Créer ensemble : collaborations au long cours dans le cinéma et les arts de la scène
À l'ère de l'individualisation des carrières et du management par projet, est-il encore possible de créer à plusieurs et sur le long terme? Ce numéro de Double Jeu rassemble des spécialistes de cinéma et de théâtre autour de la question des collaborations artistiques au long cours. À partir de cas singuliers, passés ou présents, de solidarités artistiques profondes et durables dans le champ du cinéma et des arts de la scène, les différents textes montrent comment la création collective affecte les relations entre les personnes (amitié, rivalité…), remet en cause le statut d'"auteur", et nous amène à repenser l'art au prisme des techniques et des métiers plutôt que comme l'acte d'un génie individuel.
La fin de la pandémie de la Covid est l'occasion d'interroger les régimes de fiction du cinéma et du théâtre construits sur la thématique de la contagion. À travers la capacité d'un virus à modifier un corps, elle pose la question du Moi qui devient un Autre, en touchant donc à l'intégrité physique mais également à l'identité sociale des individus. L'ensemble des sept articles réunis dans ce numéro de Double Jeu propose des tentatives de réponse aux angoisses que suscite toute réflexion sur le virus. Elles sont organisées selon deux parties, chacune articulée sur des fictions épidémiques en scène et à l'écran. La première, "Altérations physiques", porte sur des cas de contagion pathologique tandis que la seconde, "Dégradations mentales", s'appuie sur des œuvres où ce qui est transmis ne relève pas seulement de la maladie, mais s'entend dans un registre métaphorique ouvrant sur une dimension réellement esthétique.
Exils : mettre en scène les phénomènes migratoires en Europe depuis 2000
Depuis le début des années 2000 et surtout depuis la crise humanitaire de 2015, les questions migratoires mobilisent l'attention des médias dans lesquels reviennent régulièrement les traversées meurtrières de la Méditerranée et de la Manche, ou les arrivées chaotiques dans des pays européens assez peu préparés à un tel accueil. Ces expériences donnent lieu à une littérature ou des formes artistiques "exiliques". On assiste ainsi, depuis les années 2000, à une production importante, à l'échelle européenne, de films et de pièces de théâtre, qui se sont confrontés à l'écriture cinématographique et théâtrale du fait de société qu'est l'immigration. Arts engagés par excellence, le cinéma et le théâtre accompagnent ainsi ces parcours de migrants, donnant un visage plus humain à des millions de voyageurs anonymes. Comment le cinéma et le théâtre contemporains européens appréhendent-ils la question migratoire et celle de l'exil par rapport à la littérature, par rapport à d'autres cinématographies et écoles théâtrales dans lesquelles sont ancrés historiquement ces motifs? Comment articuler le geste documentaire, qui permet d'investir "l'ici et maintenant" du réel, avec la part fictionnelle et esthétique du cinéma et du théâtre au risque du romanesque? Théâtre et cinéma donnent un visage humain à l'exil mais pas seulement; ils doivent nourrir aussi l'analyse politique. Comment les artistes interpellent-ils les citoyens sur ces situations tragiques dont les dépêches factuelles et innombrables tendent à dissoudre la gravité? Comment les mises en scène proposées peuvent-elles responsabiliser les spectateurs, au-delà du temps de la représentation? Comment, enfin, s'articulent le regard poétique d'un côté et le propos politique de l'autre?Numéro dirigé par Yann Calvet et Marie Cleren. Avec les contributions de Delphine Edy, Anne Schneider, Julia Wahl, Delphe Kifouani, Guglielmo Scafirimuto, Léa de Truchis, Virginie Brinker, Camille Cellier, Sophie Lacombe et Laura Lahaye Vantroyen.
Longtemps restés à l'ombre des ateliers et des studios, les décorateurs se trouvent rarement au centre de l'attention. Loin des usuelles perspectives dramaturgiques ou auteuristes, ce numéro de Double Jeu propose de mettre en lumière les techniques et le savoir-faire de ce groupe professionnel. Au croisement du théâtre et du cinéma, il interroge les manières de penser et fabriquer les décors: comment sont-ils conçus? Quel est leur rôle et leur statut?Les textes organisés en trois axes problématiques questionnent les méthodologies d'approche du décor au regard des diverses ressources mises à disposition dans les fonds d'archives. Forts de ces premières recherches, les auteurs écrivent une histoire des pratiques et examinent les processus de représentation du réel au théâtre, au cinéma mais aussi à l'opéra entre le XIXe et XXIe siècle.
L'œuvre et les institutions : approches internationales
En novembre 2018, la journée d'étude "L'œuvre et les institutions" a réuni des participants de différentes disciplines: arts du spectacle, histoire, sciences politiques, sociologie. Ce numéro de Double Jeu propose un retour sur cette journée d'étude en se concentrant sur des études de cas internationales (Amérique, Chine, Europe, Moyen-Orient). L'ouverture sur le monde a en effet permis d'enrichir nos méthodes dans une optique comparatiste. On a pu constater un intérêt pour les sources orales, les entretiens, les critiques dramatiques et journalistiques, traités avec la distance scientifique nécessaire qui vient compléter, renseigner et interroger les phénomènes de censure ou bien éclairer des processus de (dé)légitimation et une forme d'hégémonie culturelle. Le croisement de l'histoire culturelle et de la sociologie enrichit les perspectives, tandis que le travail sur le temps présent s'inspire du regard sur le passé, et vice versa.
Ce numéro de Double Jeu est consacré aux traces écrites que les spectateurs laissent de leur expérience des films ou des spectacles. Les articles rassemblés ici s'intéressent tous aux formes de distance qui se creusent entre les spectateurs et ce qu'ils voient: distance d'un passé sans cesse grandissant pour les films, une fois révolu le temps de la projection, distance entre des cultures dans le cas des spectacles vus ou venus d'ailleurs. Par quels mots, par quels gestes remédier à l'éloignement tout en l'assumant? Explorant cette question, les articles de ce numéro rendent sensibles à l'autonomie des réactions et à la liberté d'invention des spectateurs.
Violences et passions : retour sur Henry Bernstein
Si les pièces d'Henry Bernstein ont connu un immense succès durant un demi-siècle, elles ont, depuis la Seconde Guerre mondiale, presque totalement disparu des scènes françaises. C'est grâce à Alain Resnais que Bernstein a été redécouvert avec surprise par ceux qui voyaient seulement dans son théâtre – que beaucoup n'avaient certainement jamais lu – matière à divertissement bourgeois. Ce volume de Double Jeu ne propose pas une défense et illustration des pièces de Bernstein, mais une mise en perspective de son théâtre et un retour sur l'itinéraire d'un homme qui s'est engagé dans tous les combats de son temps. À partir notamment du riche fonds d'archives déposé à l'Imec par sa petite-fille, Catherine Bernad, ce numéro éclaire certains aspects d'une oeuvre et d'une carrière d'auteur dramatique faites de violences et de passions!
François d'Assise est sans doute le saint qui a fait l'objet du plus grand nombre de portraits cinématographiques: une vingtaine de films du début des années dix jusqu'à nos jours. De la critique d'ordre figuratif et esthétique des stéréotypes que la culture a imposés dans Les Onze Fioretti de François d'Assise (Francesco, giullare di Dio, 1950) de Roberto Rossellini aux images d'Épinal du François d'Assise de Michael Curtiz (Francis of Assisi, 1961), de l'image du révolté contestataire du François d'Assise de Liliana Cavani (Francesco di Assisi, 1966) à celle plus politique de Pier Paolo Pasolini dans Des oiseaux, petits et gros (Uccellacci e uccellini, 1966), le cinéma offre un large éventail de représentations du Saint et de l'héritage franciscain dont l'actualité s'inscrit dans un dialogue avec le présent. L'esthétique cinématographique elle-même s'imprègne aussi de franciscanisme dans certains films de Federico Fellini ou de réalisateurs contemporains comme Michelangelo Frammartino.
Marcel Achard, prince du théâtre de boulevard et scénariste prestigieux, réunit en sa personnalité une relation amour-haine avec le cinéma qui fut celle d'une génération entière d'écrivains et de dramaturges (Henri Jeanson, Henri Bernstein, Sacha Guitry…). On voit bien à travers les meilleures prestations cinématographiques d'Achard (la collaboration avec Ernst Lubitsch sur La Veuve joyeuse, L'Alibi de Pierre Chenal, L'Étrange M. Victor de Jean Grémillon, et surtout l'admirable Madame de… de Max Ophuls) qu'il possédait un sens et une ambition scénaristique qui allaient bien au-delà du dialogue bien troussé. Quoique de façon inégale, La Valse de Paris, sa propre réalisation, situe sa sensibilité. C'est cette zone franche entre cinéma et théâtre que le présent numéro entend explorer.
Cinéma et théâtre américains : influences, relations, transferts.
Cinéma et théâtre américains: si loin, si proches? Ces deux univers artistiques n'ont cessé de s'entremêler depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, dessinant un paysage complexe. C'est à tenter de le décrypter que s'attachent les études réunies dans ce numéro. Rapports entre Broadway et Hollywood, adaptations et captations de pièces de théâtre ou de performances, réflexion sur le lien et la césure entre la scène et la salle, interrogation sur les modalités de la représentation cinématographique du théâtre et des acteurs: tels sont quelques-uns des enjeux traités dans ce 11e volume de Double Jeu.
Ce nouveau numéro de Double Jeu se propose d'analyser, à travers plusieurs exemples de films, de séries et de spectaclescontemporains, le geste qui consiste à mettre en scène et en crise différents dispositifs du pouvoir, à la lumière des nouveaux enjeux d'intervention de l'art dans le domaine politique.