S'étant raréfiée dans les récits occidentaux, la présence animale se limiterait-elle de nos jours aux contes africains et créoles, sous prétexte que l'humain n'y aurait pas coupé tout lien qui le rattache encore aux bêtes? Ce n'est pourtant pas tout à fait ce que nous disent les récits animaliers de Patrick Chamoiseau, de Patrice Nganang, d'Alain Mabanckou ou d'Ananda Devi, qui semblent privilégier pour la plupart d'entre eux la présence du moins exotique ou du plus urbain des animaux: le chien, tantôt domestiqué, tantôt sauvage. Il leur paraît autrement plus important de souligner que la figure animale, telle que leurs récits la décrivent, est invariablement celle, inférieure et subalterne, que l'Occident réserve encore à ceux qu'il a autrefois soumis. S'en dégage une histoire moins de la race que de la trace. Écrire, alors, revient à traquer plutôt qu'une origine perdue, la trace de ce passage inouï, voire inaudible, des sans-voix, qui seule nous permet de mieux revenir sur nos pas. Or que trouve-t-on à remonter la filière animale? Ces bêtes souvent n'ont d'existence que livresque, chiens de papier et porcs épiques bondissant d'une œuvre à l'autre jusqu'à nous, humanimalement.