De 1815, avec le Congrès de Vienne – début d'une ère de Restauration –, à mars 1848, avec les répercussions de la révolution de février en Europe, la période du Vormärz ("avant mars") se caractérise, dans le monde germanique, par une vie intellectuelle d'une particulière effervescence.Les philosophies de Fichte, Schelling, Hegel – visant le dépassement de Kant – autorisent bon nombre de penseurs allemands à considérer l'Allemagne comme étant philosophiquement en avance sur son temps. Mais cette avance théorique tranche avec la réalité politique et sociale façonnée par Metternich. La résolution de la contradiction réside alors, pour certains, dans l'idée selon laquelle il ne resterait plus à l'Allemagne qu'à réaliser sa philosophie.Le thème de la réalisation de la philosophie est notamment examiné au prisme des scissions de l'école hégélienne et à travers les figures de Gans, Heine, Ruge, Feuerbach, Stirner, Strauss, B. Bauer, Hess, Bakounine, Cieszkowski, Marx, E. Bauer et Engels.
Comment comprendre le rapport critique que Gilles Deleuze a entretenu toute sa vie avec la philosophie de Hegel? Est-il possible de penser ce rapport agonistique sans pour autant reconduire l'image simpliste d'une opposition irréductible? C'est là le pari de La révolution trahie: Deleuze contre Hegel. En revenant aux textes de jeunesse et en parcourant l'ensemble de son évolution philosophique jusqu'au travail en commun avec Félix Guattari et aux derniers écrits, l'ouvrage montre comment Deleuze a formé son projet intellectuel en dialogue avec la philosophie hégélienne et n'a cessé de s'entretenir avec elle. Plutôt que l'image stéréotypée du grand adversaire de l'hégélianisme, il en ressort la vision plus nuancée d'une pensée deleuzienne qui a tenté d'accomplir la révolution philosophique que Hegel avait amorcée mais qu'il n'était pas parvenu à accomplir véritablement.
Foucault n'aimait pas les logiques de l'identité: celles-ci témoignent de l'assignation de nos discours aux figures de l'autorité ou de la vérité; mais cette assignation pousse aussi sa prise au-delà de nos discours, jusque dans nos vies, alors vouées à décliner leur identité, à s'identifier à des formes de vie qui sont aussi des normes de vies.Il importe d'analyser de manière détaillée les ressorts théoriques et pratiques de ces logiques d'assignation identitaire ainsi que leurs effets individuels et collectifs. Mais il faut également se demander, avec Foucault et pour une part à partir de sa pensée, si refuser les logiques de l'identité est non seulement possible mais surtout souhaitable pour des sujets qui, s'ils ne sont pas "identifiés" ou identifiés comme de "bons" sujets, peuvent aussi bien souffrir de cette absence d'identité qui fait d'eux des entités spectrales et vulnérables: des identités négatives, abandonnées dans les marges de la reconnaissance politique et sociale, et ne bénéficiant d'aucune ressource pour déployer leur puissance d'agir et leur mode d'existence.
Une contribution à l'histoire de la phénoménologie
En quoi l'horizon est-il un concept central de la phénoménologie husserlienne? Si elle n'est pas neuve, cette thèse n'a, chez les commentateurs successifs, cependant pas encore reçu de véritable justification. Ce livre veut montrer qu'elle ne la recevra qu'en embrassant simultanément le problème de l'horizon et celui de la phénoménologie husserlienne comme telle. Car comment justifiera-t-on la centralité d'une notion dans une philosophie, sans déterminer le centre d'une telle philosophie – centre à partir duquel seulement on peut fixer de façon motivée l'importance de cette notion? Et comment apprécier le sens et la fonction de l'horizon dans la phénoménologie de Husserl sans avoir défini le principe de cette dernière? L'horizon comme problème ne peut donc être déterminé que dans le cadre d'une entreprise phénoménologique dûment définie. En retour, on verra comment l'histoire de ce concept contribue à porter un regard neuf sur l'histoire de la phénoménologie husserlienne elle-même.
Perspectives éthiques, politiques et épistémologiques
Depuis quelques années s'intensifient les rapports entre une société de l'information et une économie de l'attention : plus l'information est abondante, plus l'attention est rare. Alors que le travail se formule comme une lutte contre l'oisiveté et impose une certaine discipline de l'attention, la consommation, quant à elle, impose précisément de capter et perturber l'attention disciplinée. Progressivement, elle se monétise et progressivement, nous nous en sentons dépossédés.Pourquoi tenons-nous au concept d'attention? L'attention ne constitue pas simplement un nouvel objet auquel l'éthique et la philosophie politique devraient s'intéresser. Loin de se limiter à développer une éthique appliquée de l'attention, problématiser l'attention nous amène à re-questionner les champs de l'éthique et de la philosophie politique. Pour répondre à ces questions, ce livre fait le pari de la pluridisciplinarité en rassemblant des travaux de différents horizons.
Que la fin de l'art et celle de la philosophie s'entrelacent, la civilisation récente semble en donner l'image. Et pourtant, à creuser le 20e siècle dans sa singularité passionnante autant qu'effrayante, on apprend à reconfigurer les questions de l'œuvre artistique et de la vérité discursive sous l'égide du problème clef qu'est le langage.Les présocratiques et la musique depuis Nietzsche; la triade des nouveaux-venus au 18e siècle: esthétique, criticisme transcendantal et philosophie du langage; les sciences humaines modernes face à l'art et le mythe; enfin, les rapports entre l'espace poético-musical et l'architecture autour de l'oeuvre d'art dite totale, étrangement ressuscitée parmi nous: le projet de réunir ces thèmes permet d'accéder aux racines d'une Europe plus importante que celle des technocrates.
La morale s'est presque toujours référée à l'idée d'obligation, de sanction et de modèle. Penseur critique de l'évolution, Guyau propose de repenser la morale à l'aune de l'exigence vitale: bien comprise, la puissance anomique de la vie engendre une diversité heureuse des formes de l'obligation.La philosophie morale y est exposée de manière critique sous la forme d'un antagonisme historique qui traverse les âges: idéalisme versus naturalisme. Le déclin des absolus et la loi de la sélection naturelle qui en résultent semblent nier la possibilité de la morale. Mais Guyau entend surmonter ces difficultés en élargissant l'évolutionnisme, afin d'inclure ce qu'il semblait d'abord nier : la générosité de la vie, inventive jusqu'à la poésie métaphysique. En découle une condamnation sans appel du devoir homogène et de la sanction morale – mais aussi la promotion d'une éducation qui fait de l'expansion de la vie l'idéal immanent d'une éthique résolument plurielle, esquissée et sans modèle.