Une nouvelle archéologie du commerce et des techniques
L'Empire romain, le plus vaste et le plus peuplé du monde, avec sa société très urbanisée et son impressionnante architecture, ne sera jamais dépassé durant toute la période préindustrielle européenne. Si Rome a bénéficié d'un gouvernement central et d'une bureaucratie efficaces, d'une armée professionnelle bien entraînée, d'un appareil monétaire stable et d'un système juridique fonctionnel, l'Empire a pourtant fini par décliner et disparaître.On a longtemps attribué les succès puis les échecs de l'Empire au fait que sa richesse et sa splendeur ne résultaient pas d'une économie performante, mais de l'exploitation que subissaient les pauvres et les provinces. Cet ouvrage brasse un grand volume de nouvelles données archéologiques qui modifient la vision historiographique établie : il montre en effet que la société romaine pratiquait très largement le commerce et avait développé une production qui impliquait des innovations technologiques considérables.
Le droit international de l'environnement, souvent présenté comme un droit empreint de jeunesse, a en fait atteint une certaine maturité. Né dans la mouvance de la Conférence des Nations unies sur l'environnement humain qui s'est tenue à Stockholm en juin 1972, il s'est depuis considérablement développé au gré de l'adoption de nombreux accords et instruments de portée régionale et universelle. Les attentes sont maintenant tournées vers la nécessité d'un droit plus prescriptif, en complément d'un droit d'exhortation et d'incitation. Si des pas sont accomplis en matière de mise en œuvre des engagements, la protection de l'environnement fait face au défi de sa réalisation concrète, aussi nommée " effectivité ", dans un contexte d'urgence écologique. De nouvelles approches s'esquissent pour répondre à cet enjeu, impliquant acteurs publics et privés. Cet ouvrage analyse ces développements, notamment l'évolution du contenu des normes et des standards, la judiciarisation de l'application du droit international de l'environnement ou encore la reconnaissance de droits à la nature.
La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000, introduit le concept de " valeurs " dans le langage de l'Europe. Depuis lors, le répertoire qui lui est associé (dignité, liberté, égalité, solidarité, citoyenneté, justice) se caractérise par son omniprésence dans les stratégies de communication et de mobilisation des institutions, formant le principal pilier de légitimation de la construction européenne.À l'heure où l'association entre démocratie et État de droit ne semble plus aller de soi, où l'impératif de sécurité est souvent opposé au respect des libertés et où la libre circulation menace parfois les exigences de justice sociale, Justine Lacroix rappelle les liens indissociables entre liberté individuelle et autodétermination collective, insiste sur la nécessité de maintenir le sens des distinctions entre libéralisme et autoritarisme, et s'interroge sur la volonté de l'Union de construire un " espace de liberté, de sécurité et de justice ". La conviction qui anime cet ouvrage est que la pensée politique a un rôle à jouer pour élucider les vocables dont se réclament les Européens, tout en laissant une large part aux conflits d'interprétations qui sont au cœur de toute activité démocratique.
Comment définir l'équité ? Comment l'appliquer en période de pandémie, lorsque l'on façonne une politique climatique ou que l'on s'interroge sur le plurilinguisme ? Sans cesse évoquée mais toujours équivoque, depuis des siècles, l'équité suscite à la fois la question de sa définition et de sa mise en pratique.En partant des sens antiques de l'équité, cet ouvrage a pour vocation d'étudier la diffraction de cette notion originellement juridique, rhétorique et éthique dans d'autres disciplines à l'époque contemporaine. Il propose donc une comparaison de son acception dans l'Antiquité avec l'usage qu'en font les sciences actuelles, sous le prisme d'un regard et d'une pensée modernes. Ainsi, dans une perspective diachronique, le droit antique, la rhétorique, les sciences religieuses, l'histoire et l'archéologie rencontrent-ils la philosophie contemporaine, l'économie, l'éthique, ou encore le droit de l'environnement, la sociologie, la linguistique et le droit comparé.
Associé au déclin relatif de l'Occident à partir de 2008, l'essor de la Chine engendré par la mise en place de la politique de réforme et d'ouverture a fait naître dans l'esprit de nombreux intellectuels publics chinois la conviction profonde que le monde traversait une période de transformation fondamentale. Mais qui sont ces penseurs ? Et que disent-ils exactement, ou que leur est-il permis de dire ?Depuis plusieurs années, l'historien David Ownby sélectionne et traduit des productions intellectuelles difficiles d'accès pour le public occidental, puis les consigne sur son site web Reading the China Dream. C'est le fruit de ce travail qu'il est venu exposer au Collège de France en juin 2022 et qui fait l'objet de ce livre. À travers la présentation des principaux courants intellectuels (nouveau confucianisme, libéralisme, nouvelle gauche) et le portrait de figures non dissidentes, l'auteur dresse un panorama du paysage idéologique chinois et des contenus publiés qui sont autant de sources participant à notre compréhension de la deuxième puissance mondiale.
Le 24 février 2022, la Russie envahissait l'Ukraine, pays géographiquement et historiquement ancré à l'est du continent, mais qui proclama son indépendance du bloc soviétique en 1991 et se rapprocha peu à peu de l'Europe de l'Ouest. C'est dans le contexte brûlant des prémices de cette guerre qu'Angelika Nussberger a prononcé les quatre conférences qui composent ce livre. Au regard de la réception des idées des Lumières, des espoirs de construction d'une " maison commune européenne " (Mikhaïl Gorbatchev) et de la phase de désillusion après 2000, elle explore l'histoire de l'Europe sous l'angle du droit, montre en quoi la diversité non seulement des héritages juridiques – notamment constitutionnels – mais aussi des positions idéologiques peut représenter un obstacle à l'unité de l'Europe, et trace des voies possibles pour un avenir commun. Alors que le conflit russo-ukrainien cristallise aujourd'hui le clivage Est-Ouest, cet ouvrage éclaire l'actualité en analysant les divergences sur les valeurs fondamentales, à savoir la démocratie, les droits de l'homme et l'État de droit, qui fragilisent les relations entre l'Europe orientale et l'Europe occidentale depuis leur rencontre durant la décennie qui suivit la chute du mur de Berlin.
L'Islande fascine autant par la beauté et l'hostilité de ses paysages que par la richesse de sa culture, héritée des Vikings qui colonisèrent l'île au IXe siècle. Pétri de cet imaginaire nordique, l'univers des sagas islandaises demeure toutefois injustement méconnu, malgré son inscription dans l'édifice littéraire de l'Occident médiéval et son influence frappante sur la création actuelle.Qu'est-ce qu'une saga ? Dans quel contexte ce genre a-t-il émergé ? Quel rôle jouaient ces récits relatant des événements tantôt légendaires, tantôt historiques, tantôt contemporains de leur composition ? Que disent de la société insulaire et de son identité ces textes ambigus ? Autant de questions auxquelles Torfi H. Tulinius répond par une lecture à la fois historique, littéraire et esthétique qui apporte un éclairage précieux. De la Saga d'Egil à la Saga de Snorri le Godi, en passant par la Saga de Njáll le Brûlé et bien d'autres encore, l'auteur explore les thèmes de la mémoire, de la violence et de la poétique qui traversent ces œuvres exceptionnelles." La meilleure introduction possible au monde des sagas. " — William Marx
Oscillant entre la presse et le livre, l'enfance et l'âge adulte, la caricature et le réalisme, jouant des cases et des strips, du découpage et de la mise en page, des phylactères et des onomatopées, la bande dessinée est un langage à part entière que ni le cinéma, ni le jeu vidéo, ni Internet n'ont menacé jusqu'à présent. Si le neuvième art a déjà donné naissance à bien des chefs-d'œuvre, de Krazy Kat aux Aventures de Tintin, des Peanuts à Persepolis, des mangas au roman graphique, il est aujourd'hui plus divers et plus vivant que jamais. Dans cette conférence présentée le 7 octobre 2020 dans le cadre du cycle La bande dessinée au Collège de France, Benoît Peeters met en lumière les spécificités de ce médium parfois sous-estimé.
" Comment traite-t-on les vies ? Que fait-on des morts ? Ou plutôt, que dit d'une société la manière dont elle considère certaines vies, vies de travailleurs, vies d'exilés, vies de prisonniers, vies rendues vulnérables, inégales ? Et que révèlent de ses valeurs la façon dont meurent certains de ces travailleurs, certains de ces exilés ou certains de ces prisonniers, la façon dont on les laisse mourir ou dont on les expose à la mort, la façon dont on détourne les yeux de leur condition ou dont on se mobilise pour les protéger ? Au fond, comment se définissent les économies morales de la vie et de la mort dans le monde contemporain ? Telles sont les questions posées dans ce livre à propos de trois objets au regard desquels elles s'avèrent particulièrement pertinentes : le travail, l'exil et la prison. Ce choix n'est pas neutre. Il vise à éclairer des lieux où, souvent, la précarité des vies est rendue invisible et la douleur des morts indicible. "Issu du colloque qui s'est tenu au Collège de France en juin 2021, ce volume réunit des anthropologues, des historiens et des sociologues dont le travail tant empirique que théorique interroge avec force et clarté les problématiques fondamentales de notre société.
Quelle place l'Europe occupe-t-elle sur la scène internationale ? Et quelle voix est-elle prête à faire entendre pour rester maîtresse de son destin ? Alors que la pandémie de Covid-19 rebat les cartes de l'ordre mondial en frappant jusqu'aux plus grandes puissances, l'heure de la métamorphose géopolitique de l'Union européenne semble avoir sonné.Tel est du moins le constat fait par Luuk van Middelaar dans cet ouvrage qui réunit ses quatre conférences prononcées au Collège de France durant le printemps 2021. Après une tentative de définition du concept de " géopolitique ", y sont tour à tour analysés les événements survenus depuis 2014 qui ont contribué au " réveil " du Vieux Continent : les crises russo-ukrainienne et turco-grecque, qui ont ébranlé notre vision des frontières ; la crise sanitaire, qui a agi en révélateur de l'hégémonie chinoise ; la crise transatlantique, qui rend de plus en plus manifestes des divergences entre les intérêts des États-Unis et les nôtres. Interrogeant les réactions de l'Europe face à ces chocs successifs, l'auteur conclut que seul un récit commun, dépassant le cadre des valeurs qu'elle s'est donné pour mission de défendre après 1945, pourra aboutir à une Union confiante et respectée.
Leçons tirées d'une nouvelle traduction japonaise de la Recherche
En 2019, Kazuyoshi Yoshikawa achevait la troisième traduction japonaise d'À la recherche du temps perdu, fruit d'une aventure éditoriale de près de dix ans. Comment rendre accessible ce monument de la littérature française au public nippon ? Et que peut apprendre l'exercice de la traduction sur l'œuvre ?S'appuyant sur de nombreux exemples, l'auteur nous livre les secrets de sa traduction, des méthodes mises en œuvre aux choix adoptés pour conjuguer lisibilité du discours et restitution du sens. Mais au-delà des principes d'établissement du texte, l'expérience du traducteur se révèle d'une incroyable fécondité : elle éclaire l'œuvre sous un jour nouveau. Kazuyoshi Yoshikawa dévoile ainsi des réflexions inédites sur divers pans du roman, comme la mondanité et le modernisme, la judéité et l'homosexualité, ou encore le sadomasochisme.Cet ouvrage donne à lire le cycle de quatre conférences que le spécialiste japonais de Proust a commencé de prononcer au Collège de France en mars 2020, avant d'être interrompu par la vague pandémique, et qui est présenté ici dans son intégralité.
Depuis que la sociologie s'est édifiée en discipline, la question de l'articulation entre pensée empirique et pensée normative – entre faits et valeurs – y occupe une place à la fois centrale et problématique. La multiplicité et la diversité des " ontologies " semblent en effet n'avoir offert aucune perspective totalement satisfaisante, laissant cette question en suspens.D'Émile Durkheim à Max Weber, Andrew Abbott revisite les théories classiques qui se sont construites en réaction au dualisme kantien des trois Critiques, pour poser les jalons de sa propre théorie du processus social. Il tente ainsi de dépasser l'opposition stricte entre le monde des faits et celui des possibilités et des valeurs : entre l'historicisme (Karl Marx) et les thèses du droit naturel et de l'économie scientifique (Alfred Marshall).Au fil d'une réflexion ponctuée d'exemples concrets et de métaphores éclairantes, les fondements d'un nouveau " processualisme " se dessinent peu à peu. Cette approche du monde social prône l'instauration d'un dialogue dynamique entre faits et valeurs – entre passé et futur – pour saisir le flux des processus historiques qui interagissent en permanence au sein d'un présent " épais ".