Si la connaissance des manuscrits de Maupassant désacralise en partie l'acte d'écrire, elle rend l'écrivain plus proche et renouvelle les représentations de la création littéraire.Le manuscrit témoigne de son extrême rigueur dans l'organisation des phrases, des paragraphes, des pages : il remanie son texte afin de le rendre à ses yeux plus juste, plus pertinent ou plus évocateur. Sa connaissance du Havre et de la Normandie pousse Maupassant à représenter avec fidélité des lieux connus et aimés, à inventer le détail susceptible d'ancrer la fiction dans la réalité et de produire un " effet du réel ", grâce à une écriture qui avance vers son achèvement par le jeu des tâtonnements successifs. Car l'écriture est d'abord langage en acte, écriture de soi pour soi, écriture vive, spontanée, sans public désigné. Puis le romancier, lecteur d'autres textes avant de devenir lecteur critique de ses propres écrits, les modifie en gardant présents à l'esprit les modèles rhétoriques et poétiques en cours à son époque, les contraintes du genre et la censure. À travers ces hésitations apparaissent les phases de la " fabrique du texte " : alors le roman se joue, tandis que se manifestent le monde intérieur et l'originalité de l'écrivain.
L'histoire littéraire est jalonnée d'affirmations si convaincantes qu'elles se répètent à l'envi. Maupassant en a souvent été victime. On a pu dire que ses volumes de récits courts étaient la simple réunion – hasardeuse et opportuniste – des derniers textes parus dans la presse. Un certain nombre d'éditeurs ont alors redistribué les contes et nouvelles sur le lit de Procuste, regroupant de façon parfois arbitraire les récits courts autour de parcours thématiques et génériques. Pour une poétique du recueil se propose de montrer que, loin d'être la rencontre fortuite de textes, les volumes de contes conçus par Maupassant jouent avec les possibilités du livre et avec les voisinages de textes qu'il permet. Comment ignorer que, sur les quelque trois cents contes parus dans les journaux, Maupassant a laissé dans ses cartons un tiers de sa production et a ventilé les deux tiers restants dans quinze recueils qu'il a composés lui-même ? Pourquoi l'édition posthume ne les a-t-elle pas plus souvent pris en compte ? Selon quels critères les textes ont-ils été répartis par l'écrivain dans ses quinze ouvrages ? Que peut nous apprendre l'archéologie des recueils ? Dans quel sens les récits ont-il été réécrits pour prendre place dans le volume ? Quel est le rôle des nouvelles d'ouverture et de clôture ? Les combinaisons nées de la discontinuité soufflent le chaud et le froid sur le recueil de récits courts et en font une forme idéale pour susciter maints effets de sens et donner la vision d'un monde qui va cahin-caha : le jour et la nuit, contrairement au titre ironique d'un des volumes, ne s'équilibrent pas, et le rire exacerbe – presque – toujours la dissonance. Le recueil, tel que l'a voulu l'écrivain, apporte au "maupassantophile" un supplément d'âme et de sens à la lecture des contes. Pour une poétique explore chacun des quinze ouvrages comme une aventure singulière.
Marlo Johnston a découvert une pièce de théâtre inédite de Maupassant, écrite en collaboration avec William Busnach, représentée pour la première fois le 13 janvier 1883 au Théâtre Cluny. Maupassant n'a jamais reconnu la paternité de cette pièce. Dans une longue postface, Marlo Johnston établit la réalité de cette collaboration, étudie les relations entre Maupassant et Busnach et envisage la carrière théâtrale du nouvelliste et romancier, en s'appuyant sur des nombreuses lettres inédites. En annexe, on trouve l'intégralité des comptes rendus de Madame Thomassin parus dans la presse.
À 17 ans, Maupassant est poète, et il le reste jusqu'à ses 24 ans. Plus tard, ses poèmes, regroupés sous le titre Des vers et publiés en 1880, lui inspirent un vrai mépris : Maupassant se voulait nouvelliste, seulement nouvelliste. Entre temps, il se tourne vers le théâtre puis le conte, mais avant tout vers la gloire que confère à cette époque leur publication. Bel-Ami est déjà en lui. Néanmoins, Maupassant manifeste un goût prononcé pour l'âme des mots qu'il trempe à la réalité des jours et transpose dans de petites nouvelles (Boule de suif). Le livre montre, entre autres, que la poésie chez Maupassant est avant tout l'élaboration d'une poétique parfaitement réalisable dans la prose : une poésie naturaliste. Qui s'exprimera pleinement dans de courts récits : c'est le Maupassant nouvelliste. Le volume est la première édition critique de l'œuvre poétique de l'auteur, avec des notices, des notes et le relevé des variantes, ainsi que les corrections, jusqu'alors confidentielles, de Flaubert, inscrite sur son exemplaire. L'ouvrage apporte une connaissance complète, et inédite, de la création poétique de Maupassant.