Cet ouvrage revient sur l'un des tableaux les plus énigmatiques de la Renaissance italienne connu sous le nom de la Flagellation du Christ et attribué à Piero della Francesca. Ce célèbre tableau ne doit pas seulement son mystère au flou qui entoure les circonstances de sa réalisation (on ignore sa datation, son commanditaire ou encore sa destination initiale) mais encore et surtout au fait que l'on ne parvient pas à en déterminer le " sujet " véritable.La scène située à l'arrière-plan, dans les profondeurs d'une splendide loggia de style antiquisant, désigne sans conteste une flagellation du Christ, mais le dispositif général du tableau (en particulier sa structure fortement binaire) ne correspond à rien de connu.En ce sens, la Flagellation du Christ de Piero della Francesca lance à l'histoire et à l'histoire de l'art un véritable défi.Après avoir constaté les limites des principales interprétations empruntées par l'historiographie, Franck Mercier explore une nouvelle piste de recherche située au croisement des mathématiques et de la théologie. À défaut de pouvoir s'appuyer sur l'archive (inexistante à propos de ce tableau) ou d'exploiter un contexte politique conjectural, l'étude privilégie une analyse interne de l'image, attentive à sa " trame figurative " (c'est-à-dire à l'agencement de ses formes, de ses couleurs, de sa structure mathématique), selon une démarche théorisée par Daniel Arasse sous le nom d'" iconographie analytique ". Elle repose sur la certitude que le sens de l'image doit d'abord être cherché dans le tableau lui-même.
Au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, des personnes de tous horizons se sont rassemblées dans les rues de Paris, aux abords des lieux attaqués, pour rendre hommage aux victimes. Des mémoriaux se sont formés, faits de milliers de messages, de bougies, de fleurs et d'objets les plus divers.Durant des semaines, les Archives de Paris en ont collecté le contenu qui appartient aujourd'hui au patrimoine national. Fruit d'une collaboration inédite entre chercheurs et archivistes, cet ouvrage enrichi de près de 400 photographies revient sur cette transformation et constitue ainsi un véritable livre-mémorial.Les textes de ce livre retracent le parcours de ces mémoriaux et sont autant de reportages illustrés sur leurs aspects, leur collecte ou leurs usages sociaux. Des courtes notices les accompagnent sur des sujets aussi divers que les citoyens s'étant érigés en gardiens des mémoriaux éphémères, le rôle des agents de nettoyage de la Ville de Paris dans le travail de collecte, la mémoire des attentats de 2015 à Saint-Denis, ou encore la relation particulière des supporteurs du PSG à la mémoire des attentats du 13 novembre.Éclairant sous un angle nouveau un événement majeur et récent de l'histoire de France, cet ouvrage est à son tour un mémorial unique et précieux, une réflexion originale et illustrée sur la manière dont une société est appelée à ne pas oublier.
Les objets d'église n'ont pas toujours été des " objets d'art " et des objets d'" art sacré " et, s'ils sont l'occasion d'expositions en tant qu'ars sacra, c'est une notion qui ne remonte en réalité qu'aux XIXe et XXe siècles et au développement des musées. Matérialisations d'une vision chrétienne du monde au Moyen Âge, ils sont devenus à l'époque contemporaine des objets d'histoire et de musée.Quelles furent les conditions et les formes de ce transfert? En quoi les " objets " ecclésiastiques médiévaux ont-ils eux-mêmes contribué à déterminer les pratiques ultérieures, d'une part scientifiques, d'autre part muséales?En proposant une histoire de la notion de " trésor " dans le christianisme occidental et en présentant la dimension mémorielle des objets ecclésiastiques au Moyen Âge et leur capacité à susciter l'émerveillement, Philippe Cordez invite le lecteur à une véritable archéologie des pratiques muséographiques actuelles.
Cette visite de Michel Foucault en mars 1954 à l'asile psychiatrique suisse deMünsterlingen le jour d'un carnaval des fous nous apprend beaucoup à la fois sur le jeune philosophe – l'année 1954 est riche en événements pour lui –, mais aussi sur ce rituel qui a perduré jusqu'au milieu du xxe siècle.Photos, archives, textes éclairent ce moment trop souvent négligé par les spécialistes de Michel Foucault. Ce début des années 1950 est pourtant marqué par l'entrée de Foucault dans les asiles et par sa passion pour les innovations qui touchent la psychologie clinique.C'est la germaniste Jacqueline Verdeaux, munie d'un Leika, qui photographie. Ces images laissent entrevoir l'étrange sensation qu'a pu ressentir Foucault lors de ce jour improbable où les fous " jouent " aux fous. Une sensation d'autant plus étrange que l'asile cantonal est, avec la clinique universitaire du Burghölzli de Zürich, l'une des plaques tournantes de la psychiatrie suisse.Ce livre, qui aborde une période inexplorée, et non abordée dans La Pléiade à paraître, nous pousse à renverser les perspectives familières concernant Michel Foucault.
Que font les Ancêtres du Christ, ces vieux hommes fatigués et ces femmes qui allaitent à côté des corps pleins d'énergie des anges du Jugement dernier, des prophètes et des sibylles de la voûte? De quelle manière participent-ils de l'histoire de l'humanité, qui s'ouvre dans la Genèse avec la Création d'Adam et se clôt dans le Jugement ?Maintes fois soumise à l'analyse, la fresque du Jugement dernier de la chapelle Sixtine laisse apparaître des éléments d'interprétation radicalement nouveaux si on la considère du point de vue de l'anthropologie de la ressemblance élaborée par saint Paul, la ressemblance de l'homme à Dieu. Giovani Careri rend compte de la façon dont les familles des Ancêtres participent d'un projet idéologique général: celui qui " administre " la question du corps et de la chair en relation avec l'eschatologie chrétienne du salut. La pesanteur et la mélancolie qu'expriment les corps las des Ancêtres sont, en effet, des valeurs négatives nécessaires pour dessiner le bord extérieur d'un dispositif qui règle dans la théologie chrétienne le rapport à une altérité hébraïque à la fois exclue et fondatrice, irréductible et nécessaire.La chapelle Sixtine est une véritable " fabrique de l'histoire ". C'est à travers le déchiffrement des figures fatiguées des cintres et des lunettes que ce monument mille fois étudié vise notre présent en dévoilant son actualité; pour le spectateur d'aujourd'hui, les familles des Ancêtres évoquent des populations d'exilés, réfugiées dans des abris de fortune.
Une anthropologie ludique (Athènes VIe-Ve siècles avant J.-C.)
Dans l'imaginaire grec, la mise en image du monde dionysiaque a donné naissance dès l'époque archaïque à une figure majeure de la mythologie : le satyre.À partir de la riche imagerie des satyres produite entre le 6eet le 5e s. av. J.-C., François Lissarrague analyse en premier lieu l'anatomie des satyres, pour mieux comprendre le rôle de cette hybridité ; puis mesure, à travers leurs activités sociales (banquet, musique, sexualité, guerre), l'écart entre la norme civique et la transgression satyresque.Ces décalages sont souvent révélateurs, à travers l'excès ou la parodie, de ce que devraient être les " bonnes manières " auxquelles ils n'accèdent pas. À ce jeu de décalages vient s'ajouter un genre théâtral, le drame satyrique, qui met en scène normes et déviances parodiques.Dans les deux cas, en image et au théâtre, les satyres permettent, par leur incongruité, de repenser les normes et les pratiques culturelles. Ils sont, à la fois, pour les anciens Grecs, une plaisanterie bonne à penser et, pour les contemporains, le moyen de mesurer les règles dans bien des secteurs de la culture grecque.
La multiplicité des temps n'a d'égale que la faculté infinie de chaque image de les mettre en consonance. Les images sont le reflet de leur époque, de la vie de leur créateur ; elles témoignent de traditions techniques, iconiques, mettent en scène des civilisations lointaines, évoquent passé, présent, futur. Si l'axe historique est privilégié, des rapprochements moins convenus sont faits entre chaque séquence de ce collectif : le temps de la production des images, l'image comme trace mémorielle, la mise en scène de la complexité des temps, la fin des temps comme horizon de la figuration (eschatologie, utopie), le métissage culturel et des conceptions du temps, les reformulations techniques et idéologiques de l'image contemporaine. L'approche, riche et variée, fait (re)découvrir des chefs-d'oeuvre de l'art aussi bien que des joyaux méconnus. Les 120 planches en couleurs magnifient ces analyses originales.
Cette réédition valorise les minutieuses analyses des images effectuées par Louis Marin, grâce à 72 planches en couleur des œuvres de Paolo Uccello, Filippo Lippi, Luca Signorelli ou encore Piero de la Francesca.Au Quattrocento, lors de l'invention et de la restauration de la perspective, les dispositifs visuels sont dissimulés afin de produire l'illusion d'une figuration " objective " de la réalité. Louis Marin projette sur ces œuvres, la théorie du signe et de la représentation élaborée à Port-Royal au dix-septième siècle et montre que les découvertes des moralistes français sont en quelque sorte déjà théorisées, mais en peinture, par les fresques du quattrocento.Fidèle aux théories sémiotiques et à une approche structuraliste, cette analyse questionne le " comment ça fonctionne " plutôt que " qu'est ce que cela signifie ". Elle dévoile les ruses par lesquelles l'image parvient à s'imposer comme vraie du point de vue de la perception, mais aussi et surtout du point de vue de la légitimité politique et religieuse. Une des caractéristiques d'Opacité de la peinture est de faire dialoguer les préoccupations théoriques du présent et les objets du passé en enrichissant la compréhension de l'un et de l'autre." Tout signe est à la fois une chose et une représentation : considéré comme chose, le signe focalise sur lui-même la "vue de l'esprit ", il ne représente rien mais se présente lui-même. Comme représentation, il se dérobe à la considération et déplace la vue de l'esprit de lui-même à l'objet qu'il signifie. Le signe est alors comme la vitre transparente qui laisse voir autre chose qu'elle-même : lorsqu'elle s'opacifie, elle cesse de se dérober dans sa diaphanéité pour s'offrir à la vue et l'arrêter. " (Louis Marin)
La Jérusalem délivrée, images et affects, 16e-18e siècle
Poème épique chrétien, La Jérusalem délivrée du Tasse (1582) est aussi un répertoire d'images-affect transposées en peinture, en musique, dans la danse et dans le théâtre. Dans le poème, l'amour et la guerre s'entremêlent. Les œuvres analysées interprètent à leur façon le poème et l'enrichissent de nouvelles dimensions propres à l'image peinte, au geste dansé, à la présence effective des acteurs sur la scène. Le livre analyse la production d'images poétiques picturales et gestuelles issues de quatre épisodes du poème. Il propose une nouvelle approche intertextuelle et herméneutique, une analyse de la culture à travers les échanges entre l'écrit, les images et les gestes, susceptible d'enrichir et de remplacer, pour partie, l'approche désormais classique du rapport entre peinture et poésie dans la culture humaniste.
Au carrefour de plusieurs champs théoriques, la circulation entre image et histoire fait ressortir certaines composantes majeures de la réalité des images elles-mêmes : contraintes de fabrication des films (fictions ou documents), contenus des images, agents de leur production, voies de leur transmission — cette réalité implique une négociation permanente entre différents pôles institutionnels. Les auteurs de l'ouvrage combinent des perspectives et des objets complémentaires pour rendre compte de la complexité des images cinématographiques ou télévisuelles.