Depuis les années 1970, l'articulation entre l'histoire de l'art et les questions propres au genre dans les pratiques artistiques produit une réflexion critique qui occupe, jusqu'à aujourd'hui, une place prépondérante dans la sphère de la recherche et de l'enseignement à l'échelle globale. Les luttes pour les droits des femmes et des personnes queers permettent de réfléchir aux formes esthétiques plurielles qui s'épanouissent dans une histoire politique, culturelle et sociale de l'art. Celle-ci, à son tour, ouvre à des enjeux scientifiques majeurs, renouvelant les paradigmes de la recherche de façon puissante. Ce qui est à souligner, quand on considère ces enjeux, c'est la façon dont l'histoire de l'art, quelles que soient les périodes concernées, agit comme une force motrice où les idées sont littéralement tractées du présent vers le passé ou vers un futur en devenir. Les objets étudiés, dans toute leur diversité, sont des jalons de processus historiques, théoriques, critiques et esthétiques entremêlés. À la lecture des essais qui composent ce volume, on comprend que leurs autrices et auteurs engagent des réflexions qui font de l'histoire de l'art un espace de possibles, cherchant à bouger les lignes (chronologiques, thématiques, épistémologiques), renversant toute définition unique de la discipline.
Pour son seizième numéro, la collection Histo.art souhaite souligner l'importance prise par les études sur la mode dans le champ de l'histoire de l'art. Il revient plus spécifiquement sur la période récente, celle des années 1980 et 1990, en particulier sur la scène française, marquée par de nombreuses expérimentations qui conjuguent à la fois la reconnaissance artistique et institutionnelle de la mode, et ses lieux de résistance plus alternatifs. Les deux dernières décennies du XXe siècle voient une accélération notoire des rapprochements entre art et mode, que cet ouvrage analyse en investissant un cadre conceptuel spécifique: la mode comme matérialisation des goûts, vecteur des politiques identitaires et plateforme de visibilité des apparences du corps. L'ambition de ce numéro est de procéder à un inventaire des expositions et des publications qui ne se comprennent pleinement qu'au croisement des récits et des outils de l'histoire de l'art et de la mode. Une occasion également de placer, en regard des grands courants de pensée de l'art contemporain, les productions d'une génération de designers de mode qui en alimentent et en reflètent l'esprit.
L'église médiévale est le lieu d'une synthèse artistique qui mobilise toutes les techniques et formes visuelles pour dialoguer avec l'architecture et son espace. L'intérêt du christianisme pour la production d'images, notamment figurées, pour les objets et pour la construction de bâtiments à la monumentalité recherchée, fait aussi du lieu ecclésial un espace habité, structuré et dynamique. Les contributions réunies dans ce volume abordent en quatre volets thématiques la manière dont le décor, les objets, les choix architecturaux donnent à la fois sens et forme à cette conception de l'église comme espace de mouvement. L'architecture, résultat de choix techniques et esthétiques inscrits dans leur temps, abrite des espaces différenciés par leur fonction, communiquant entre eux par des systèmes de seuils. Agencés par l'architecture elle-même, par des éléments de mobilier, ces zones acquièrent aussi leur sens et leur fonction grâce aux images monumentales et aux inscriptions, faisant échos aux rites et à leurs acteurs. L'autel et ses environs sont ainsi particulièrement valorisés par la présence d'objets, d'étoffes, participant par leur caractère mobile et amovible au déroulé du scénario liturgique. Voulue pour matérialiser la permanence de l'Église-institution, l'église de pierre existe grâce aux multiples interactions qu'elle accueille et qu'organisent les objets, éléments de mobilier, formes architecturales, images et discours visuels que le présent volume s'attache à mettre en lumière.
L'effet musée est envisagé ici dans son rapport à des fonds, à des dispositifs, à des controverses et à des jeux d'influences.Il s'agit d'abord de décrire le travail des établissements sur leurs objets, non seulement dans le choix de les collecter, mais aussi dans leur traitement, déterminant pour la vie sociale des collections. Les gestes d'exposition analysés ensuite manifestent l'omnipotence de l'institution sur ses espaces, entre démonstrations visuelles et expériences immersives. Enfin, l'effet musée s'opère sur ses publics, entre fascination, respect, jouissance, mais aussi malaise, voire colère. Ces effets contrastés révèlent les aléas de la légitimité sociale et culturelle des faiseurs de musées, quels que soient leurs statuts (État, associations ou collectionneurs). Ils dessinent plus largement un paysage d'amitiés et d'inimitiés envers l'institution, autour de ses installations et de ses valeurs.Résolument pluridisciplinaire, cette enquête collective réunit jeunes chercheurs et universitaires confirmés, et couvre une grande diversité de collections de la fin du XIXe siècle à aujourd'hui.Cet ouvrage, préparé sous la direction de Dominique Poulot, est le quatorzième volume de la collection Histo.Art, présentant les travaux de l'École doctorale Histoire de l'art de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Intentions, connaissance et projets à la période contemporaine
Le huis-clos dans l'atelier, où l'architecte exerce un art autoréférentiel, qui puise ses modèles en lui-même, plus que dans la nature, résonne de l'expérience et de la mémoire des visites in situ des édifices et des espaces réels, parfois parcourus lors de lointains périples. L'intention qui préside au choix du modèle, précède le processus de connaissance. Ce souci, ce désir, qui motivent les enquêtes et l'extension des corpus, participent d'un projet plus ou moins collectif ou individuel, plus ou moins intuitif ou explicité: une ambition d'édifier. De sorte que le moment, technique en apparence, de l'observation et du travail graphique, qui permettent de réduire un objet complexe à une série limitée de figures, ou de photographies, trouve son ressort dans un souci de distinction par la découverte et la compréhension d'objets inédits; par la révision des savoirs préétablis; ou puise son impulsion, parfois obscure, dans des expériences esthétiques ou mentales plus personnelles ou intimes.Quatorze essais, réunis ici par Jean-Philippe Garric, interrogent la mécanique et l'économie des modèles, à travers leur formation, leur pratique et leur portée politique.
Selon certaines habitudes visuelles occidentales fixes, le fond s'opposerait à la forme ou à la figure, l'avant au fond. Pour un tableau, une sculpture ou même pour une architecture, le rapport entre le fond et la forme qui s'y découpe révèle un certain ordre du monde symbolique, du moins signifiant. Or, cette hiérarchisation se voit précisément bouleversée aux XVIIe et XVIIIe siècles et l'inscription dans une compréhension du monde n'est plus si évidente. L'instabilité engendrée par ce renversements de valeurs met en lumière l'ébranlement des consciences de la seconde modernité, et cela sur plusieurs registres: spirituel, mais aussi politique ou encore sensible. Cette publication entend cerner la manière dont le questionnement sur la notion de fond dans les arts visuels s'articule à des enjeux plus généraux et propres à la période moderne, dont la sécularisation. Aborder une œuvre par le truchement du fond met donc en lumière grand nombre de ses spécificités.
Art et conditionnement psychologique (XIXe - XXIe siècles)
Ce volume intitulé Mind Control est consacré aux relations entre les expérimentations artistiques et les techniques de conditionnement psychologique au cours de la période contemporaine (XIXe-XXIe siècles). Il analyse la culture visuelle d'œuvres d'art qui jouent sur la reprise, le contre-pied, le déplacement voire l'instrumentalisation de divers protocoles mis en place dans les laboratoires de psychologie.Entre suggestion et hypnose, test comportemental et images subliminales, parasitage et lavage de cerveau, ce numéro croise des objets, des discours et des dispositifs d'influence très variés, de l'art de la publicité au cinéma expérimental, du " design pédagogique " à la vidéo, de la " musique d'ameublement " à la performance, jusqu'aux réseaux sociaux les plus récents, pour interroger les stratégies de persuasion et de contrôle dans nos sociétés contemporaines et le rôle des pratiques artistiques dans leur mise à distance ou leur détournement critique.Cet ouvrage, préparé sous la direction de Pascal Rousseau, est le onzième volume de la collection Histo.Art, présentant les travaux de l'École doctorale Histoire de l'art de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Croisements. Actualité de la recherche en histoire de l'art du XIXe siècle
La recherche est un chemin, une façon de traverser un champ et de dessiner en son sein des parcours inédits. Quatorze jeunes chercheurs tracent ici des chemins qui parfois s'entrecroisent, s'accompagnent, voire se confrontent. La réunion de leurs contributions rend visible de nouvelles manières de traverser le XIXe siècle, ouvre des perspectives, dit l'importance de certaines méthodes, et la fécondité du domaine exploré.Mythe de l'artiste, usages du passé, relation du texte à l'image, critiques d'art, sont quelques-uns de ces croisements. Leur intitulé dit bien l'ambition qui porte ceux qui témoignent ici de leur recherche : envisager l'histoire de l'art comme un carrefour disciplinaire, ouvert aux enjeux actuels d'une approche culturelle et sociale de l'art. Manière de remettre en tension les productions du passé et les questions d'aujourd'hui.
L'étude du cinéma comme source et agent de l'histoire a fait l'objet de nombreux travaux depuis ceux des pionniers des années 1960. Ce champ de recherche n'en reste pas moins jeune; il appelle l'invention constante des méthodes, le renouvèlement des objets et des sources, le dialogue avec des disciplines plus anciennes.C'est à ce vaste chantier que contribuent les auteurs réunis dans ce volume dont les thèses ont été dirigées par Sylvie Lindeperg. Cette jeune génération de chercheurs arpente de nouveaux territoires géopolitiques comme le bloc de l'Est, le Maghreb, le Rwanda. Elle forge des outils adaptés à ses curiosités et à ses questionnements – le cinéma militant, la création collective, la fabrique des images, la migration des imaginaires –, les envisageant dans leurs dimensions politiques, socio-culturelles, esthétiques et formelles.La première partie de l'ouvrage examine les liens du cinéma au politique, appréhendés à travers la question de l'engagement. Elle s'intéresse aux collectifs militants dans la France de l'après-1968, mais aussi à la fabrication des films dans des contextes non démocratiques – le bloc de l'Est et le Maroc d'Hassan II. La seconde partie porte sur le travail des opérateurs pendant la Seconde Guerre mondiale et lors du génocide des Tutsi. Elle interroge le rôle de ces images dans l'élaboration de la mémoire et des réminiscences du passé. Cet ouvrage, préparé sous la direction de Sylvie Lindeperg, est le neuvième volume de la collection Histo.Art, présentant les travaux de l'École doctorale Histoire de l'art de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Entre méconnaissance et représentations, les conditions et les modes de création artistique font l'objet de nombreuses interrogations pour l'historien de l'art. Les modifications de la nature et du statut de l'œuvre d'art, de même que la redéfinition des rapports entre les pratiques artistiques au cours du XXe siècle, et peut-être plus manifestement au tournant des années 1950-1960, soulignent l'importance de comprendre la création comme un processus.Cette publication propose de réfléchir aux conditions de la production artistique en tant que telle. Il s'agit de s'interroger sur l'élaboration, matérielle ou immatérielle, de l'œuvre d'art, non pour entretenir ou asseoir les représentations qui lui sont associées mais pour en saisir les ressorts, déceler les variations et en soulever les enjeux. En travaillant les différentes réalités et logiques de la création – matérielles, relationnelles, psychiques, psychologique –, qui font l'objet de nombreuses spéculations, ce volume propose d'éclairer le rapport, toujours complexe, de l'oeuvre à ses marges.
Les rapports des artistes du Nord à l'antique ont été complexes. Éloignés de la Ville éternelle, ils n'en ont pas moins été très tôt fascinés par l'image qui leur en parvenait. Le voyage à Rome devint peu à peu, au cours du XVIe siècle, une étape obligée dans la formation des artistes français, flamands, néerlandais et allemands. Si tous les artistes ne firent pas le voyage en Italie, les nombreuses découvertes des vestiges de l'antiquité classique – monuments, sculptures et autres objets – furent aussi diffusées dans toute l'Europe par les estampes. En 1605, le peintre et historien de l'art néerlandais, Carel van Mander, souligne ce phénomène. Selon lui, " des fouilles rendirent au jour quelques-uns de ces beaux marbres et de ces bronzes qui vinrent éclairer l'art, ouvrir les yeux de ses adeptes et leur apprendre à discerner le beau du laid par la connaissance de ce qu'il y a de plus parfait dans la création, aussi bien pour ce qui concerne la forme humaine que celle des animaux … ". À partir de six études de cas, menées par des jeunes chercheurs dans le cadre de leur thèse de doctorat, ce volume explore cette présence du modèle l'antique chez des artistes du Nord, au XVIIe siècle, dans des domaines aussi divers que le livre d'emblèmes (Vaenius et les livres d'emblèmes), le costume à l'antique dans les fêtes princières de la cour de Lorraine au début du XVIIe, une iconographie (la figure d'Hermathena dans l'Anvers de Rubens et dans la Haarlem de Goltzius), un Cabinet d'amateurs du Musée des Beaux-Arts de Dijon, l'architecture antique dans les Provinces Unis (ca. 1630 – 1650) et enfin le dialogue instauré entre l'antique et la tradition biblique par Poussin (La Récolte de la Manne, vers 1639).
En moins de deux siècles, la photographie a profondément bouleversé notre culture de l'image comme notre rapport à la création artistique. Depuis les années 1980, les études photographiques se sont constituées autour de grands repères: les questions de l'invention et du progrès des procédés techniques, le statut artistique des photographies, la figure même du photographe ou bien encore la part du " photographique " dans les avant-gardes artistiques. Cependant, l'histoire de la photographie ne peut procéder par simple accumulation de ses objets. Il s'avère donc nécessaire de fédérer les approches et les thématiques, les régimes d'historicités et les courants théoriques. En apparaissant graduellement dans l'histoire des représentations, la photographie est devenue le prétexte à des tentatives et à des innovations protéiformes, qui sont chaque fois des expériences de ses propres potentialités et, symétriquement, des expériences sociales du rôle des images dans la culture. Parce que tout est nouveau à partir du milieu de XIXe siècle, pour la photographie comme pour ceux qui s'y trouvent confrontés, l'expérience devient une dimension constitutive de son historicité.