La question du végétarisme est souvent marginalisée, raillée, voire invisibilisée dans les discussions autour des enjeux écologiques et politiques auxquels sont confrontées nos sociétés occidentales. Pourtant, des pratiques végétariennes éclairées et conviviales semblent proposer des avancées intéressantes vers davantage de justice sociale, une meilleure prise en compte du vivant dans son ensemble, et des individus humains et non-humains en particulier. Pourquoi alors tant de mépris ?Il est vrai qu'en révélant que la viande n'est pas l'alpha et l'oméga de nos assiettes, les pratiques végétariennes viennent heurter notre conception traditionnelle de la " bonne alimentation ", où la viande doit être au centre, à la fois sur le plan symbolique comme physique et physiologique. Mais que veut dire consommer ou ne pas consommer de la viande, à la fois dans nos repas quotidiens, mais aussi dans les récits réels ou fictifs qui les entourent ? Quelles représentations véhiculent ces narrations, et comment influencent-elles nos choix alimentaires ? Quels changements ou continuités permettent-ils ?Il est désormais temps de prendre ces questions au sérieux, d'entrer en déprise carniste, comme on entre en révolution, pour changer de paradigme et faire advenir un monde commun plus juste du point de vue animal, social et environnemental.Amandine Andruchiw est docteure en philosophie, chargée de cours en philosophie morale et éthique appliquée à l'université de Reims Champagne-Ardenne. Elle est également la coordinatrice du site Champagne-Ardenne de l'espace de réflexion éthique Grand-Est (EREGE).
Notre ouvrage propose une réflexion sur les moyens de la mise en commun des milieux vivants: par le fil de la vie? par la littérature? par les épidémies et notre mode de vie rapprochée? par la ville? par la fonction d'exaptation? par l'art du pistage? par la symbolisation? par le jeu? par le regard? par l'exigence d'apparaître? par l'intention de faire comme si? Nous espérons que ces questions trouvent des éléments de réponse pour mieux partager les milieux vivants et permettre à tout être vivant de se faire son milieu et de trouver sa place comme sujet d'une vie à la première personne.
Comment partager les milieux vivants de manière à ce que chaque individu humain et autre qu'humain y trouve sa place, puisse y faire son milieu? Penser les milieux vivants en commun engage une réflexion sur l'universel: tout individu vit dans un milieu. Mais cela engage une nouvelle conception de l'universel décentrée de l'humain et refondée dans les milieux vivants (qui incluent l'espèce humaine). Approcher l'universel des milieux vivants, c'est penser un sujet collectif et politique qui a des droits (pour les individus humains et autres qu'humains) et des devoirs (pour les individus humains seulement, selon la règle du pollueur-payeur car seuls les humains détruisent l'habitabilité et la cohabitabilité du monde). Les droits de ce sujet collectif se résument à un seul: le droit de vivre dans un monde durable et même désirable par sa qualité de vie; et les devoirs eux aussi se résument à un seul: le devoir de protéger la cohabitabilité de ce monde, la coexistence d'individus humains et autres qu'humains qui pourront tous y déployer leur style de vie et leur projet de vie en termes de situation et de liberté.