"Quand une sainte ne saigne pas, elle écrit."Et parfois aussi elle: triomphe dans un procès, tient tête (et yeux et dents), se bat en armure, prend la pose, parle avec les animaux, emporte nos superstitions, donne du courage aux malades, protège les putes, fume le cigare, expose sa pilosité, trouve de l'or dans le fumier du patriarcat.
Eigensinn tient son titre d'un mot allemand, qui veut dire à la fois l'obstination (patiente ou rebelle), le sens et le maintien de soi: autrement dit, "Eigensinn" désigne diverses formes d'entêtement, tant individuelles que collectives.On l'utilise à la fois pour nommer l'indocilité de l'enfant dans le conte des frères Grimm ("Das eigensinnige Kind"), pour qualifier la ténacité d'Antigone face à l'arbitraire des lois, mais aussi pour décrire les formes de résistances obliques inventées par les ouvrier·e·s du xixe siècle afin de ralentir la cadence, de se réapproprier leur espace de travail ou de blaguer dans le dos des contremaîtres.Chaque numéro d'Eigensinn se présente comme une collection d'études rusées sur lieux communs, dans laquelle différents savoirs et disciplines entrent en dialogue autour d'un sujet peu interrogé ou d'une idée ressassée. L'enjeu est d'éclairer une thématique en apparence banale, de l'enrichir (au sens quasi métallurgique du terme) de manière à créer un objet à la fois composite et cohérent.Face à la précarisation des conditions de travail à l'université et à la mise en concurrence généralisée des chercheur·e·s, Eigensinn persiste à penser qu'il n'y aura de résistance que collective, et que le travail revuistique y contribue.Eigensinn tient aux savoirs et à la culture universitaire, avec les libertés qu'elle donne, les espaces qu'elle préserve et les alliances hétérogènes qu'elle rend possibles.