Patrimoine afro-brésilien et tourisme mémoriel au Bénin
Ouidah, au Bénin, le douloureux passé de la traite des esclaves s'entrecroise avec l'héritage architectural transmis par les Afro-Brésiliens, ces descendants d'esclaves revenus du Brésil sur les côtes africaines au milieu du XIXe siècle. Ce patrimoine, qui a profondément marqué l'urbanisme, les savoir-faire et les dynamiques sociales locales, est toutefois porteur d'ambiguïtés historiques et se retrouve aujourd'hui au coeur de vastes projets touristiques.En valorisant l'architecture de cette communauté et les lieux de mémoire de la traite transatlantique, l'Etat béninois cherche à faire de la ville de Ouidah une vitrine du tourisme mémoriel. Or cette entreprise soulève des tensions au sein de la population : quelle mémoire valoriser ? Comment transmettre une histoire aussi complexe sans la simplifier, sans en occulter les aspects sombres, ni la marchandiser ?
Pour une patrimonialisation critique du pénitentiaire
Tandis que, en périphérie des villes, on ouvre de vastes établissements carcéraux pour répondre au tout-répressif, dans les centres urbains on désaffecte des prisons. Ce patrimoine, dépourvu de l'or des châteaux ou de la mémoire sociale attachée aux usines ou aux mines, est directement menacé.Qu'en faire alors? Le conserver bien sûr: la prison fait partie de notre histoire, elle est fille de la Révolution. Pourtant, combien de ces établissements sont aujourd'hui à vendre, comme si les détenus de droit commun avaient eux aussi été condamnés à l'oubli? Cet essai dresse un état des lieux de cet héritage, en s'appuyant sur quelques exemples – la Petite Roquette, Clairvaux… –, pour proposer une patrimonialisation critique du pénitentiaire.
En 2017, le président Emmanuel Macron annonçait vouloir restituer à l'Afrique les œuvres conservées dans les musées français et commandait un rapport à l'économiste sénégalais Felwine Sarr et à l'historienne de l'art française Bénédicte Savoy pour établir les modalités de ce retour. Une polémique éclate peu de temps après opposant les " pour " aux " contre ", et réactivant les plaies d'une histoire coloniale non cicatrisée. Ce texte est né au cœur de ce débat, et y participe, en prenant le parti des objets et de l'histoire, les grands oubliés d'une question qui est loin d'être récente, nouvelle ou circonscrite seulement au continent africain. Adoptant une perspective historique, comparative et mondiale, cet essai offre des clés de compréhension d'une question d'actualité brûlante qui soulève des enjeux à la fois éthiques, politiques et patrimoniaux.