Critique d'une notion au regard de ses usages sociaux
L'employabilité est de plus en plus présente dans le langage médiatique, politique, syndical ou patronal. Favoriser, améliorer, développer l'employabilité est devenu un leitmotiv des politiques de l'emploi françaises et européennes, une incantation des employeurs, un objectif prioritaire des conseillers de Pôle emploi et un devoir assigné aux chômeurs et aux salariés. Déjà présente dans les années 1920-1930, la référence à l'employabilité est aussi réactualisée par nombre de chercheurs en gestion, en économie et en sociologie, mais aussi en droit, en science politique et en sciences de l'éducation. Comment cette notion a-t-elle été construite? Par qui et dans quels contextes sociaux? Quels sens lui donnent ceux qui l'utilisent et à quelles fins la mobilisent-ils? Au-delà de ces questions, l'ouvrage interroge les usages sociaux de l'employabilité en montrant comment se référer à cette notion affecte les politiques publiques, le recrutement, la formation et l'insertion dans l'emploi, l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Les auteurs interrogent en outre la portée symbolique et la pertinence scientifique de la notion d'employabilité en discutant son utilité pour comprendre le fonctionnement de l'emploi. Ils montrent que cette notion conduit fréquemment à rendre les chômeurs et les personnes mal insérées dans l'emploi responsables de leur situation. Si ce terme polysémique peut recéler plusieurs usages, dans le contexte de chômage massif structurel et compte tenu du fonctionnement de l'emploi, raisonner en termes d'employabilité apparaît finalement plus illusoire qu'opératoire. Cela risque d'enfermer dans un double piège: stigmatiser les chômeurs et persister dans les politiques d'emploi sans résultats face au chômage. Sans modifier les modalités d'usage de la main-d'œuvre, sans augmenter d'une façon ou d'une autre le nombre d'emplois, prétendre améliorer l'employabilité de chacun risque d'avoir pour effet de modifier l'ordre de la file d'attente et d'aggraver l'individualisme et la concurrence au sein du salariat.
Être étudiant se vit 24 heures sur 24 heures. L'observation des seuls registres diplômants ou des apprentissages laisse dans l'ombre une part de la complexité du statut étudiant. Afin de participer à la compréhension de cette complexité du quotidien des personnes inscrites dans un établissement de l'enseignement supérieur, cet ouvrage pluridisciplinaire s'intéresse aux conditions de vie des populations étudiantes à partir d'un cycle d'enquêtes (2008-2016) réalisé au sein de l'université d'Angers. Plusieurs axes d'analyse structurent ces textes, en cohérence avec l'intention programmatique dont ils rendent compte. Les questions de temporalités et d'espaces vécus par les populations étudiantes sont envisagées à la lumière des implications liées aux déplacements journaliers, au logement ou aux budgets-temps attribués aux différentes activités quotidiennes. La santé au cours des études occupe également une place importante dans les observations retenues, tant en termes de bien-être que de conduites potentiellement à risques. De plus, les différentes formes de difficultés sociales rencontrées par les populations étudiantes et leur prise en compte dans les dispositifs de l'enseignement supérieur sont appréhendées afin de saisir l'enjeu constitué par les ressources, l'emploi ou les supports de solidarité dans la caractérisation des conditions sociales étudiantes. Enfin, à partir de la réalisation de ce cycle d'enquêtes, des explorations complémentaires et des expérimentations qui les accompagnent, des points de repère méthodologiques et épistémologiques sont proposés dans la perspective de futures recherches sur cet objet spécifique que constituent les conditions de vie des étudiants en France.
Que sont les recherches partenariales et collaboratives ? Différant du mode majoritaire de recherche académique ou universitaire, ce type de recherches se fonde sur des coopérations entre acteurs hétérogènes, qui sont sources de co-construction de recherche et de co-production de connaissances. En France, le terme de " recherche collaborative " est utilisé, alors qu'au Québec, celui de " recherche partenariale " est privilégié. Pour l'essentiel, il s'agit de recherches associant, d'une part, les chercheurs universitaires dont la recherche est l'activité professionnelle et, d'autre part, des acteurs d'autres milieux professionnels, associatifs ou de la société civile, c'est-à-dire des acteurs en dehors des sphères universitaires ou apparentées. Cet ouvrage explore et approfondit ce champ de pratiques qualifié ici de " recherche partenariale et collaborative ". Ces recherches partenariales et collaboratives ne s'accompagnent pas toujours d'une volonté d'action transformatrice (comme c'est par contre explicitement le cas dans la recherche-action ou la recherche-intervention) et peuvent avoir avant tout une visée cognitive et épistémique. L'ouvrage permet d'approfondir et de systématiser ces pratiques de recherche en les inscrivant dans les approches de recherche actuelles. Il offre des clés de compréhension et d'analyses essentielles pour prendre la mesure des intérêts et des enjeux, notamment scientifiques et sociaux, de ces recherches partenariales et collaboratives devenues ici un objet de recherche. L'ouvrage repose sur des collaborations internationales de longue durée, menées entre une vingtaine de chercheurs français, québécois et suisses issus de plusieurs disciplines des sciences humaines et sociales.
Cet ouvrage s'inscrit dans le cadre du projet " Parcours Réussite ", porté par l'université de Poitiers, qui aborde la problématique de la " réussite étudiante " à travers des échelles d'analyse, des points de vue et des angles disciplinaires variés. L'ouvrage reprend dans un premier temps les études menées en sociologie et en sciences de l'éducation sur les pratiques de travail des universitaires et les évolutions en cours, afin de mieux décrire le cadre dans lequel les étudiants sont socialisés, en fonction notamment du contexte politique, juridique, économique et social actuel. Cette partie s'intéresse aussi, plus spécifiquement, aux pratiques d'enseignement et aux contraintes existantes, à leurs enjeux et leurs variations sociales. Les auteures réalisent ensuite l'état des lieux sur la contribution des usages des technologies numériques à la réussite étudiante. Il s'agit d'identifier les productions les plus significatives en sciences de l'information et de la communication, afin de cartographier les différentes approches et de produire une synthèse des travaux retenus. Elles cherchent ainsi à porter un regard distancié et critique sur les usages des technologies numériques pour une meilleure compréhension des modes d'apprentissage et des pratiques pédagogiques innovantes. La troisième partie est dédiée à une revue de la littérature scientifique en psychologie sur le développement des compétences des étudiants d'université. Elle aborde le thème de la perception de soi en lien avec les performances académiques, et des compétences langagières souvent considérées comme transversales aux différentes disciplines (lecture et écriture). Elle examine aussi l'impact des caractéristiques des institutions d'éducation, et les effets de plusieurs méthodes et programmes destinés à améliorer les apprentissages dans l'enseignement supérieur.
Dans le contexte français d'une longue invisibilité historique et sociologique des migrations, les questions mémorielles et patrimoniales se posent aujourd'hui avec acuité. Mobilisations " au nom de la mémoire ", quêtes de reconnaissance, engagements politiques et projets institutionnels encouragent une diversité d'actions de valorisation et de formes de patrimonialisation. Cet ouvrage est le fruit d'un colloque organisé à Tours, réunissant des chercheurs en sciences humaines et sociales et des acteurs institutionnels de la culture, de l'urbain et du social, pour réfléchir ensemble à la place des mémoires des migrations dans les villes et à la nature des liens entre mémoires, patrimoine et citoyenneté. L'ouvrage explore les mémoires des migrations à partir d'une diversité de points de vue qui ne se croisent pas habituellement (scientifique, sensible, professionnel, politique) et à partir d'une diversité de mémoires, qu'elles se racontent à partir d'un lieu, d'un quartier, d'un engagement, d'une population, etc… Quels regards la sociologie et l'anthropologie posent-elles sur ces questions? Que produisent ces mémoires à l'oeuvre? Comment, et dans quel contexte, les migrants sélectionnent-ils ce qui doit être transmis, conservé, rendu public? Comment les politiques publiques, les collectivités locales, les institutions de la culture, envisagent-elles ce " patrimoine impensable "? Ces questions sont importantes car les narrations qui tentent de restituer les expériences migratoires, nous parlent aussi et peut-être surtout de reconnaissance, de citoyenneté et d'horizon démocratique.
De l'école maternelle aux études supérieures, les parcours scolaires des élèves sont jalonnés d'étapes et autres charnières qui génèrent des divergences de trajectoires, des inégalités d'apprentissage, voire des ségrégations. Identifiées comme des facteurs de rupture, de difficulté ou tout du moins d'inégalités, les transitions en contexte scolaire font aujourd'hui l'objet d'une attention particulière de la part des pouvoirs publics qui en incluent les problématiques dans les nouveaux textes de l'Education nationale. Elles mobilisent aussi un champ important de recherches scientifiques en Psychologie, Sociologie et Sciences de l'Education. Cet ouvrage est original en ce qu'il mobilise une diversité disciplinaire, conceptuelle et méthodologique pour dresser un état des lieux des transitions vécues par les élèves et par ceux qui les encadrent. Les résultats scientifiques des vingt-neuf contributions de cet ouvrage posent la question de la divergence de qualité des parcours scolaires. Ils dévoilent les rouages institutionnels que les transitions scolaires activent et ils caractérisent les freins et les ressources qui opèrent lors de ces charnières des parcours scolaires. Autant d'apports qui alimentent un certain nombre de pistes pour étayer les professionnels dans l'accompagnement des transitions scolaires et stimuler leur réflexion professionnelle.
Ce travail collectif porte sur les transformations intervenues depuis une trentaine d'années autour de la notion de "patrimoine". Il porte une contribution neuve et très informée sur les "nouveaux patrimoines" à partir d'exemples très diversifiés repris à divers pays européens. Il se place donc dans une double démarche. La première cherche à porter une dynamique analytique sur le sens des nouveaux patrimoines et leur pénétration dans les sociétés d'aujourd'hui. La seconde approche se glisse dans une dynamique plus comparatiste, de par la diversité des exemples traités: région des Pays de la Loire, l'Espagne du nord, du Portugal etc. Au-delà de ces réflexions sur les patrimoines en eux-mêmes, l'ouvrage s'interroge aussi sur la gouvernance patrimoniale, autrement dit sur les politiques culturelles. Les auteurs introduisent la notion très pertinente de " gouvernance partagée " entre acteurs publics (collectivités territoriales, Etat, établissements publics...), milieux associatifs, acteurs privés etc. Là encore, la réflexion, à partir d'exemples précis, mais aussi à l'appui de témoignages d'acteurs remarquables, enrichira la réflexion de ceux qui s'intéressent à l'objet.
Loin d'un regard naïvement positiviste, les problèmes rencontrés lors d'enquêtes de terrain en sciences sociales sont aujourd'hui reconnus comme une réalité incontournable, avec laquelle le chercheur doit apprendre à composer. Pourtant, dans la majorité des ouvrages consacrés à ces enquêtes, les réflexions méthodologiques demeurent marginales. Elles semblent figurer une part fastidieuse, voire dangereuse de la recherche, susceptible d'affaiblir sa légitimité scientifique. Lorsque les difficultés liées à l'enquête sont évoquées, c'est souvent pour mieux souligner comment elles ont pu être dépassées, éliminées. Dans la même optique, les manuels de méthodologie suggèrent combien le chercheur est d'autant plus crédible et efficace qu'il applique scrupuleusement certaines techniques destinées à contourner les difficultés méthodologiques qui se présentent à lui. Dans une perspective très différente, les articles présentés ici invitent à considérer combien ces difficultés peuvent représenter de réelles ressources susceptibles d'enrichir l'analyse en sciences sociales. Elles ne doivent pas être reléguées aux oubliettes impures et honteuses des ratés de la recherche, mais doivent au contraire être analysées de façon centrale et systématique. Sociologues et politistes reviennent ici sur des difficultés souvent similaires, dont ils ont su tirer profit: le travail sur des objets " sensibles ", considérés par le monde académique comme peu légitimes, ou générant des formes d'assignations identitaires ; la confrontation à des enquêtés s'appropriant les problématiques scientifiques et tentant de les façonner ; la difficulté à mener des entretiens avec des professionnels de la parole ; l'injonction à construire un travail scientifique dans une équipe de travail hétérogène et sur des terrains eux-mêmes difficiles à comparer ; ou encore la nécessité de se projeter dans une identité de chercheur entrepreneur, tout en demeurant fidèle à des normes de la recherche en apparence difficiles à concilier avec certaines injonctions liées à la recherche collective sur contrats. En examinant ces situations problématiques, cet ouvrage constitue une forme de plaidoyer pédagogique présentant à des chercheurs débutants la dimension parfois positive des obstacles rencontrés lors d'une enquête de terrain. Il invite à enrichir tout travail de sciences sociales d'une réflexion approfondie et systématique sur les difficultés méthodologiques rencontrées, afin d'envisager leur caractère potentiellement heuristique (et pourtant souvent ignoré).
Les débats sur la violence en institution se multiplient, en entretenant deux mythes. Le premier résulte d'une psychologisation à outrance de la violence qui réduit l'analyse des causes à la responsabilité individuelle. Le second décrit les institutions comme des entités stables et durables: elles auraient ainsi parfaitement fonctionné de toute éternité, jusqu'à ce que le dérèglement de la société les transforme en victimes impuissantes de violences dont elles ne sont jamais la cause.Cet ouvrage propose de déconstruire ces deux représentations, en développant une analyse situationnelle d'une violence pensée comme un effet de contexte par lequel les agencements entre sujets, organisations et valeurs viennent se heurter... des " rencontres ratées " que l'on peut prévenir si l'on repense l'institution comme un environnement symbolique complexe, au sein duquel les significations jouent un rôle déterminant.Dix contributions éclairent cette problématique en explorant le champ scolaire, les violences sexuelles, les massacres scolaires, les usages du courrier électronique, mais aussi les questions de la déontologie enseignante et de la violence originelle, les mythes fondateurs des institutions et la figure du bouc émissaire.
Alors que de nombreux travaux ont porté sur l'avenir de l'assurance maladie, notamment sur sa transformation et sa gestion économique, il est assez étonnant de constater que parmi les quatre branches de la Sécurité sociale, l'assurance maladie a été celle qui a fait le moins l'objet d'analyses par les sociologues. Pourtant l'assurance maladie, à l'instar des autres branches de la Sécurité sociale, a engagé une série de mutations internes fortes ces dernières décennies à la fois au niveau de ses missions et mais aussi au niveau de son organisation. De nouvelles prestations ont été introduites et de nouvelles formes d'organisation du travail ont été adoptées pour tenter de " sauver l'assurance maladie " dans un contexte de réduction des moyens.De l'institution à l'organisation de l'assurance maladie, du projet politique au projet gestionnaire, le présent ouvrage interroge et analyse l'impact de ces différentes évolutions sur le travail de ses salariés. La plupart des travaux présentés montrent que sous l'effet conjugué de l'informatisation, de la dématérialisation des actes de soins, de la mise en place de nouvelles prestations et des nouvelles pratiques managériales, le travail s'est radicalement transformé.L'ouvrage vise à donner un éclairage singulier sur la modernisation d'un organisme incontournable du système de protection sociale français en prenant le parti pris d'une analyse de l'action publique par le bas et en accordant une place centrale à l'activité et aux rapports sociaux issus de ces transformations.
Arts et littérature à travers l'Europe et l'Amérique
Alors que le corps humain est plus que jamais au centre d'enjeux sociétaux, cet ouvrage engage une réflexion sur les représentations du corps et de ses territoires dans les œuvres. À mi-chemin entre miroir du monde et origine de nouvelles perceptions, les créations nous parlent de la place du corps dans la société, en s'exposant comme territoires textuels qui donneraient formes corporelles aux œuvres. Les corps et les territoires s'y rencontrent, s'y affrontent, s'y (re)trouvent, pour transmettre des émotions que seul l'art peut nous faire ressentir. Les créations assurent ainsi un lien entre corps évoqués et notre réalité corporelle, et cette dernière s'en trouve projetée avec force dans le monde. Le rapport entre corps, territoire et art, toujours actif, n'en est pas moins instable. C'est ce rapport et ses fluctuations que les auteurs de cet ouvrage mettent en lumière, à travers les aires géographiques, les époques et les expressions artistiques.
Les recompositions de l'éducation et de l'intervention sociale
Comment comprendre les rapports complexes et souvent tendus entre institutions et dispositifs qui s'instaurent dans la mise en œuvre de l'action publique? Cet ouvrage en éclaire les raisons et les processus en examinant les recompositions en cours des champs de l'éducation et de l'intervention sociale. Depuis plusieurs décennies, des incertitudes apparaissent en effet quant à la légitimité des institutions; elles se traduisent même, dans certains secteurs, par une volonté affichée de " désinstitutionnaliser " les prises en charge. Ce mouvement est jalonné par des controverses tant académiques que gestionnaires: pour les uns, les institutions sont considérées comme des instruments de cohésion sociale, pour d'autres comme des espaces de contraintes, voire des sources de violence ou d'abus. Parallèlement, la notion de dispositif, sans réellement être définie, connaît un développement exceptionnel, dans les milieux politiques, administratifs aussi bien que professionnels. Concrètement, ce phénomène se traduit par une prolifération d'organismes éponymes relevant de montages hybrides, temporaires et généralement valorisés pour leur caractère innovant. Entre la mise en cause des institutions et l'affluence de dispositifs, comment s'y retrouver? La vogue des dispositifs correspond-elle à un redéploiement, à un réajustement, ou à un renouvellement des institutions? Ou bien s'agit-il d'une sorte de phagocytage? Dans ce livre, différentes disciplines sont mobilisées pour comprendre ce qui se cache sous les mots et offrir au lecteur une analyse intersectorielle des tensions entre dispositifs et institutions: heurts de logiques politiques, confrontations de valeurs et de normes auprès des publics, déplacements et réaménagements des cadres de la connaissance...