Ce livre part de l'histoire souvent occultée des juifs arabes. Sujets à un regard racialisant dans la succession des projets coloniaux et ethnonationalistes, ils et elles ont été séparées de leur histoire et de leur culture arabe dans le projet homogénéisant porté par le discours sioniste.En faisant l'étude des langues vernaculaires, l'autrice défait l'imaginaire académique dans le cadre duquel les " langues juives " formeraient des ensembles qui peuvent être isolés des différents contextes de la diaspora. Ainsi, l'arabe parlé par des juifs et des juives dans les espaces arabes constituerait un ensemble linguistique distinct des langues parlées par des musulman·es ou des chrétien·nes. Ella Shohat défend une inscription locale et historique de chaque dialecte dans une géographie lin-guistique complexe.Juive de parents bagdadiens, elle vit et enseigne aujourd'hui à New York. Une part de ses recherches questionne la place des cultures multiples aux Amériques. C'est de cette étude que naît une réflexion sur les usages du trait d'union, dont la vocation a pu être, un temps, de rendre visible ce qui ne l'était pas. La chercheuse ne se limite pas à décrire ces trajectoires multiples, elle en offre un récit sensible, tout en prenant appui sur l'analyse des images et des textes.
De la campagne toulousaine de son enfance au Nebraska de sa mère ou à l'Algérie de son père, en passant par le Maroc et la Palestine, ce livre dessine la géographie sensible d'une historienne " qui apprend la société par les gens ". Mille histoires diraient la mienne n'est pas une autobiographie, ni tout à fait un récit littéraire, encore moins une étude scientifique classique, c'est un questionnement. Dans ces pages où pointent la colère et l'urgence, elle tisse les enjeux de transmission de la culture et de la mémoire dans un récit vibrant. En résulte un texte attentif aux détails des lieux et des objets de la vie courante, en écho à sa manière de faire de l'histoire. Son livre est une réflexion puissante sur l'écriture de l'histoire, entre justesse et justice." Je m'appelle Malika Rahal et je suis une historienne du temps présent, de ce temps dont les témoins et acteurs sont encore en vie. " Malika Rahal revient ici sur son parcours d'émancipation intellectuelle, qui a conduit la petite fille d'une famille d'immigrés atypique à devenir historienne. Connue aujourd'hui pour ses recherches sur la guerre d'Indépendance en Algérie, l'autrice nous livre un texte très personnel, dans lequel les vivants et les morts de son histoire se mêlent à ceux de ses enquêtes.Dans ces pages où pointent la colère et l'urgence, elle tisse les enjeux de transmission de la culture et de la mémoire dans un récit vibrant. En résulte un texte attentif aux détails des lieux et des objets de la vie courante, en écho à sa manière de faire de l'histoire. Lorsqu'elle ouvre le placard à épices de sa cuisine, écoute les disques vinyles de ses parents ou regarde les photos de famille, c'est toujours en historienne: elle fait le lien avec sa pratique d'enseignante et de chercheuse, raconte son rapport aux témoins et à leurs récits. Son livre est une réflexion puissante sur l'écriture de l'histoire, entre justesse et justice
" Je suis le dernier témoin du Moyen Âge ": c'est avec cette plaisanterie sérieuse que Chiara Frugoni présente le retour à l'âge de son enfance que nous allons lire.La constellation des personnages qu'elle ressuscite à partir de photographies et de portraits se déploie sur une période d'un siècle. Au fil des pages de cette autobiographie porteuse de tout un monde disparu, on est saisi par le rendu des lumières d'un jardin ou encore par celui de la simplicité muette d'objets qui ont survécu… Fille d'un des plus grands médiévistes italiens, Chiara Frugoni nous a quittés en 2022, laissant une œuvre personnelle profondément originale.Ce bond dans le temps est aussi un mouvement dans l'espace: l'historienne quitte les lieux de la recherche universitaire pour emprunter les sentiers pavés qui mènent à Solto, village du haut Bergame, où se trouve la maison de ses grands-parents maternels. L'écolière citadine, petite-fille de propriétaires terriens, partage l'insouciance de ses étés à la campagne avec les enfants des métayers de la ferme familiale. Cette autobiographie ne dissimule ni sensations ni sentiments, tour à tour tendres ou rudes. Sur l'arrière-plan d'un monde paysan dont la société d'abondance aura raison, elle est habitée par un va-et-vient constant, parfois douloureux, entre des personnages de deux classes sociales et donne à voir jusque dans des détails saisissants leurs activités quotidiennes et le cadre matériel de leur existence. Souvenirs d'un univers disparu, éclairé par l'évocation de ces vies qui n'ont pas encore dit leur dernier mot.
Instruments d'un " bovarysme " effréné, remèdes à la mélancolie, objets de l'analyse littéraire, sources d'enseignements moraux ou de connaissances, les livres ne s'épuisent pas dans leurs multiples valeurs d'usage. Ils peuvent se voir doter de qualités autres, conférées par les bibliophiles qui les transmutent en objets de collection, par les bibliographes qui déploient sur eux une expertise spécifique, ou encore par les historiens du livre qui explorent les dimensions économiques, sociales et culturelles de ce medium singulier. Comment tenir ensemble ces usages pluriels des livres? Autour d'un objet dont il s'agit de penser la complexité, cet ouvrage développe un ensemble d'interrogations mettant en jeu l'approche structuraliste des textes et leur historicité, la philologie et la bibliographie matérielle, l'histoire du livre et celle des bibliothèques, l'expérience vécue et les élaborations théoriques, le document et le monument.
Il s'agit d'abord d'explorer quelques activités de l'esprit semblant à première vue n'avoir aucun rapport les unes avec les autres, mais entre lesquelles quelques auteurs (et non des moindres: Leibniz, Simone Weil, Italo Calvino…) ont cru repérer comme un air de famille. Ces activités sont: la divination, en particulier les procédés arithmétiques utilisés par les géomanciens chinois, arabe, touaregs ou yorubas; certains jeux (les échecs, le go, les jeux de semailles africains…); les mathématiques; l'écriture littéraire, telle du moins qu'elle fut pratiquée par certains auteurs comme Italo Calvino, les membres de l'Oulipo, et quelques poètes allemands de la période baroque. Le livre ira donc de l'une à l'autre de ces activités, mettant peu à peu sous les yeux du lecteur des raisons d'admettre qu'elles sont, d'une certaine manière, parentes. Un voyage dans l'espace (du Sahel à la Chine, en passant par l'Allemagne baroque), dans le temps (du XIIe siècle où remontent les plus anciens traités de géomancie arabe jusqu'au temps présent, avec les auteurs de l'Oulipo) et dans l'esprit (puisque le lecteur sera invité à réfléchir à ce qu'il a dans la tête lorsqu'il se livre à des activités fort banales comme le tir à pile ou face ou l'effeuillage de la marguerite, par exemple).
Camille Lefebvre retrace ici la série d'événements qui mène à la rencontre, au début des années 1950 à Paris, de ses quatre grands-parents: d'un côté, la fille d'une jeune femme juive ashkénaze ayant grandi entre Odessa et Kichinev et le fils d'un couple de marchands de tissus juifs séfarades de Sidi Bel Abbès, de l'autre, la fille d'un boucher de Normandie et un républicain espagnol fils de paysan de la région de Ségovie. Ces quatre trajectoires familiales se déroulent dans des espaces et des contextes très différents, bien qu'elles connaissent au moment de la Seconde Guerre mondiale une communauté d'expériences, liée à la persécution et à l'engagement résistant. L'autrice suit des fratries d'Oran aux confins de la Bessarabie, en passant par les campagnes de Normandie et les prisons franquistes en Espagne: elle nous invite ainsi à une traversée du XXe siècle à partir des destins croisés de ses ascendants. Alors qu'un mouvement très large se dessine autour d'essais ou de récits retraçant des parcours familiaux, ce livre fait le récit d'une histoire de famille, mais montre également comment l'histoire peut s'emparer de nos récits familiaux. Chacun ou chacune peut soit y reconnaître l'expérience de ses ancêtres, soit être amené à questionner ce qui se dit du passé dans sa propre famille.