Perturbations et récupérations des fonctions cognitives
Si, à l'origine, les maladies du corps et de l'esprit possédaient chacune leur autonomie, si elles connurent ensuite au 19e siècle un rapprochement conduisant à la neuropsychiatrie, la déflagration de mai 1968 contribua à les isoler de nouveau. L'émergence des sciences cognitives, et d'un esprit radicalement interdisciplinaire, a fait éclater ces replis dogmatiques.C'est bien là l'esprit des neurosciences cognitives, où l'émotion et la cognition constituent deux phénomènes tellement rapprochés et intriqués que leur séparation, si elle peut garder un intérêt au niveau de l'enseignement de la pratique, n'a plus de sens au niveau de l'identification des mécanismes physiopathologiques. Leurs moyens d'investigation sont les mêmes, qu'il s'agisse de l'imagerie cérébrale, de la génétique cognitive, de la modélisation, voire de la cognition sociale. On verra dans cet ouvrage une illustration répétée de l'intrication de ces deux disciplines lorsqu'il s'agit de s'intéresser aux dysfonctinnements qu'elles étudient l'une et l'autre. C'est bien ici le mérite du programme Cognitique d'avoir su fédérer des communautés à l'origine isolées pour créer une nouvelle mouvance de recherche.
L'ouvrage montre que non seulement de véritables interactions existent entre sciences cognitives et sciences humaines et sociales, mais aussi qu'elles apportent aux thématiques étudiées, en l'occurrence la cognition spatiale et l'action, un souffle nouveau. Les contributions ici rassemblées illustrent toutes ces perspectives, démontrant que seule l'interdisciplinarité permet de répondre aux défis posés par la problématique cognitive de l'agir dans l'espace. Les réflexions sont tirées des neurosciences, de la psychologie cognitive, de la linguistique, de la modélisation, de l'ergonomie et de la robotique. L'ouvrage est composé de six sections : "L'espace des objets et des sons" ; "Couplage perception-action et mouvement" ; "Faut-il se représenter l'espace pour s'y déplacer efficacement ?" ; "Paroles d'espaces, espaces d'écriture" ; "Espaces de travail" et "Jeux et mondes électroniques".
Comme toutes les sciences, les sciences cognitives sont confrontées à la variabilité des phénomènes qu'elles étudient. Elles cherchent à dégager de cette variabilité un ensemble de régularités sur lequel établir les connaissances. Cette recherche d'invariance suppose le choix de formes de variabilité. Certaines, jugées pertinentes pour l'objet d'étude, sont utilisées ou manipulées pour extraire des invariants d'autres, jugées sans importance, sont négligées ou neutralisées. Ignorées à une époque, elles peuvent devenir intéressantes plus tard. L'évolution des idées suscite un regain d'intérêt pour l'étude de formes de variabilité intra-individuelle, interindividuelle, intergroupes, inter-langues, interculturelles, etc., il conduit souvent à interroger et à repenser les invariants dans le domaine de la cognition. De nouvelles formes d'articulation entre les variabilités et les invariants sont des thèmes autour desquels peuvent se nouer des échanges épistémologique, théorique et méthodologique fructueux.