En 1900, la phénoménologie et la psychanalyse faisaient simultanément irruption sur la scène intellectuelle. Pendant quarante ans, Husserl et Freud développèrent avec une égale persévérance les formes de pensée qu'ils avaient instaurées, laissant derrière eux deux oeuvres considérables. Leurs derniers textes, qui analysaient la crise et le malaise affectant la culture occidentale, témoignaient alors semblablement d'une profonde inquiétude quant à l'avenir. Ils moururent tous deux, témoins des soubresauts liminaires de la Seconde Guerre mondiale et victimes des premières mesures antijuives du national-socialisme.Voisines malgré d'évidentes divergences, ces pensées parallèles semblaient devoir se rencontrer. Pourtant, lorsqu'il fut tenté, leur rapprochement demeura à chaque fois voué à l'échec, à la confusion ou à l'aporie. Loin de vouloir les faire converger, le présent ouvrage cherche au contraire à faire apparaître leurs singularités respectives. Il porte une attention particulière aux relations qu'on peut établir entre les textes publiés et les écrits de tous ordres qui reposent dans les archives. À leur croisement se laissent lire, à la fois, la pensée qui s'y exprime et la vie qui s'y joue. Le rapport de Husserl et de Freud à la religion, l'importance de leur rencontre avec Brentano ou la signification que revêtit pour eux la figure de Nietzsche se montrent alors sous un jour nouveau, tout comme certains motifs de provenance judaïque, que la phénoménologie dénie alors que la psychanalyse les assume et les intensifie.Docteur en philosophie, Jean-François Aenishanslin enseigne la philosophie et la psychologie à Lausanne. Il a précédemment publié Grammaire de la phénoménologie aux mêmes éditions.
Selon Heidegger, la phénoménologie ne serait pas une école de pensée ni un mouvement philosophique, mais la pure possibilité de " répondre en son temps à ce qui est à penser ". Pourquoi s'occuperait-on dès lors de l'histoire des diverses doctrines qui en revendiquent le titre ?Mais peut-on parler de " la " phénoménologie ? Plutôt que de présupposer une telle identité, on s'attache ici à une reconstruction possible de l'homonymie des phénoménologies, en prêtant attention à l'incessant remaniement de la logique qu'elles opèrent en relation avec la question du langage. Ce qui se trame alors sous le double nom de " phénoménologie " et de " grammaire ", c'est l'histoire d'un motif qui, de Lambert à Husserl en passant par Kant, Hegel et Brentano, hante la philosophie moderne jusque dans ses " déconstructions ".S'ouvre ainsi la possibilité d'une lecture de la Recherche que Husserl consacre à " l'idée de grammaire pure logique ", attentive à la synonymie des diverses grammaires philosophiques qui traversent l'histoire. On suit alors un chemin indiqué par Platon et Aristote, qui conduit des Alexandrins à Frege, des grammaires spéculatives à Peirce, de Port-Royal à Russell. Non que la question grammaticale ait le même sens, se réfère à la même chose, prétende à la même vérité dans chacune de ces formes de pensée, mais parce que la question de la grammaire renvoie toujours à cette autre : à quelles conditions le sens, la référence et la vérité sont-ils possibles ?
Sous l'intitulé commun de "déconstruction", la culture universitaire américaine multiplie depuis une trentaine d'années les rapprochements hâtifs entre les pensées de Wittgenstein et de Derrida. La plupart de ces entreprises reposent sur des lectures très stratégiques et souvent superficielles, masquant les affinités réelles entre ces deux penseurs. Il est pourtant possible de dégager un certain nombre de thèmes et de motifs communs. Parmi ceux-ci, le présent ouvrage compare notamment leur critique de la conception métaphysique du signe. Mais c'est surtout une posture philosophique, "hétérodoxe" et inattendue, qui paraît rapprocher Derrida de Wittgenstein. C'est la question de l'écriture et du style, celle de l'énonciation de la pensée qui devient emblématique de cette pratique philosophique, qu'il est désormais convenu d'appeler "déconstruction". C'est aussi l'occasion de faire la genèse de ce mot, d'en critiquer l'usage s'agissant de Wittgenstein, et d'en chercher un autre pour décrire une forme de pensée originale.
Le pivot de mon livre intitulé Le pragmatisme est sa description de la relation appellée "vérité", qu'on peut trouver entre une idée (opinion, croyance, énoncé, etc.) et son objet… Peu de critiques l'ont défendue, la plupart d'entre eux l'ont rejetée avec dédain. Il semble évident que le sujet est ardu, sous son apparente simplicité ; et évident aussi, à mon avis, qu'une solution définitive sur ce point marquera un tournant dans l'histoire de l'épistémologie, et par là même dans l'histoire de la philosophie en général. Afin de rendre ma propre pensée plus accessible à ceux qui pourraient avoir plus tard à étudier la question, j'ai réuni dans le présent volume tous mes écrits qui ont directement trait à la question de la vérité (William James).