Longtemps restreint au seul champ cinématographique (et, dans une moindre mesure, photographique), le terme " documentaire " connaît depuis une quinzaine d'années au moins un usage multiple et proliférant, pouvant s'appliquer à des médiums aussi divers que la littérature, la bande dessinée, le théâtre ou la danse. Parallèlement, les arts visuels se sont emparés de l'objet et de la forme " document ", y voyant l'un des lieux possibles de renégociation de leur rapport à l'histoire, à la politique et, tout simplement, au réel. Qu'est-ce qui de l'art se trouve transformé, déplacé et mis en tension par cette promotion et cet élargissement du modèle documentaire ? En quoi l'art y demeure-t-il distinct du journalisme, du reportage ou de l'enquête historique ou sociologique?? Dans quelle mesure les procédures artistiques, selon la liberté et l'inquiétude qui les caractérisent, viennent-elles bouleverser notre rapport ordinaire à la référence, à l'information et à la construction de la vérité ? C'est ce champ de réflexion que cet ouvrage entend ouvrir à travers l'hypothèse d'un " art documentaire ", compris comme un lieu où des problématiques communes, des stratégies et des manières de faire entrent en écho et s'éclairent réciproquement. Il rassemble des contributions d'auteurs français et étrangers, universitaires comme artistes, et vise à décloisonner la réflexion sur le documentaire à travers une multiplicité d'approches disciplinaires
Il est devenu inhabituel dans la philosophie contemporaine de faire appel à Dieu, à la nature humaine créée, à l'âme, à la finalité de toutes choses et à celle de l'homme en particulier. C'est pourtant ce que tente ce livre: une métaphysique de l'art et de la vie esthétique dans une tradition réaliste et religieuse. Cette métaphysique est adossée à deux idées principales. 1) L'art et la vie esthétique sont un aspect de la réalisation, par l'homme, de sa propre nature rationnelle. 2) Par son âme rationnelle, l'homme participe autant qu'il est possible à l'esprit le plus élevé: celui de Dieu duquel dépendent toutes choses. L'art et la vie esthétique sont ainsi des formes du désir naturel de Dieu – telle est la thèse que ce livre entend défendre.
Au sein des recherches actuelles sur l'émotion musicale, ce livre possède une approche originale: il ne s'agit pas tant de décrire la nature, les opérations et les fonctions de cette émotion, que de s'interroger sur les enjeux conceptuels, culturels, sociaux et artistiques de sa valorisation ou de sa dévalorisation. Autour de ce souci axiologique, il s'agit donc d'articuler des perspectives anthropologiques, esthétiques, historiques et pragmatiques afin de poser la question: au nom de quoi, en vue de quoi et dans quels moments de la musique occidentale, les acteurs impliqués par son exercice et sa compréhension revendiquent-ils ou refusent-ils l'émotion? Dans la mesure où cette question engage les propriétés de la création, de l'exécution et de l'expérience musicale individuelle et collective, l'ouvrage tente de déterminer les points de vue multiples (religieux, philosophique, éthique, politique, esthétique et artistique) à partir desquels sont posées la valorisation ou la dévalorisation de l'émotion, tant dans les discours que dans les pratiques. Appréhender historiquement et conceptuellement la relation entre musique et émotion; étudier certaines époques qui ont posé les termes du débat de façon cruciale; explorer les dispositifs, les pratiques et les rôles joués par le compositeur, l'interprète et l'auditeur; saisir le rapport que tel et tel type de musique ou genre musical (opéra, rock, jazz) entretient avec l'émotion, telles sont les quatre finalités de cet ouvrage.
Il fut une époque où reprendre n'avait pas bonne presse: on prétendait à l'originalité, " résolument moderne " en cela. Effet de modestie ou effet de lucidité, notre temps multiplie au contraire les actes de reprise tant il lui semble difficile d'effectuer une action en une seule prise. Le champ des arts, des lettres et des médias en propose de multiples formes, de la citation au remix, de l'imitation au remake, de l'adaptation au détournement, du réemploi au recyclage. Les objets concernés sont aussi divers que les séries, la TV en continu, Wikipédia ou les hashtags. Mais la reprise se marque également en des activités génériques comme argumenter, conter ou jurer, et sur des pratiques anciennes, textuelles (relire, adapter, réécrire) ou iconiques (inverser en peinture, détourner une photographie). Ces objets et ces actes posent toujours de nombreux problèmes philosophiques, esthétiques et communicationnels, car la reprise instaure une relation interhumaine entre celui qui prend et celui à qui l'on prend.
Peut-on encore prendre le risque de déterminer la qualité, l'originalité et la valeur politique des chansons du groupe le plus applaudi de l'histoire du rock ? Tel est le projet de cet ouvrage qui esquisse une évaluation de l'œuvre des Beatles, suivie d'une analyse sociologique de la formation et de la carrière des membres du groupe. Cette analyse met en lumière le lien entre la valeur de leur production musicale et ses conditions de production. Sont ainsi examinés l'apprentissage des deux compositeurs principaux du groupe (Lennon et McCartney), le parcours du combattant pour se faire connaître, leurs conditions de vie et de travail, les contributions artistiques de leur producteur George Martin et de leurs compagnes, Yoko Ono notamment. Il s'agit finalement de répondre aux questions suivantes: la musique populaire, dans sa forme la plus réussie, et la musique savante peuvent-elles être d'égale valeur ? L'œuvre des Beatles a-t-elle marqué l'histoire de la musique occidentale ? Peut-on dire comme le compositeur et chef d'orchestre Leonard Bernstein: " Les Beatles sont les Schubert de notre temps " ?
Pourquoi les personnages de gangsters portés à l'écran par le cinéma sont-ils si séduisants, sympathiques ou fascinants ? Pourquoi parvenons-nous si aisément à nous identifier à Michael Corleone, le parrain des films de Francis Ford Coppola, alors que nous réprouvons ses crimes ? Comment le cinéma réussit-il à nous faire aimer l'abject et l'obscène dont nous nous détournons dans la réalité ? C'est à ces questions que ce livre tente d'apporter une réponse en examinant une dizaine de films centrés sur la figure mythique du gangster. Des premiers films des années trente jusqu'aux séries télévisées d'aujourd'hui, il décrit leur paysage conceptuel et les questions qu'ils mettent en scène. Ce paysage et ces questions sont principalement éthiques: d'abord, parce que le film de gangster nous offre un miroir de nous-mêmes, de notre désir de réussir, de faire notre place dans la société ; ensuite, parce que le gangster transgresse les règles de la morale commune mais conserve aussi des principes de conduite. Explorant l'univers éthique du gang fait de codes, de valeurs et de vertus comme l'honneur, la loyauté ou l'amitié, l'ouvrage déploie les principales pistes que le film de gangster suggère comme autant de chemins buissonniers de la morale.
Ce livre s'efforce de réparer une injustice: proposer une réflexion d'ensemble sur l'œuvre du philosophe français Mikel Dufrenne (1910-1995) qui semble un peu délaissée voire méconnue aujourd'hui. Si sa démarche phénoménologique héritée de Husserl le conduit immanquablement à s'interroger sur la place singulière que l'objet esthétique occupe dans notre monde, son projet est plus ambitieux. L'attention que Mikel Dufrenne porte aux différents arts (les arts plastiques, la musique, la poésie) ainsi qu'à la richesse des expériences esthétiques vécues, décrites et commentées, lui permet en effet de viser un but supérieur: non seulement redéfinir et réorganiser la phénoménologie autour de la question de l'art, mais faire de l'œuvre ce qui permet de remonter vers un principe originaire, la Nature, qui fonde toute création. Cette tâche singulière et méconnue méritait bien un effort philosophique collectif dont le présent ouvrage est le fruit.
Le livre explore, sous la forme d'un cercle ou plutôt d'un pli, à la fois la théorie mallarméenne de la musique, sa mise en pratique poétique, et les compositeurs qui mirent Mallarmé en musique: principalement Debussy, puis Boulez qui en fit le cœur de son entreprise. Il tente ainsi de clarifier le sens artistique, poétique, historique, esthétique et philosophique de la référence constante de Mallarmé à la musique et d'examiner à cette aune les musiques qui se réfèrent au poète. Par-delà l'analyse de ces musiques " mallarméennes ", il s'attache à comprendre la part de l'esthétique musicale et la part de l'esthétique tout court que Mallarmé rend possible pour l'art contemporain. Musiciens, musicologues, littéraires, philosophes, théoriciens et historiens des arts se réunissent ici afin de cerner toutes les dimensions du paradoxe que le poète et théoricien de la littérature énonçait en 1893 : " Tout est là. Je fais de la Musique. " Par ce paradoxe, Mallarmé semble conférer à la poésie, à la musique et sans doute aux autres arts, la hantise de la stabilité et la joie de formes foncièrement ouvertes. Cette hantise et cette joie paraissent toutes les deux adéquates à l'époque de crise ou " d'interrègne " que diagnostiquait Mallarmé et qui est encore la nôtre aujourd'hui.
Avec Problèmes de la musique moderne, les PUR poursuivent leur publication des œuvres de Boris de Schlœzer (1881-1969), un des philosophes de la musique les plus importants du XXe siècle. Ce livre a été coécrit avec la musicologue Marina Scriabine (1911-1998), fille du compositeur russe Alexandre Scriabine (1872-1915) et nièce de Boris de Schlœzer. Il s'agit du dernier livre théorique de Schlœzer, et du seul qu'il ait écrit en collaboration. L'idée centrale du livre est que, depuis le Moyen Âge, les musiciens n'ont cessé d'accroître leur emprise sur leur matériau, le son. La fabrication du son par les appareils électroacoustiques est le tournant décisif de cette évolution ; la composition électronique est analysée comme l'accomplissement du désir de " maîtrise du son " déjà présent dans les musiques dodécaphonique puis sérielle. Paru en 1959, ce livre anticipe à bien des égards le sens général des transformations de la musique depuis un demi-siècle. " S'il faisait jusqu'à présent de la musique avec des sons, le musicien fait maintenant des sons avec de la musique ": par cette formule paradoxale, B. de Schlœzer et M. Scriabine expriment la véritable révolution artistique et esthétique qu'ont connue, que connaissent encore, nombre des musiques d'aujourd'hui. La présente réédition contient la Postface écrite par Iannis Xenakis pour la réimpression du livre en 1977. Outre une introduction, cette réédition comporte également quatre articles importants de Boris de Schlœzer.
La musique classique (Haydn, Mozart, Beethoven) fut, pour la pensée philosophique, une nouveauté défiant les catégories usuelles de l'esthétique. Le premier à avoir parlé d'une " période classique de la musique ", Amadeus Wendt, ne le fit que rétrospectivement en 1836.L'ouvrage se propose alors de retracer la genèse conceptuelle de cette formule dans l'aire germanique (à la notable exception de Rousseau), en montrant l'émergence contemporaine d'un style et de son esthétique. Dès le premier romantisme allemand, la critique littéraire et la théorie de l'art ont bousculé le paradigme classicisant (celui de la sculpture antique) établi au milieu du XVIIIe siècle par Winckelmann. En redéfinissant le drame, elles ont préparé aussi bien la valorisation hégélienne de l'opéra, que celle de la symphonie comme musique autonome, à quoi on réduit trop souvent la pensée d'E. T. A. Hoffmann. Jouant le classique contre le classicisme, le dramatique contre l'opposition binaire de l'instrumental et du vocal, le romantisme a accompagné la musique classique et a rendu possible son esthétique.
Voir, savoir, représenter à l'ère de la photographie
Au cours du XIXe siècle, la notion de détail s'est imposée comme un outil théorique majeur pour l'appréhension des images et comme un élément essentiel de la réflexion sur la représentation et ses techniques. Stimulée par l'apparition de l'image photographique dont le rendu exceptionnellement détaillé a joué un rôle de catalyseur, la réflexion sur le détail a gagné différentes sphères culturelles. Tantôt qualifiés de " petits importants qu'il faut mettre à la raison " (Ingres) et dont on redoute l'" émeute " (Baudelaire) ou l'" ennui " (Delacroix), tantôt perçus comme les fondements de la vérité romanesque (Balzac) par ceux qui souffrent de l'" hypertrophie du détail vrai " (Zola), les détails se sont invités au cœur de nombreux débats tant artistiques que scientifiques. En mobilisant un vaste corpus de textes (romans, critiques d'art, essais journalistiques, ouvrages scientifiques), l'ouvrage offre un point de vue singulier sur la culture visuelle de l'époque constituée d'œuvres d'art, de reproductions d'œuvres d'art, de gravures, d'illustrations, de panoramas, d'expositions de tableaux ou encore d'albums photographiques. Ce faisant, il tente de participer, de façon résolument pluridisciplinaire, à l'élaboration d'une nouvelle histoire du regard à l'époque contemporaine.
Cet ouvrage explore les démarches d'artistes qui ne recourent jamais au hasard " par hasard ". Ils le pratiquent et le pensent au contraire à travers des méthodes rigoureuses où l'activité artistique croise la philosophie et les sciences. Le hasard est appréhendé en situation, dans sa dimension opératoire, à travers l'analyse des oeuvres, des méthodes et des textes d'une dizaine d'artistes et de musiciens dont les figures principales sont André Breton, Max Ernst, Marcel Duchamp, Pierre Boulez, John Cage et François Morellet. Distinct de l'accident et de l'informe, le hasard comme méthode se définit comme un exercice d'attention, une discipline qui interroge les limites de l'invention, le goût, la mémoire et l'oubli, les conditions de la perception. Comprendre ce qui est en jeu lorsque Cage assimile le hasard au silence, lorsque Duchamp le met " en conserve " ou que Breton cherche à " l'objectiver " conduit, dans chaque cas, à restituer un champ théorique spécifique qui permet à cette question de se déployer en dehors des oppositions classiques de l'ordre et du désordre, du contrôle et de la déprise, de la forme et de l'accident.