Interactions culturelles et co-constructions religieuses chez les Nanaï du bassin de l'Amour, Extrême-Orient de la Russie
Cet ouvrage est consacré à l'évolution des pratiques religieuses chez les Nanaï de l'Extrême-Orient, entre la Russie et la Chine : la disparition progressive des chamanes a-t-elle signifié la fin du chamanisme ou faut-il parler d'adaptations et de transformations ? Grâce à des terrains dans la région de l'Amour entre 2011 et 2015, Anne Dalles Maréchal rend compte des stratégies culturelles de ce peuple de la rivière : les changements d'interprétation du registre mythique et rituel qui permettent de comprendre comment les Nanaï abordent le monde qui change ; les conversions aux christianismes, où ruptures et continuités répondent aux logiques de l'histoire ; enfin, la broderie dont le savoir-faire ancien permet aujourd'hui de créer des identités visuelles dans le cadre de la patrimonialisation des minorités de Russie.Grâce à l'Auteure, on mesure le dynamisme reconstructeur de la " tradition " et l'agentivité d'un peuple autochtone minoritaire face à une culture dominante pluriséculaire.
La Sibérie comme paradis entend corriger une méconnaissance regrettable de la Sibérie en prenant délibérément le contrepied (non sans un brin de provocation…) des images que les Occidentaux, et souvent les Russes eux-mêmes, associent spontanément à cette " noire Sibérie " qu'évoquait Baudelaire: vide, froid, nuit, ours, bagne, quand le monde sibérien ne se réduit pas au seul acronyme Goulag.Bien entendu, parler de la Sibérie comme terre paradisiaque – en écho à La Sibérie comme colonie, parue en 1882, du célèbre régionaliste Nikolaï Iadrintsev – ne relève pas d'une volonté de nier les conditions climatiques extrêmes de ce territoire, encore moins l'enfer carcéral qu'il a pu abriter ou le sort peu envieux qui y est encore trop souvent réservé aux peuples autochtones minoritaires. Mais il s'agit plutôt de rappeler que, paradoxalement ou non, cette terre, en raison notamment de son immensité et de son éloignement par rapport à Moscou et à Saint-Pétersbourg, a pu également être perçue, au cours des siècles, comme une terre d'asile et de refuge, comme une terre promise où ancrer des expériences sociétales nouvelles, comme une terre de liberté en rupture avec un " centre " autoritaire et prédateur, comme un véritable Eldorado en raison de ses richesses naturelles.Du jardin extraordinaire des chroniques médiévales russes au jardin écologique d'entreprises cosmétiques du début du xxie siècle, la Sibérie a inspiré les idéaux les plus divers. C'est cette " légende dorée " dont plusieurs chercheurs internationaux, un écrivain et un photographe ont souhaité rendre compte dans ce recueil.
Images de la nature dans la poésie bouddhique indo-tibétaine
Si le thème de la nature n'est que discrètement présent dans la littérature bouddhique, ses modulations les plus expressives sont à chercher dans les textes poétiques, dont on propose ici une lecture transversale limitée au domaine indo-tibétain. Cette lecture se fonde sur l'exploration d'un corpus couvrant plus de deux millénaires, depuis les stances du canon pali jusqu'aux chants de maîtres tibétains tels que Milarépa. La nature mise en scène dans cet ensemble est vue au miroir de conventions religieuses et littéraires, mais elle constitue également un miroir du monde et de la doctrine. Elle inspire de nombreuses images fidèlement transmises au fil du temps, non sans variations significatives. L'étude de ces métamorphoses est l'occasion de mettre en évidence la continuité profonde qui unit les traditions indienne et tibétaine, mais aussi de découvrir, ou de redécouvrir, un rapport à la nature qui n'est plus le nôtre, une connivence dont nous avons perdu le secret.
Pour les Mongols, partager de la nourriture, c'est bien plus et bien autre chose que se nourrir. En famille ou avec des visiteurs, au quotidien ou lors d'événements, le partage garantit, par un jeu d'" ouverture " et de " fermeture ", le bon ordre des relations sociales, du déroulement des saisons et du cycle de la vie humaine. Il attire ainsi le " bonheur " sur les humains et leurs troupeaux.Sandrine Ruhlmann, qui a vécu de longs mois en Mongolie de 2000 à 2015, tant dans la steppe qu'en ville, décrit et analyse en détail le système alimentaire actuel. Elle y reconnaît, entremêlées, des idées et des valeurs héritées du chamanisme, du bouddhisme et de l'idéologie communiste. À travers la viande sur l'os, le lait fermenté, les raviolis ou les gâteaux-semelle, c'est toute une façon de penser et de vivre qui se révèle.Sandrine Ruhlmann est anthropologue, docteur de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales. Post-doctorante au Laboratoire d'Anthropologie Sociale (EHESS-CNRS-Collège de France) et actuellement au Labex Structurations des Mondes Sociaux (LISST-CAS), elle travaille sur la perception et la gestion des maladies animales en Mongolie.
Le livre trace les contours du monde sonore mongol. Aux confins septentrionaux du pays où vivent les Darhad, l'attachement au chant est perçu comme une dimension pérenne de l'ethos culturel. Pour le comprendre, l'auteur inscrit ses analyses dans la temporalité longue de l'histoire socialiste (1921-1991) et rend compte des processus de socialisation de l'enfant. L'ouvrage détaille les politiques culturelles socialistes ayant présidé à l'installation d'un répertoire et d'une ethnie darhad attentive aux sonorités de ses chansons. Suivant les enfants sur les pâturages et dans les classes de chant, l'auteur analyse l'émergence d'une sensibilité aux sons de la nature, de la voix et du chant.
Regards comparatifs sur des pratiques divinatoires anciennes et contemporaines
Ce troisième volume de la collection Nord-Asie est consacré aux pratiques divinatoires, envisagées sous l'angle des techniques d'action sur le monde. Il s'inscrit dans un ensemble de recherches comparatives menées depuis plusieurs années entre la Sibérie et la Mésoamérique. Afin de poursuivre un dialogue fructueux entre historiens et anthropologues et en vue d'élaborer un " comparatisme constructif ", des spécialistes des sociétés anciennes (Grèce, Égypte, Japon) ont été invités à enrichir la problématique et à interroger à frais nouveaux, entre autres, les rapports entre divination et écriture.
Ethnographie du renouveau chamanique en Mongolie postcommuniste
Ce livre décrit, sur la base d'une enquête de terrain approfondi, le renouveau du chamanisme en Mongolie, et principalement dans la capitale Ulaanbaatar. L'auteur a suivi plusieurs chamanes depuis son premier séjour en 1997 et nous livre avec beaucoup de précision ethnographique un compte rendu de leurs diverses tentatives d'inventions rituelle et culturelle, auxquelles les intellectuels mongols, historiens et folkloristes en particulier, participent de près. Constatant qu'" il n'y avait pas un chamanisme, mais pratiquement autant de chamanismes que de chamanes étudiés ", l'auteur donne un aperçu des différents " centres chamaniques " créés depuis la fin des années 1990, en montrant selon quelles stratégies les différents spécialistes s'y inscrivent ou s'en séparent. Au final, l'enjeu des rituels proposés par ces nouveaux chamanes s'est déplacé au cours même des quelques années de son étude. Alors qu'ils étaient centrés au départ sur le traitement de problèmes individuels, principalement liés à des questions de chance, ils ont progressivement pris pour objet la " nation " en se proposant de " réparer " celle-ci, c'est-à-dire de recentrer l'identité mongole sur des traditions supposées héritées de Chinggis Khan et sur un culte du Ciel Éternel.
Sépultures, fantômes et photographies en Mongolie contemporaine
L'Invention des morts explore les relations que les Mongols entretiennent au quotidien avec leurs défunts. S'appuyant sur une enquête menée chez les pasteurs nomades Dörvöd et dans la capitale Ulaanbaatar de 1999 à 2005, Grégory Delaplace montre que les morts sont au centre de pratiques discrètes, par lesquelles éleveurs et citadins embrassent ou rejettent des idéologies modernistes et socialisent un environnement peuplé de " maîtres " invisibles. L'étude successive des sépultures, des histoires de fantômes et des usages sociaux de la photographie conduit le lecteur à travers les multiples procédés et petites trouvailles tactiques par lesquels les morts sont " inventés " comme les partenaires de relations formelles ou intimes qui subvertissent les cadres institutionnels imposés par l'État et le clergé. En décrivant à travers des matériaux originaux l'art de vivre avec les morts dans la Mongolie d'aujourd'hui, ce livre ne comble pas seulement un manque dans la littérature ethnographique régionale, il propose une méthode renouvelée pour l'anthropologie.