Patrimoine afro-brésilien et tourisme mémoriel au Bénin
Ouidah, au Bénin, le douloureux passé de la traite des esclaves s'entrecroise avec l'héritage architectural transmis par les Afro-Brésiliens, ces descendants d'esclaves revenus du Brésil sur les côtes africaines au milieu du XIXe siècle. Ce patrimoine, qui a profondément marqué l'urbanisme, les savoir-faire et les dynamiques sociales locales, est toutefois porteur d'ambiguïtés historiques et se retrouve aujourd'hui au coeur de vastes projets touristiques.En valorisant l'architecture de cette communauté et les lieux de mémoire de la traite transatlantique, l'Etat béninois cherche à faire de la ville de Ouidah une vitrine du tourisme mémoriel. Or cette entreprise soulève des tensions au sein de la population : quelle mémoire valoriser ? Comment transmettre une histoire aussi complexe sans la simplifier, sans en occulter les aspects sombres, ni la marchandiser ?
Pour une patrimonialisation critique du pénitentiaire
Tandis que, en périphérie des villes, on ouvre de vastes établissements carcéraux pour répondre au tout-répressif, dans les centres urbains on désaffecte des prisons. Ce patrimoine, dépourvu de l'or des châteaux ou de la mémoire sociale attachée aux usines ou aux mines, est directement menacé.Qu'en faire alors? Le conserver bien sûr: la prison fait partie de notre histoire, elle est fille de la Révolution. Pourtant, combien de ces établissements sont aujourd'hui à vendre, comme si les détenus de droit commun avaient eux aussi été condamnés à l'oubli? Cet essai dresse un état des lieux de cet héritage, en s'appuyant sur quelques exemples – la Petite Roquette, Clairvaux… –, pour proposer une patrimonialisation critique du pénitentiaire.
La beauté au regard des sciences humaines et sociales
La beauté est redevenue un objet de questionnement de la part des sciences humaines et sociales et ce numéro l'aborde sous plusieurs angles disciplinaires. Elle n'est pas à penser uniquement dans son rapport au grand art, comme harmonie des formes, des couleurs ou des proportions. Les beautés de la nature, les arts appliqués, l'esthétique ordinaire qui constitue notre environnement immédiat, en ville comme dans les campagnes, sont autant de réalités qu'une méditation contemporaine sur la beauté se doit d'inclure. Par ailleurs, la beauté corporelle est devenue centrale dans nos imaginaires, notre économie (financière aussi bien que libidinale), notre fonctionnement social, pour le meilleur (le souci de soi et de l'autre) et pour le pire (la tyrannie des apparences) qu'il s'agit de penser ensemble. Au-delà de la force des normes esthétiques imposées par les médias, ce qui frappe, c'est l'essentielle historicité de ce que nous tenons spontanément et à tort pour invariant et universel. La beauté est une valeur à la fois subjective et collective, universellement présente dans la construction du sujet et socialement déterminée.
En 2017, le président Emmanuel Macron annonçait vouloir restituer à l'Afrique les œuvres conservées dans les musées français et commandait un rapport à l'économiste sénégalais Felwine Sarr et à l'historienne de l'art française Bénédicte Savoy pour établir les modalités de ce retour. Une polémique éclate peu de temps après opposant les " pour " aux " contre ", et réactivant les plaies d'une histoire coloniale non cicatrisée. Ce texte est né au cœur de ce débat, et y participe, en prenant le parti des objets et de l'histoire, les grands oubliés d'une question qui est loin d'être récente, nouvelle ou circonscrite seulement au continent africain. Adoptant une perspective historique, comparative et mondiale, cet essai offre des clés de compréhension d'une question d'actualité brûlante qui soulève des enjeux à la fois éthiques, politiques et patrimoniaux.
La relation de l'homme à son environnement numérique s'est caractérisée dès l'origine par un double mouvement de fascination et de répulsion, mis en scène par les artistes via différents médiums. À partir des années 1990, le numérique a colonisé l'ensemble de la sphère sociale et en a saturé les espaces, libérant aussi à cette occasion une anxiété propre à nourrir des fantasmes paranoïaques.L'attitude de l'homme face au numérique pose alors question: sa prétendue passivité masque mal, en réalité, la profonde défiance qu'il entretient à son égard. L'acuité de cette méfiance s'est révélée par l'ampleur des théories complotistes, ainsi celle liée au vaccin contre le covid, qui aurait permis d'implanter une puce dans le corps de ceux l'ayant reçu – ce que l'on pourrait appeler un " œil numérique ", digne d'Orwell. Chercheurs et artistes ne sont pas épargnés, les uns dépendant des sources toujours plus nombreuses à disposition dans de gigantesques bases de données en ligne, les autres bousculés par des programmes d'intelligence artificielle qui questionnent leurs pratiques créatives. C'est que le numérique actualise en fait une question ancienne: où et comment se forme le regard?
Bien des raisons expliquent l'attrait exercé par l'aventure spatiale: l'esprit pionnier, la fascination du sublime, le défi technique et technologique, la curiosité scientifique et, peut-être, la volonté de résoudre les grandes questions métaphysiques sur l'origine et le devenir de l'humanité, sans oublier les rivalités géopolitiques et les appétits économiques que suscite l'espace… Aucune n'est décisive, mais toutes concourent à constituer un imaginaire, une culture spatiale devenue un terrain d'exploration des sciences humaines et sociales.Des dispositifs de reconstitution, qui permettent entre arts et sciences une appréhension sensible de l'espace, aux œuvres de fiction ou de vulgarisation, qui contribuent à ancrer l'aventure spatiale dans un imaginaire populaire, il s'agit de comprendre comment les représentations de l'aventure spatiale se sont imposées comme thématique prégnante de la culture de masse contemporaine, agrégeant jusqu'aux critiques qui ont pu lui être adressées par ceux qui la voient comme une simple nouvelle conquête territoriale.
Affiches, panneaux, enseignes, hommes-sandwichs, spots radio ou télé-diffusés, annonces imprimées ou en ligne: les visages de la publicité sont aussi multiples que quotidiens. Ce numéro de Sociétés et représentations envisage différents aspects de ces phénomènes, qui constituent un vaste champ d'exploration pour les sciences humaines et sociales. Que dit la publicité de notre rapport au monde? En tant qu'objet opportuniste se glissant sur de nombreux supports et signe visible d'une société capitaliste et marchande, la publicité ne cesse de toucher à nos conceptions sociales et politiques, et de susciter réactions et émotions. À travers des contributions s'intéressant aux formes et pratiques publicitaires depuis le début du XIXe siècle jusqu'à nos jours – et en particlier à l'heure de la professionnalisation du milieu publicitaire dans le premier XXe siècle –, il s'agit non seulement de documenter une histoire interne à cette industrie, mais également d'interroger ses relations avec des sociétés, des époques et des lieux divers, dessinant non pas une mais des cultures publicitaires. C'est dans une perspective pluridisciplinaire, au croisement de l'histoire sociale et culturelle, de l'histoire des techniques, de la typographie, de la littérature, de l'art, des médias audiovisuels ou encore de la sociologie, que ce dossier interroge les cultures publicitaires foisonnantes de la période contemporaine.
La bande dessinée occupe aujourd'hui en France un vaste et florissant secteur des industries culturelles. Segment dynamique du marché du livre, elle affiche une production extrêmement riche et touche des lectorats variés. Entrée de longue date à l'université, enseignée à l'école, la bande dessinée est depuis longtemps sortie des enfers culturels, et aujourd'hui son statut de neuvième art fait figure d'évidence et de lieu commun.Dans ce statut singulier qu'occupe le neuvième art dans l'espace francophone, l'histoire joue un rôle central, tant la bande dessinée s'est imposée à la fois comme un objet, comme une source et comme une écriture pour les historien·nes. Avec son langage singulier fait de la mise en espace-temps d'images et de textes, elle suppose une approche inédite qui renouvelle les questionnements historiques.C'est tout l'enjeu de ce numéro que de proposer, outre un état de la recherche en histoire de la bande dessinée, une manière historienne de répondre à ces questions, en cartographiant les domaines de la recherche la plus récente, afin d'opérer un bilan du foisonnement historiographique et d'esquisser des pistes de renouvellement.
Ce numéro réfléchit à l'invention du rythme de la semaine dans une perspective d'histoire culturelle et interroge les usages renouvelés de cette découpe du temps. À l'heure d'une déprise rapide du temps religieux à l'époque contemporaine, comment la semaine réorganise-t-elle le temps social et personnel? Comment expliquer que, malgré de multiples tentatives (calendrier républicain, calendrier soviétique…), aucun rythme concurrent à la semaine n'ait pu s'imposer? Les contributeurs s'intéressent notamment à l'émergence et au développement de la semaine de travail, de la semaine scolaire et de la semaine des loisirs comme explications de cette hebdomadairisation de la société. Ils font aussi l'hypothèse que les médias, non seulement s'adossent à une découpe largement hebdomadaire du temps, mais qu'ils la renforcent considérablement. À côté d'études panoramiques, certains articles traitent de situations particulières pour montrer que, du Premier ministre à l'interné dans un asile, nul n'échappe au rythme de la semaine.