Notre enquête part d'une équation qui, pour être évidente dès le départ, ne pouvait être résolue qu'avec les outils de l'histoire transnationale. Le communisme après octobre 1917 s'incarna, de 1919 à 1943, dans une Internationale organisée et polarisée par Moscou. Il sécréta aussi un nouvel internationalisme autour de nombreuses causes, provoquant des moments globaux de protestation et une myriade d'organisations à portée révolutionnaire, antifasciste et anti-impérialiste. En quoi le Komintern fut-il une start-up pour des projets et des combats d'envergure globale qui marquent encore le monde contemporain ? C'est l'objet de ce dossier que de tenter d'apporter des réponses à cette question.
1914-1918 hors d'Europe. Mobilisations et interprétations
Sous prétexte que la guerre de 1914-1918 fut essentiellement européenne – par le nombre de morts et ses enjeux –, longtemps, les historiens ont négligé d'en faire une histoire globale. Cette guerre fut pourtant mondiale, et ce numéro veut en rendre compte. Il a pour objectif de décentrer le regard, de sortir le conflit d'Europe et des tranchées de France, de faire voyager le lecteur du Canada à l'Inde, du Japon et de la Chine à l'Argentine, de l'Australie aux Balkans et à l'Empire ottoman. Cette guerre fut-elle mondiale au point d'être, à l'instar de celle de 1937-1947, une " guerre-monde "? Ce point vaut d'être débattu.
Le coup d'État du 11 septembre 1973, qui mit fin à l'expérience de l'Unité populaire et inaugura la longue dictature du général Pinochet, ne fut pas seulement une rupture dans l'histoire politique du Chili, mais aussi un véritable événement-monde en raison des passions qu'il déchaîna, du symbole qu'il représenta au coeur de la Guerre froide et de la médiatisation dont il fut l'objet. Ce numéro de Monde(s) entend ouvrir de nouveaux chemins visant, sinon à déprovincialiser l'histoire du Chili, du moins à projeter le 11 septembre 1973 dans un espace mondial et à établir un dialogue entre des contextes historiographiques traditionnellement déconnectés les uns des autres.
En privilégiant une approche d'histoire sociale centrée sur les juristes internationalistes, en articulant parcours individuels et collectifs, mais aussi circulations internationales et production juridique, ce numéro invite à repenser la métaphore du métier de ces faiseurs de droit, milieu professionnel et élite lettrée.