Depuis le début des années 2000, la rémunération des politicien·ne·s est au coeur de l'actualité. Des initiatives populaires sont lancées pour limiter les salaires des élu·e·s, soulevant une question fondamentale : quelle devrait être la juste rétribution pour un·e membre d'un exécutif urbain ?À l'aide d'une recherche historique minutieuse analysant près d'un siècle de documents tirés des archives de Zurich, de Lausanne, de Lucerne et de Lugano, Karim Lasseb dévoile une professionnalisation précoce des mandats qui remet en question le principe suisse " du système de milice ". Les traitements des exécutifs visent à attirer les cadres des classes supérieures, alimentant une division sociale dans le paysage politique urbain. Dès lors, cet ouvrage révèle comment la rémunération des membres du pouvoir exécutif a contribué à créer une élite politique dans les villes suisses et à écarter les salarié·e·s subalternes. On trouve ainsi d'un côté, les notables fortunés issus de professions libérales et de l'autre, les professionnel·le·s du secteur public et de la politique qui ne vivent que " pour " et " de " la politique.Cette division a certes permis une légère ouverture démocratique en provoquant le passage du notable au professionnel de la politique. Toutefois, elle ferme la porte des exécutifs urbains à la majorité de la population ne possédant pas les caractéristiques sociales et professionnelles valorisées pour ces fonctions de direction et d'exercice du pouvoir. Cet ouvrage montre ainsi que la rémunération des élu·e·s est une condition matérielle nécessaire mais insuffisante à la démocratisation des mandats politiques.
Genèse, institutionnalisation et diffusion (1924-1989)
Le 20 novembre 1989, l'Assemblée générale des Nations Unies ratifiait la Convention relative aux Droits de l'Enfant, convention qui allait rapidement connaître un écho mondial auprès des chefs d'État comme de la société civile. Comment comprendre l'évolution du statut socio-juridique de l'enfant qui a abouti à cette Convention ainsi que les attitudes et les stratégies des acteurs concernés durant le XXe siècle ?Bien que l'évolution du statut de l'enfant soit souvent perçue comme un processus linéaire, sa mise en perspective historique montre au contraire les tensions et les controverses qui nourrissent les conceptions de l'enfance, de l'enfant et de ses droits. Les droits de l'enfant se développent au travers de subtils jeux de pouvoir et d'échelles entre les contextes nationaux et internationaux et par le biais de réseaux d'acteurs. Ceux-ci portent la question de l'enfance et de ses droits au coeur des organisations inter- et non-gouvernementales, leur donnant une dimension nouvelle.À travers cet ouvrage, Zoe Moody comble une lacune importante de l'étude des droits de l'enfant en analysant pour la première fois les processus de genèse, d'institutionnalisation et de diffusion des traités relatifs aux droits de l'enfant dans une perspective historique et transnationale. Une attention particulière est portée aux acteurs qui contribuent à ces processus de même qu'aux problèmes éducatifs qu'ils soulèvent. La mise en dialogue de ces traités est réalisée à la lumière des sources archivistiques inédites, conservées par les organisations internationales.
Le système carcéral colombien à l'ère du tournant punitif
" Le 10 mai 2001, ils m'ont transféré en avion militaire à la nouvelle prison de Valledupar. On savait bien que là-bas c'était le régime yankee. Ils m'ont tout pris, ils m'ont donné un uniforme […] et ils m'ont rasé la tête. Les gardiens étaient très jeunes, ils nous ont traités de façon totalement inhumaine. On n'avait jamais connu ça auparavant […]. Rapidement, les détenus ont lancé un mouvement de protestation, au sujet du droit de visite. La réponse a été brutale. Une répression à feu et à sang, à coups de matraque et de gaz lacrymogène. "Le témoignage de ce prisonnier reflète le virage opéré au sein du système carcéral colombien suite à une réforme inspirée par le modèle de prison de sécurité maximale américain. Réalisées dans le cadre des accords du " Plan Colombie " – le vaste programme anti-drogue et antiguérilla de Washington dans ce pays – les transformations du système carcéral colombien sont révélatrices de la manière dont le " tournant punitif " initié aux États-Unis s'exporte au niveau international.Cet ouvrage repose sur un riche matériel ethnographique, recueilli au cours d'une enquête de terrain en Colombie et aux États-Unis. L'étude est basée sur des observations dans les prisons colombiennes et sur des interviews approfondies avec des prisonniers, des membres de leurs familles, des gardiens, des représentants des autorités carcérales, des activistes des droits humains, ainsi que des architectes et entrepreneurs de l'industrie carcérale américaine. Les nouvelles prisons colombiennes y sont décrites comme un espace de dépossession et de contrôle sans précédent, mais également comme un lieu de résistances multiformes de la part de la communauté des prisonniers.
Langue et construction identitaire dans les revendications autonomistes des minorités francophones (1959-1978)
Cette étude analyse, dans une approche sociolinguistique, les discours sur la langue du mouvement autonomiste jurassien durant les vingt années les plus chaudes de la lutte pour la création du 23e canton suisse. Elle explore l'hypothèse que les idéologies langagières présentes dans ce discours ont participé à la construction identitaire des Jurassiens séparatistes comme minorité linguistique francophone mise en danger sous la tutelle du canton de Berne à majorité germanophone. Un corpus varié a été dépouillé, constitué principalement de l'hebdomadaire autonomiste Le Jura Libre, des publications du Rassemblement jurassien (RJ) et de ses membres et de documents d'archives.Le cas du Jura démontre une nouvelle fois que les idéologies langagières ne portent pas tant sur la langue que sur la société, classifiant francophones et bilingues, créant une frontière symbolique imperméable entre Bernois et Jurassiens. Partageant ces idéologies avec d'autres minorités, le RJ se fait l'amplificateur d'idées reçues très traditionnelles sur le bilinguisme, l'excellence du français, la germanisation ou le déterminisme linguistique qu'il réinterprète et oriente dans un sens lui permettant de faire du français une arme symbolique. Cette position linguistique est poussée à son paroxysme jusqu'à devenir une véritable posture de combat politique dans le contexte de la Question jurassienne.
Ruptures et continuités du lien électoral en Suisse, en Autriche, en Allemagne, en Grande-Bretagne et en France (1970-2008)
Depuis quelques années, la question des liens entre les partis socialistes et leur électorat ouvrier attire beaucoup l'attention. S'appuyant sur de nombreuses données d'enquêtes électorales, cet ouvrage apporte une réponse fouillée à cette problématique.Adoptant une perspective empirique large, il retrace dans une première partie l'évolution du vote ouvrier et de la composition de classe des partis socialistes dans cinq pays. Si un déclin du soutien électoral des travailleurs manuels et des travailleurs des services peut être constaté, il n'en demeure pas moins que l'opposition entre ouvriers et possédants continue de structurer le vote socialiste. Dans une deuxième partie, le livre propose un tour d'horizon des différentes explications de la baisse du vote ouvrier socialiste. Il démontre que c'est du côté du positionnement et de l'appel des partis politiques qu'il faut chercher la clé de ces mutations.L'ouvrage fournit des résultats importants pour la sociologie électorale et apporte un éclairage nouveau sur les dynamiques du clivage de classe. Il constitue un outil précieux pour les chercheurs et citoyens intéressés à mieux comprendre les bases sociales de la politique, à une période marquée par un accroissement des inégalités.