceci en fonction de la production et/ou de la consommation de plantes cultivées, d'un apport de la plaine ou encore de l'importance de la cueillette.