L'immigration algérienne des années 1950-1970 reste largement pensée comme une immigration masculine et temporaire, qui ne trouve à se loger que dans des bidonvilles et des foyers Sonacotra. Dans cette perspective, l'instauration du regroupement familial en 1976 est généralement présentée comme un tournant majeur pour la société française, dans lequel l'extrême-droite voit l'origine de la crise des banlieues. Pourtant, entre 1945 et 1975, le nombre de familles algériennes en France était déjà passé de quelques milliers à 100 000 environ. L'enjeu de cette recherche est de découvrir l'histoire de ces premières familles algériennes en France, et les conséquences qu'a eu l'indépendance sur elles. Cette recherche s'est appuyée à la fois sur des archives administratives et po ...
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L'immigration algérienne des années 1950-1970 reste largement pensée comme une immigration masculine et temporaire, qui ne trouve à se loger que dans des bidonvilles et des foyers Sonacotra. Dans cette perspective, l'instauration du regroupement familial en 1976 est généralement présentée comme un tournant majeur pour la société française, dans lequel l'extrême-droite voit l'origine de la crise des banlieues. Pourtant, entre 1945 et 1975, le nombre de familles algériennes en France était déjà passé de quelques milliers à 100 000 environ. L'enjeu de cette recherche est de découvrir l'histoire de ces premières familles algériennes en France, et les conséquences qu'a eu l'indépendance sur elles. Cette recherche s'est appuyée à la fois sur des archives administratives et politiques disponibles, sur des entretiens et sur les archives privées de Monique Hervo, " établie " dans les bidonvilles et les cités de transit de Nanterre. Elle combine ainsi l'analyse des politiques menées à l'échelle nationale, l'analyse des pratiques des acteurs locaux, et celle de l'expérience vécue des migrants. À partir de ces matériaux inédits, une autre image de l'immigration algérienne se dessine. Celle-ci a en effet globalement profité de la croissance. Une minorité de familles a connu l'exclusion dans les bidonvilles et les cités de transit, mais la plupart des jeunes ménages se logeaient dans des conditions proches de celles des ouvriers de l'époque dans les taudis et petits logements de Paris et sa banlieue. Les familles nombreuses ont bénéficié d'un accès précoce au logement social, qui s'est accéléré dès la fin des années 1960. Dans le même temps, l'existence des bidonvilles et les quelques zones de concentration des Algériens ont servi de prétexte au développement d'une politique d'immigration familiale discriminatoire à leur égard. Cette thèse montre comment le logement a été un outil de sélection des familles algériennes autorisées à s'installer en France. À la fin des années 1970, les discours hostiles et les politiques visant à exclure les Algériens n'ont pas remis en cause l'enracinement de la plupart d'entre elles, déjà ancien. Néanmoins la crise économique a entrainé une importante rupture dans le processus d'intégration socio-économique amorcé au cours des années 1960.