Trois essais sur la part de l'ombre dans Étant donnés
Ce livre conte l'histoire d'une ombre étrange, celle qui grandit au fil du temps sur la porte qui sert de seuil à la dernière œuvre de Marcel Duchamp: une installation (Étant donnés) qui fut planifiée par son auteur pour n'être érigée qu'après son décès. Selon Jean Lancri, il se pourrait que cette oeuvre cataloguée comme dernière en recèle une autre, inaperçue jusqu'à ce jour, et qui serait " plus ultime " qu'elle. Logée où? À même sa porte! Entée sur son bois comme pour la hanter, il y aurait l'ombre en question… La question que pose cette ombre est ici approchée de trois manières successives. D'abord au fur d'une enquête iconographique sur la part de l'ombre dans l'oeuvre de Duchamp; puis au fil des ricochets dits " artistiques " qui furent induits par cette investigation. Car le texte de cette enquête fut par la suite " traité " graphiquement et picturalement; transformé en une production plastique qui a connu deux expositions: au musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg et à la galerie Michel-Journiac (université Paris 1 Panthéon-Sorbonne). Par ailleurs, l'articulation entre l'hypothèse émise au cours de l'enquête textuelle et sa reprise dans l'oeuvre visuelle qui s'ensuivit a fait l'objet d'une conférence-performance dont la transcription figure au milieu de cet ouvrage. Prenant appui sur l'œuvre dite dernière de Duchamp, son texte joue le rôle d'une charnière entre les deux autres volets du livre tout en y assumant une fonction de surplomb épistémologique. S'y trouve mise en éclat(s) la question que voici: à quelles conditions peut-on dire qu'une recherche universitaire, conduite dans le champ institutionnel des Arts plastiques, souscrit aux exigences qui sont propres à l'art de notre temps?
Comment aborder aujourd'hui das Unheimliche, cette sensation étrangement inquiétante qui soudain s'empare de nous lorsque notre monde familier est ébranlé, quand le plus intime nous échappe ? Théorisé par Freud dans son texte clé Das Unheimliche de 1919, cet étrange mot-concept allemand, intraduisible en français, ne cesse de réapparaître dans les discours actuels sans pour autant être assimilable à une discipline.Partant de la pratique artistique, ce livre offre une nouvelle approche de l'Unheimlich à travers l'art contemporain en révélant ce qui agit secrètement au cœur de l'un et de l'autre.Sur la base d'une analyse approfondie des significations et traductions du mot allemand ainsi que d'une approche " généalogique " allant du romantisme jusqu'aux apports théoriques de Lacan et de Derrida, nous découvrirons que c'est dans l'art contemporain que das Unheimliche trouve son véritable Heim (" chez-soi "), ce dont témoignent de nombreuses expositions récentes.L'art contemporain serait-il un art unheimlich ? Les œuvres de Gregor Schneider, Mona Hatoum, Saâdane Afif, Georges Tony Stoll, Marina Abramovic, Matthew Barney et d'autres artistes représentatifs du caractère hybride de l'art actuel, le laissent entendre.Non seulement, l'art contemporain nous donne la clé d'une nouvelle compréhension de la notion de das Unheimliche, mais encore celle-ci nous incite à revoir notre rapport à l'oeuvre d'art, qui implique en même temps une rencontre impossible avec l'Autre en nous.
Qu'est-ce que l'énigme du visible à notre époque, où nous pensons que tout a été vu, grâce aux appareils les plus performants à la portée de tous ? L'énigme est la pièce inconnue du palais, la tache aveugle au fond de notre œil, ce qu'on ne voit pas quand on a le nez dessus, ce qui est à la fois trop loin et trop proche. Tel OEudipe,énigme lui-même, c'est au terme d'un long parcours qu'à la fin, le visible se découvre l'inverse de ce que nous avions cru. Sont ainsi revisités, à la recherche de leur part encore inconnue, étonnante, les parcours créateurs d'œuvres d'artistes comme Duchamp, Picasso, Matisse, Niki de Saint-Phalle. De l'énigme, chaque texte déploie l'une des faces, à la manière d'un kaléidoscope, à l'intérieur de six chapitres : l'artiste migrant ; le dessin et le corps créateur ; l'image analogique ou numérique ; l'oeuvre en procès, croisements, métissage ; l'espace et le lieu ; le " regardeur " et ses discours. Cet ouvrage s'adresse à tous ceux qui s'intéressent aux arts visuels : artistes, chercheurs, enseignants, étudiants en art, ainsi qu'à celles et ceux qui voudraient en savoir plus sur cette énigme de l'art qui a toujours le dernier mot.
Migrations et mutations : deux termes qui ont une résonance universelle et font traditionnellement l'objet de recherches distinctes. L'originalité de cet ouvrage est triple : traiter ces concepts dans les arts visuels ; les réunir afin d'en étudier les croisements et d'en mettre au jour les fonctions créatrices ; aborder sous cet angle inédit le paysage dans l'art contemporain.Du paysage nomade à l'oeuvre disséminante ; du paysage pictural à l'espace numérique ; du paysage historique à la vision actuelle : les trois approches, abordées dans cet ouvrage, révèlent que la migration est créatrice quand elle déplace les techniques, les formes, les codes, les modes de présentation et de réception, de rapports à l'histoire, au lieu que fonde chaque oeuvre. La mutation touche à la profondeur de l'œuvre, au sens biologique où elle " s'exprime " afin qu'émerge une espèce nouvelle. En prenant appui sur des œuvres singulières et leur processus de création, sur la vie des artistes et leurs écrits, les textes ici réunis tentent de répondre à quelques questions : à quelles conditions la mutation s'exprime-t-elle ? comment se reconfi gure l'identité de l'artiste ? quel rôle y tient le paysage ? comment considérer la pensée imaginative et la pensée rationnelle ? un nouveau type de spectateur (ou de regardeur) est-il en train d'émerger, de muter ?L'artiste reste en effet le contemporain qui, selon Agamben, " reçoit en plein visage le faisceau de ténèbres qui provient de son temps " et " ne coïncide pas parfaitement avec lui ", devenant ainsi " plus apte que les autres à percevoir et à saisir son temps ". Ses rapports au paysage en sont la pierre de touche.Cet ouvrage, 7e volume de la série X, L'œuvre en procès, fait suite à Paysages croisés. La part du corps (volume VI de la série : X, L'œuvre en procès).
L'approche sensible du paysage fait la part irréductible du corps, centrale dans l'art contemporain. Elle s'accorde aux avancées récentes des sciences cognitives où, selon " l'inscription corporelle de l'esprit " (Varela), tout paysage est " incarné ". En effet, le mot de paysage confond le sujet qui regarde et l'objet regardé, la vue et la représentation. Il annule la séparation, traditionnelle en Occident, entre le sujet et l'objet.À l'inverse d'une approche trop intellectuelle et globalisante qui a montré ses limites, les divers points de vue ici réunis démontrent que l'expérience du paysage est la réconciliation de plusieurs paysages éloignés dans l'espace et le temps, leur point fugitif de croisement, que l'art seul peut saisir. Ce paysage-monde ou paysage " retrouvé " échapperait au local et au global. Il surgirait d'une rencontre créatrice, d'un dépaysement. Il unirait, comme aux premiers âges de l'humanité, les vivants et les morts. Les exilés et les émigrés y trouveraient une chance d'" habiter en poètes ", faisant " émerge r " un temps et un espace possibles. Les auteurs, philosophes, esthéticiens, sociologues, architectes, artistes-chercheurs, actualisent et analysent, à travers l'art, comment le paysage est " là où je ne me retrouve plus " (Maldiney) et comment nos paysages intimes s'inscrivent dans ce que de nos corps nous avons en partage. L'énigme de tout paysage résiderait-elle dans la place que notre corps n'y trouve pas ?