La chanson de geste est fondatrice de notre société; rapportant les exploits des premiers héros, Roland et Olivier, elle conforte l'empereur dans sa fonction, affirme le soutien divin, et surtout établit des modèles. Mais Roland et Olivier meurent à Roncevaux, Vivien meurt aux Aliscans, et Charlemagne n'est plus. L'univers mythique des héros fondateurs n'a eu qu'un temps. Le cycle de Guillaume d'Orange reconstruit l'univers épique, s'appuyant constamment sur ces illustres modèles; il en prend le contrepied d'une certaine façon: on est capable à présent de vaincre les Sarrasins, de conquérir Orange et Nîmes, et de survivre aux défaites qui ne sont que des revers provisoires: si Vivien meurt aux Aliscans, Guillaume bat en retraite, mais revient quelque temps après avec des forces nouvelles pour arracher la victoire. Les héros survivent, et l'idéal n'est plus celui du martyre chrétien, mais de la vie seigneuriale, même si elle se conclut dans un moniage. Il est question de mariages, de conquête de villes et de chasements, il est question surtout de la fidélité au prince. Alors que Charlemagne était le souverain exemplaire, celui que seul un traître comme Ganelon pouvait imaginer trahir, Louis est comme une absence de prince, qui n'incarne plus transcendance ni vaillance. Mais dans Le Couronnement de Louis, il est sacré roi puis empereur, et est le garant de la justice et d'une société en ordre: s'il est incapable de les faire respecter lui-même, c'est son plus fidèle vassal, Guillaume, qui le fera en son nom: le royaume ainsi constitué est sauf, sauvé par ses sujets mêmes. La chanson de geste crée ainsi une utopie politique au service des capétiens, où l'état est légitimé d'en bas sous le regard bienveillant de Dieu et non plus par l'arrogance des princes cherchant leur intérêt personnel; une utopie où la justice règne par la force des meilleurs vassaux, où le pouvoir est assuré quoi qu'il arrive; c'est la naissance de ce monde nouveau que raconte Le Couronnement de Louis.
Le corps est ici objet d'étude : en tant que lieu d'un savoir médical, physique, philosophique, il invite à scruter les modalités de sa représentation et l'imaginaire qu'il recouvre. De l'homme astronomique à l'imagerie médicale actuelle, en passant par les planches anatomiques " artistes " en même temps que scientifiques des XVIIe et XVIIIe siècles, il témoigne plus que d'autres objets d'une évolution de l'imaginaire comme de l'épistémé. Par ailleurs, le corps est lui-même objet métaphorique qui peut constituer et organiser un discours. Le corpus philosophique, le corps de l'Église ou le corps politique en sont des exemples évidents. À partir du moment où le corps est lui-même un élément constituant du savoir, c'est non seulement le discours qu'il structure et véhicule qu'il faut analyser, mais la représentation même du corps qui est implicitement à l'œuvre. Fruit d'une rencontre pluridisciplinaire de Cerisy, ce volume explore les figures du corps dans le savoir et l'imaginaire du savoir, de l'Antiquité à nos jours.
D'une certaine façon, Charles d'Orléans écrit " pour rien ", à titre gratuit comme à titre gracieux. Il oscille entre le " je-ne-sais-quoi " et le " presque rien " et cette gratuité fascine : si quelqu'un écrit gratuitement, et avec cette persévérance, c'est que cette gratuité est d'une grande valeur. Il montre, dans sa solitude de prisonnier, combien la parole lui est nécessaire. Dans son exil, c'est le dialogue avec Cœur, avec Espoir qui lui permet de se construire un univers de liberté. Ce qui comptera, à son retour en France, c'est bien cette rencontre avec des poètes choisis, d'un mot qui met en marche à la fois une sensibilité individuelle et une opération poétique. Agrégation Lettres modernes 2011.
En littérature, le lignage est un cadre essentiel : il permet aux personnages de s'intégrer et d'organiser des réseaux relationnels qui conditionnent souvent l'action. C'est aussi un moteur puissant de création littéraire, puisque les textes inventent, à partir d'un héros souche, l'histoire des pères, des fils, des neveux. C'est enfin un point névralgique, tant la paternité des grands rois fondateurs, Charlemagne, Alexandre ou Arthur, est douteuse.
Un plaideur véreux, Pathelin, parvient à escroquer un marchand de draps avec l'aide de sa femme, au terme d'une formidable supercherie ; le drapier tente d'obtenir justice de son berger… Il s'agit de Maistre Pathelin, œuvre qui anticipe de deux siècles le génie dramatique d'un Molière ! Ce volume propose de nouvelles lectures du texte en abordant la sociologie des personnages, les rapports entre langage et intrigue, entre culture savante et culture vernaculaire.