Issu d'une conférence consacrée à Spinoza, ce petit ouvrage nous propose une expérimentation philosophique audacieuse. Que se passe-t-il si nous réintroduisons le temps vivant dans la doctrine de la Substance éternelle, au point d'en faire un attribut de Dieu? L'hypothèse d'une réalité en devenir conduit à redéployer le système de l'Éthique dans l'espace-temps à quatre dimensions: sous l'appareil des démonstrations more geometrico se découvrent alors les intuitions profondes d'une pensée qui nous est contemporaine malgré toute son étrangeté. Cette lecture créative d'un classique de la métaphysique apporte un nouvel éclairage à des questions vitales, sinon intemporelles: la signification de la totalité (" Dieu " ou " Nature ") pour des êtres finis, la possibilité de concilier l'esprit scientifique et le sentiment religieux, l'exaltation intellectuelle et la vénération…Philosophe juif né en Australie, professeur à Oxford puis à Manchester, Samuel Alexander (1859-1938) est l'auteur d'une oeuvre originale et méconnue touchant des questions de métaphysique, d'éthique et de philosophie de la religion. Héritier d'Einstein et de Darwin, proche des " nouveaux réalistes " de l'école anglaise (Russell) et du courant " émergentiste " (Lloyd Morgan, Broad), il fut l'un de ceux qui, à l'instar de Bergson et Whitehead, affirmèrent avec force la nécessité de " prendre le temps au sérieux ".
Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne suivie d'extraits de la Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne
La Note sur M. Bergson fut publiée par Péguy en 1914, quelques mois avant sa mort. Ce plaidoyer passionné d'un fidèle de la première heure, porté par une prose obstinée et lancinante, nous replace dans l'élan générateur d'une pensée. Il nous rappelle à quel point le bergsonisme, réduit par ses adversaires de tous bords à une forme d'irrationalisme, fut d'abord " une rupture, une déliaison vive et comme acharnée " par rapport aux habitudes intellectuelles les mieux ancrées. " Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise pensée. C'est d'avoir une pensée toute faite. " Camille Riquier, qui préface le texte et en restitue les enjeux, a rétabli la composition originale de la Note telle que l'avait conçue Péguy, rythmée par un jeu déconcertant d'italiques et de blancs. Une sélection de passages tirés d'une note posthume consacrée à la philosophie cartésienne vient compléter ce portrait d'un auteur désormais classique et pourtant toujours explosif.
Méditations philosophiques sur quelques sujets se rapportant au poème (1735)
" Presque tous les êtres qui sentent vivement les arts font un peu plus que de les sentir; ils ne peuvent échapper au besoin d'approfondir leur jouissance. " Cette remarque de Paul Valéry résume parfaitement l'esprit qui a présidé à l'introduction, au cœur du XVIIIe siècle, de l'idée et du vocable même de l'" esthétique ".La paternité de ce néologisme revient à Alexander Gottlieb Baumgarten, auteur d'une célèbre Aesthetica en deux volumes; mais sa première occurrence remonte à un opuscule de 1735, les Méditations philosophiques sur quelques sujets se rapportant au poème. De ce texte généralement méconnu, Jean-Yves Pranchère propose ici une traduction révisée et annotée.La préface qu'y joint Pierre Sauvanet met en perspective une version inhabituelle de l'affaire esthétique, dont l'objet apparaît à la fois plus large et plus précis que chez des philosophes ultérieurs tels que Kant ou Hegel. Plus large, puisque l'esthétique de Baumgarten se présente comme une théorie générale de la connaissance sensible. Plus précis cependant, dans la mesure où c'est bien le poème qui condense de manière exemplaire toutes les qualités sensibles que devra élucider l'enquête esthétique, laquelle se trouve dès lors essentiellement liée à la rhétorique et à la poétique, et même plus spécialement à des questions de mètre et de rythme. Baumgarten recommandait, parmi d'autres exercices, qu'on écrivît chaque jour un poème. Qu'il y ait là un enjeu proprement philosophique est déjà une bonne raison de revenir à ce texte.
1905: avec la théorie de la relativité restreinte, Einstein invente un nouage de l'espace et du temps qui révolutionnera bientôt toute notre vision de l'univers. 1911: le physicien Paul Langevin donne de cette mécanique non-newtonienne deux présentations aussi lumineuses que précises, à l'adresse des non-spécialistes et spécialement de ses collègues philosophes. Au congrès international de Bologne où se côtoient Durkheim, Russell et Bergson, puis dans une conférence vivement discutée à la Société française de philosophie, il met à nu la structure conceptuelle de la relativité tout en soulignant ses conséquences les plus remarquables. Pour illustrer le phénomène du " ralentissement " des horloges et dramatiser le fait fondamental de la pluralité des temps, il s'inspire librement d'un récit de Jules Verne et imagine la manière dont un astronaute mesurerait la durée depuis son engin spatial. Ce " voyage en boulet ", ancêtre du célèbre " paradoxe des jumeaux de Langevin ", n'a cessé de susciter la perplexité depuis sa première formulation.