Le présent ouvrage est le fruit d'un colloque international qui s'est tenu en 2021 à la faculté des lettres de Sorbonne Université, à l'occasion du dixième anniversaire de la disparition du professeur Jacqueline Dangel. Il a réuni des spécialistes des littératures grecque et latine autour de la question des représentations du lecteur dans la poésie antique.C'est à la présence du lecteur et à ses relations avec l'auteur et à leur impact sur le texte lui-même que s'intéressent les différents articles ici regroupés, en s'interrogeant sur la pertinence, pour les corpus antiques, de certaines notions définies par Umberto Eco et l'école de Constance. Sont ainsi explorés les multiples visages du " lecteur empirique ", l'inscription dans le poème de la confrontation de ce lecteur empirique avec le " lecteur modèle ", la dialectique qui préside aux rapports du poète et du lecteur lorsque le second est impliqué par le premier dans le processus de création, la position particulière du lecteur dans des performances (théâtre, récitations) qui constituent, pour les Anciens, des formes de lecture, ou encore le statut de la lectrice, qui peut être représentée par un auteur ou par une autrice. Ces questionnements mettent à l'épreuve des théories de la réception des œuvres empruntées à des ères chrono-culturelles variées, depuis la Grèce archaïque et classique jusqu'à la latinité tardive, en passant par la latinité classique et impériale, avec une incursion du côté du néo-latin.
Contribution à une histoire de l'idée d'épopée d'Hérodote à Tzetzès
En Grèce ancienne, l'épopée, en tant que genre littéraire, a été en grande partie éclipsée par la place prééminente accordée au " divin Homère " dans tous les domaines de la culture. Modèle absolu, non seulement de toute forme de poésie, mais aussi de toute littérature, source de tous les savoirs, Homère est irréductible au genre épique. Or, la dimension d'autorité qui lui est conférée ne laisse guère de place pour d'autres poètes. En outre, contrairement à la tragédie ou à la comédie par exemple, l'épopée n'a pas de nom spécifique: elle est souvent désignée uniquement au moyen du terme poiesis, " poésie ", ou reçoit des appellations diverses liées au vers employé, l'hexamètre dactylique.Toutefois, un certain nombre de grammairiens d'époques impériale et byzantine remettent sur le métier les définitions de la poésie épique. Le présent volume prend le parti de se fonder sur ces conceptions tardives et retrace leur formation à partir des textes plus anciens. Hérodote, Platon et, bien sûr, Aristote proposent déjà des définitions partielles et partisanes, mais déterminantes pour celles qui suivront.Quelles sont les diverses appellations du genre épique? Comment est-il caractérisé? Comment les Anciens le conçoivent-ils au sein des genres littéraires? Analysant la formation des définitions du genre épique et donnant accès à un corpus de textes théoriques traduits ici pour la première fois en langue moderne, l'ouvrage, qui s'adresse aussi à un public non-helléniste, se veut utile à toute personne s'intéressant aux théories de l'épopée, et plus largement, aux théories des genres littéraires.
L'érotisme féminin est l'un des thèmes les plus fascinants de la littérature antique. Cependant, les travaux qui s'y intéressent considèrent souvent la littérature comme une source à partir de laquelle reconstituer la réalité des pratiques et des mœurs du monde romain. C'est une perspective différente qu'adopte cette étude des représentations du désir féminin chez les poètes latins de la fin de la République au Haut-Empire : le désir féminin est observé en tant qu'objet construit et modelé par la littérature, qui doit avant tout aux codes génériques, à la langue poétique et à ses spécificités, ou encore à certains traits auctoriaux. La poésie est à la fois un espace de liberté et un espace de contrainte pour le sujet érotique : le poète joue avec les codes du genre et met en place des stratégies pour rendre la représentation du désir de la femme acceptable, dans un contexte culturel où il est condamné, voire nié. La forme poétique exerce une influence considérable sur la représentation du désir et ses modalités : c'est alors le processus de construction de cet objet par le poète que nous mettons en lumière. Cet ouvrage éclaire, dans une première partie, les différents types de condamnations de la libido féminine chez les poètes et les différentes représentations qui leur sont associées. La deuxième partie étudie l'exaltation du désir féminin et les formes qu'il prend lorsqu'il est chanté par des poètes masculins.
Quinze spécialistes de langues anciennes abordent dans le présent volume des questions variées sur la phonologie, la morphologie, la syntaxe, le lexique, l'onomastique, et la diffusion de systèmes d'écriture dans des contextes d'interrelations linguistiques. Leurs contributions explorent, d'une part, les influences du grec ancien sur d'autres langues et vice versa, et, d'autre part, les mécanismes qui déterminent les relations entre les divers dialectes du grec ancien. Ces deux regards complémentaires élargissent le panorama des études sur les contacts linguistiques dans la Méditerranée antique, en ouvrant de nouveaux sentiers de recherche par rapport à deux phénomènes qui sont fondamentalement parallèles.
L'épigramme est le genre littéraire le plus bref qu'ait connu l'Antiquité romaine. C'est aussi le plus productif. Des premières adaptations, sous influence hellénistique, jusqu'aux VIe et VIIe siècles de notre ère, il a été particulièrement prisé à Rome. Sa pratique impose au lecteur une attention aigüe aux détails du style et illustre l'ingenium du poète. Les études réunies dans ce volume proposent des analyses nouvelles sur ce qui caractérise la stylistique et, par-delà, la poétique de l'épigramme: aspects métriques, outils rhétoriques à l'œuvre, de la figure de style aux manipulations syntaxiques, jeux intertextuels et enjeux métapoétiques. Les divers aspects des techniques propres à ce genre poétique, abordés ici, sont aussi au service de l'exercice périlleux de la traduction, plus ardu encore, du point de vue stylistique en tout cas, dans le genre épigrammatique, que dans tous les autres.
Les treize études réunies dans ce volume sont consacrées au phénomène de la dérivation depuis l'indo-européen (sanskrit védique, tokharien, vieux norrois, vieux slave, grec ancien, latin) jusqu'à nos langues modernes. Les contributions réunies ici proposent, pour une part d'entre elles, de nouvelles hypothèses sur l'origine de certains suffixes, tandis que d'autres exposent les résultats de leurs évolutions et leur productivité. Les observations synchroniques et diachroniques sur le comportement suffixal concernent à la fois la sémantique, la question du développement du vocabulaire spécialisé et celle de leur rôle proprement grammatical, en particulier le rapport entre adjectif et substantif. Une contribution centrée sur l'accentuation forme la conclusion de l'ensemble.
L'usage de versions abrégées des œuvres littéraires de tous les domaines, de l'ouvrage de botanique à l'ensemble de l'œuvre d'un historien comme Tite-Live, est extrêmement courant dans l'Antiquité. Ces résumés ont des formes variées, qui vont des " sommaires " (periochae) à la sélection d'extraits (épitomé), en passant, entre autres, par la paraphrase; l'absence de cadre théorique, dans le monde gréco-romain, explique une telle diversité. Les contributeurs de ce volume se sont intéressés à des cas particuliers de résumés antiques, en s'interrogeant sur les pratiques à l'œuvre dans des domaines précis: les ouvrages scientifiques et techniques (médecine, astronomie, histoire) et le contexte rhétorique et scolaire (poésie, commentaires scolaires). Ils observent, chez les Anciens, un usage surprenant, pour le scientifique moderne, du résumé. En effet certains savants, en Grèce et à Rome, au cours de la rédaction d'un ouvrage, n'hésitent pas à puiser dans des résumés, et non dans les œuvres intégrales, tandis que d'autres vont jusqu'à ajouter des éléments aux sources qu'ils abrègent, voire à " réinventer " l'œuvre qu'ils résument. Dans le contexte scolaire, les résumés ont un rôle particulièrement important, dont les épitomateurs anciens sont souvent parfaitement conscients: les suppressions et les modifications manifestent une attention particulière à tel ou tel lectorat et le résumé a ses propres enjeux dans la transmission de toutes les formes de littérature.
À partir de tous les types de textes disponibles, les actes de ce colloque international invitent à s'interroger sur les mots et les discours relatifs à la ville dans les territoires où l'on a parlé grec au cours de l'Antiquité et du Moyen Âge. L'étude du vocabulaire et du langage vise à mieux comprendre le sens des mots eux-mêmes, leur évolution dans le temps, leur variation selon les régions et la diversité de leurs usages dans des écrits de nature différente. Elle a aussi pour but d'expliciter les représentations mentales qui tout à la fois sous-tendent l'usage de ces mots et en résultent. Comment les mots de la ville se façonnent-ils? Comment les mots façonnent-ils la ville?Les articles, consacrés à un terme pris isolément, à une famille lexicale, à un champ sémantique ou à une œuvre concernant des mondes urbains réels ou fictifs, examinent la ville dans son ensemble, ses édifices, les activités conçues comme proprement urbaines, ou les personnes qui y vivent. Ils sont répartis en quatre chapitres intitulés "Des hommes et des villes", "Composantes et composition de l'espace urbain", "Nommer et classer les villes" et "Des villes dans un empire".